Les références bibliques dans le Magnificat

Le Magnificat : de nombreuses références bibliques

Marie résume la prière des femmes d'Israël:

Elle se souvient de l'expérience de Sara qui s'était exclamé:

"Dieu m'a donné de quoi rire, tous ceux qui l'apprendront me souriront"

(Gen 21,6)

Léa éclatait de joie et s’écriait :

"Quel bonheur pour moi, car les filles m'ont proclamé bienheureuse"

(Gen 30,13)

Judith, une autre femme d'Israël, a marqué la pensée de Marie:

"Tous la bénirent d'une seule voix: Tu es la gloire de Jérusalem, tu es l'orgueil d'Israël"

(Juges 15,9)

Anne, la mère de Samuel, dans son chant d'action de grâces, avait souligné la pédagogie paradoxale de Dieu au cours de l'histoire. 1 Sam 2,4-7 exprimait le même ton que la prière de Marie.

La prière de Marie retrouve les expressions de la prière d'Israël :

"Mon âme exulte"

(Ps 34,9; cf Ps 30,8; 110,9)

"Son nom est béni à jamais, bénies en lui toutes les races de la terre"

(Ps 71,17).

"Accorde à Jacob ta fidélité, à Abraham ta miséricorde que tu as jurées à nos pères dès les jours d'antan"

(Michée 7,20)

Un hymne sapientiel

Le recours aux termes opposés qui est typique du Magnificat est caractéristique également de la littérature sapientielle: "Le Seigneur a renversé le trône des puissants et fait asseoir à leur place les doux. Le Seigneur a déraciné les orgueilleux et a planté à leur place les humbles" (Sir 10,14-15). La sagesse consiste à savoir accepter la place qui a été assignée à chacun dans le plan de Dieu. Marie devient ainsi la figure du sage par excellence. Luc dira qu'elle méditait tous ces événements dans son coeur.

Marie, comme Israël a fait l'expérience de la miséricorde de Dieu.

Luc souligne dans le cantique de Zacharie, le Benedictus, la même expérience du père de Jean-Baptiste. En fait le terme hébreu de hesed appartient au vocabulaire de l'alliance. L'expérience unique de Marie lui permettra de collaborer à l'accomplissement de l'alliance, du dialogue que Dieu a entrepris avec les hommes.

Dans la théologie des prophètes le concept d'alliance est approfondi : la relation d'alliance est traduite par une alliance d'amour conjugale. Dieu aime son peuple d'un amour indestructible. Il peut être en colère contre la femme de sa jeunesse à cause de son adultère, mais tout cela se tourne contre lui-même, le blesse lui l'Amant dont les entrailles se retournent. Dieu ne se montre plus dans sa capacité à punir, mais dans l'indestructibilité de son Amour.

Marie dans son chant de louange se réfère aux mères d'Israël.

La figure de la femme est indispensable à la cohérence de la foi biblique. Elle exprime à la fois la réalité de la création et la fécondité de la grâce. Marie est perçue de façon typologique dans les femmes d'Israël. Nier le féminin dans la foi conduit à la négation de la création et à la non réalisation de la grâce.

Le oui de Marie a dénoué la tragédie de la liberté humaine

Comme un bon instrument de musique Marie s’est accordée pour que le chant de l’être vibre en elle. Son coeur ouvert à l’Esprit se reconstitue au feu de la grâce et tressaille de joie. La dépossession de soi a permis à Marie de cheminer sur la voie des Béatitudes. L’émerveillement dissout la pierre du coeur.

La tradition rabbinique avait noté que la Bible n'était qu'une succession de guerres et de chants. Or les chants les plus beaux de la Bible provenaient de femmes : Myriam, Débora, Anne. Leur sensibilité leur avait enseigné que c'est Dieu qui donne la victoire parce qu'il est fidèle à son alliance. Il suffit de l'acclamer et de le chanter comme on acclame un héros qui rentre du combat. Bien plus, le chant équivaut au combat, puisque c'est Dieu qui combat pour son peuple. La seule participation qui est laissée à l'homme c'est le chant. Marie, nouvelle Myriam, s'insère dans cette logique biblique. En méditant le cantique d'Anne Marie y découvre la pédagogie du Dieu qui est attentif au pauvre et qui se joue des valeurs humaines.

Le parallélisme entre l’Ancien et le Nouveau Testament proclame la fidélité de Dieu à sa promesse. Pas une lettre de l’Ecriture ne disparaîtra. L’alliance faite avec Abraham demeure valable.

Le mystère de l’image restaurée dans le Christ et celui de la ressemblance conquise par l’Esprit de liberté se rejoignent en Marie, la mère de Jésus. C’est parce qu’une jeune femme juive a accepté l’annonce de l’ange que Dieu a pu prendre chair, rentrer au coeur de sa création et recréer le monde de l’intérieur. Par son oui Marie a dénoué la tragédie de la liberté humaine.

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Père Frédéric Manns