Le mariage de l'empereur Otton II (955-983)

Otton II et Théophano : mariés sous le signe de Cana.

[Otton II succède à Otton Ier à la tête d'un Empire germanique qui se veut protecteur de l'Eglise.

Son règne est très bref (973-983). Il épousa une princesse byzantine, Theophano Skelraina ou Theophania (on peut traduire son nom du grec par « apparition de Dieu »). Le couple reçut la couronne impériale le jour de leurs noces dans l'église saint Pierre de Rome. Ils eurent 5 enfants, dont Otton III et deux filles qui devinrent abbesses.

Nous avons évoqué dans d'autres articles l'ambiguïté du rapport à Rome de cet empire germanique puisque l'empereur nomme le pape et les évêques.

Nous vous proposons de nous intéresser ici à la piété mariale d'Otton II :]

Le diplôme de mariage enluminé d'Otton II et Théophano est un prestigieux document historique[1].

Il a été réalisé pour (ou peu à après) les noces des époux à Rome, le 14 avril 972. C'est un parchemin d'apparat décoré attribué au maître Registrum Gregorii. Il y a unanimité pour reconnaître au centre le Christ entouré à gauche de la Vierge et à droite de saint Jean l'évangéliste.

Il est possible de recouvrir au texte du diplôme pour en éclairer l'iconographie.

Voici la traduction de la seconde section et du début de la troisième :

"Pour cela, le fondateur des deux testaments, le médiateur entre Dieu et les hommes, le Seigneur Jésus-Christ s'est lui-même faut homme en sortant du sein immaculé de la Vierge (ex immaculato virginis utero) pour s'unir à son épouse l'Eglise, comme l'époux sortant de la chambre nuptiale.

Afin de montrer que les noces célébrées en une légitime institution sont bonnes et sont saintes et qu'il en est l'auteur, il a voulu assister à celles-ci, les magnifier par le premier miracle de sa divinité, quand il changea l'eau en vin, et les sanctifier.

Montrant par une injonction personnelle que les noces sont faites par Dieu, il a dit dans l'Evangile : "ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas".

De même, une parole de l'apôtre indique que le mariage doit être honorable et le lit conjugal sans souillure (honorabile connubium et thorus inmaculatus)."

Ces lignes éclairent la présentation du Christ, de la Vierge et de saint Jean.

Au centre du bandeau supérieur du diplôme, s'impose la figure du Christ, auteur des noces chrétiennes, refondateur du message de la Genèse et de l'exigence d'indissolubilité.

La référence aux noces de Cana, où Jésus réalisant son premier miracle certifie le caractère sacré du mariage, et explique la présence de la Vierge, qui tint un rôle décisif dans l'épisode des noces de Cana, et celle de saint Jean, seul des évangélistes à en faire le récit.


[1] MGH DOII21. Il est conservé aux archives d'Etat de Wolfenbüttel.


Extrait par F. Breynaert de : Patrick Corbet, « Les impératrices ottoniennes et le modèle marial », dans Marie, le culte de la Vierge dans la société médiévale, Beauchêne, Paris 1996, p. 113-115