Les lectures juives de Genèse 3

Les lectures juives de Genèse 3

Les sages juifs ne lisent pas Genèse 3 comme un récit du péché originel. Pour eux, la mort seule est venue avec le péché d'Adam, non le caractère inévitable du péché.

Mais il existait, une autre pensée qui, sans avoir élaboré la théologie du péché originel, n'était cependant pas satisfaite de cette explication. Cette autre pensée n'est parfois lisible qu'au travers des polémiques[1].

L'existence d'un ton polémique indique soit une opposition entre Juifs et chrétiens, notamment contre saint Paul (Rm 5) soit une opposition interne au judaïsme, le courant minoritaire devenant progressivement effacé des sources juives.

Pour les uns, la mort seule est venue avec le péché d'Adam, non le caractère inévitable du péché.

Ben Sira déclare "d'une femme est venu le péché et à cause d'elle nous mourons tous" (Si 25, 28), cependant Ben Sira déclare seulement que l'iniquité vint dans le monde par une femme et qu'à cause d'elle la mort devint réalité, mais le concept de péché originel et le caractère inévitable du péché ne pénétra jamais son esprit.

Au contraire, dans un autre endroit, il dit expressément : "Dieu créa l'homme dès le commencement et le plaça entre les mains de son yetser. Si tu le veux, tu garderas les commandements et c'est sagesse que d'agir selon sa volonté. Et si tu mets ta foi en lui, tu vivras." (Si 15, 14-15).

La mort est une mort naturelle : "Toute chair s'use comme un vêtement, la loi éternelle c'est qu'il faut mourir"(Si 14, 17).

L'épisode d'Adam et Eve ne fait que marquer le temps où la mort est devenue réalité.

La mort seule est venue avec le péché d'Adam, non le caractère inévitable du péché[2].

Une baraïta a parfois été considérée comme une illustration de la théorie du péché originel.[3] Selon cette baraïta, « quatre moururent du fait du serpent : Benjamin, fils de Jacob ; Amram, père de Moïse ; Jessé, père de David ; et Kileab, fils de David. »[4]

Mais premièrement, dans ce texte la mort seule est venue avec le péché d'Adam, non le caractère inévitable du péché.

Deuxièmement, dans la restriction des effets du premier péché au sort de quatre personnages d'importance secondaire, la doctrine du péché originel est ridiculisée : elle concernerait seulement quatre humains ![5]

En fait, chez les sages juifs, apparaît de plus en plus nettement une opposition juive à la notion de péché originel[6], et donc une fermeture à la compréhension de la rédemption accomplie en Jésus-Christ.


[1] Cf. Cf. Urbach Ephraïm, Les sages d'Israël, Cerf, Paris 1996, (traduit de l'hébreu par Marie-José Jolivet. Edition originale, Jérusalem 1979), chapitre XV, Jugement de l'homme et jugement du monde, p. 438-439.

[2] Une interprétation similaire doit être donnée au dire suivant attribué à rabbi Yehoshua :

"Parce qu'elles ont amené la mort dans le monde, elles sont les premières à approcher un mort... Parce que la femme a été l'âme du premier homme, à elle fut donné le commandement d'allumer la lumière du Shabbat." (Genèse Rabba XVII, 8)

[3] C'est l'opinion de : Israël Lévi, « Le péché originel dans les anciennes sources juives », école pratique des hautes études, Paris 1907, p. 9.

[4] Talmud de Babylone, Shabbat 55 b ; Talmud de Babylone Bava batra 17 a.

[5] Cf. E. Urbach, Les sages d'Israël, Cerf, Paris 1996, (traduit de l'hébreu par Marie-José Jolivet. Edition originale, Jérusalem 1979), chapitre XV, Jugement de l'homme et jugement du monde, p. 440-447

[6] Apocalypse de Baruch syriaque (54, 15-19) ; 4 Esdras 3 ; 4 Esdras 7


Françoise Breynaert

Extrait de :

F. Breynaert, Juifs et chrétiens, Une origine, deux chemins,

Editions du

%5D=437&tx_ifglossaire_list%5Baction%5D=details&tx_ifglossaire_list%5Bcontroller%5D=Glossaire" title="En grec, paracletos signifie « celuiqui qui aide». Mais aussi « l�..." class="definition_texte">Paraclet, Brive 2010 (amazon.fr)