La pierre détachée de la montagne (Dn 2)

« Tu as vu une pierre se détacher » (Dn 2)

Daniel interprète le songe de Nabuchodonosor

En Daniel 2, Daniel interprète le songe de « Nabuchodonosor, roi de Babylone » qui a vu une pierre, venant d’en haut, tomber et faire voler en éclat une statue composite.

Une statue composite

A travers la chute d’une statue composite, il s’agit de la chute de quatre royaumes passés ou présent au temps de l’auteur : le premier royaume avec son or est celui de Babylone, le deuxième royaume : les mèdes, (géographiquement plus bas) ; le troisième royaume, les perses avec le bronze de ses armures ; le quatrième est représenté par des jambes de fer c’est le royaume grec d’Alexandre, avec en Palestine les Ptolémides et les Séleucides (Dn 2, 40). Les pieds sont de fer et d’argile, il s’agirait alors des Séleucides dont certains rois étaient bons et certains étaient mauvais ; ou bien, au verset 43, de l’impossible union entre les Ptolémides et les Seleucides (les mariages entre les deux dynasties n’apportèrent pas la paix). [1]

Une pierre de la montagne

Quant à la pierre qui roule de la montagne, c’est un royaume qui provient de la toute puissance divine :

« Au temps de ces rois, le Dieu du Ciel dressera un royaume qui jamais ne sera détruit, et ce royaume ne passera pas à un autre peuple. Il écrasera et anéantira tous ces royaumes, et lui-même subsistera à jamais : de même, tu as vu une pierre se détacher de la montagne, sans que main l'eût touchée, et réduire en poussière fer, bronze, terre cuite, argent et or. Le Grand Dieu a fait connaître au roi ce qui doit arriver. Tel est véritablement le songe, et sûre en est l'interprétation. »

(Dn 2, 44-45)

Une prophétie, mais de quoi ?

Daniel est le premier à envisager l’histoire du monde comme une préparation au règne de Dieu. Le prophète a su voir la différence entre des royautés terrestres, qui bien qu’elles soient brillantes, puissantes, splendides, sont éphémères et de faible poids devant la gloire du Dieu qui est et qui vient.

Le peuple est sans cesse ballotté dans le jeu des grands empires, mais le prophète sait le recentrer sur le rocher inébranlable : le Dieu vivant. Le royaume est une pierre que tu as vue « se détacher de la montagne, sans que main l'eût touchée » : le royaume est l’œuvre de Dieu sans que n’interviennent les mains humaines (les armées, les pouvoirs financiers, les grands empires…).


Comme dit JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI :

Il ne s'agit pas de détacher le croyant de toute référence sociale et politique. Il s’agit toujours pour le peuple juif d’obéir aux dispositions sociales concrètes de la Torah [2].

A l’inverse, il ne s’agit pas d’un royaume politique en Israël qui écraserait tous les autres royaumes du monde.

La juste mesure des choses c'est qu'Israël « rapporte à sa communauté de lignage son obéissance aux dispositions sociales de la Torah et il n’en fait pas un remède politique universel. » [3]

C’est une prophétie biblique : une parole qui fait vivre et qui peut inspirer nos comportements et notre espérance, aujourd’hui encore ! Car c’est bien chaque génération (l’histoire des idéologies du XX° siècle l’a encore bien montré) qui devra s’engager socialement et construire le royaume, mais qui devra aussi faire la distinction entre les constructions humaines, qui resteront toujours humaines, avec le royaume de Dieu, qui est l’œuvre de Dieu !

L’accomplissement de Daniel 2 dans le Nouveau Testament

Dans le Nouveau Testament, on retrouve les thèmes de la montagne, du royaume et de la pierre

La troisième tentation de Jésus, sur une montagne, concerne la royauté :

« De nouveau le diable le prend avec lui sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire et lui dit: "Tout cela, je te le donnerai, si, te prosternant, tu me rends hommage." (Mt 4, 8-9)

Jésus a vaincu cette tentation : « le royaume humain reste un royaume humain, et celui qui affirme qu’il peut ériger un monde sauvé approuve l’imposture de Satan et fait tomber le monde entre ses mains » [4].

Nous avons surtout ce passage :

« Quiconque tombera sur cette pierre s'y fracassera, et celui sur qui elle tombera, elle l'écrasera. » (Lc 20, 18)

Et dans le contexte de ce verset, la pierre est Jésus lui-même. Ainsi, Jésus s’identifie à une pierre qui « tombe » et qui « écrase », autrement dit, Jésus s’identifie à la pierre du livre de Daniel 2, la pierre et qui représente le royaume qui subsistera à jamais. C’est pourquoi sa présence chasse les démons et apporte le salut. [1]

Jésus est le royaume, il est la présence et la souveraineté de Dieu. [5]


[1] Louis F. HARTMAN and Alexander A. DI LELLA, The Anchor Bible, The book of Daniel, A new translation with Introduction and commentary, USA, 1993. p.146-150

[2] et [3] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 144

[4] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p.63

[5] JOSEPH RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p.70

Synthèse par F. Breynaert