La théologie du mémorial

Théologie du "mémorial"

« Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur. »

(Luc 2,19)

« Et sa mère gardait fidèlement toutes ces choses en son cœur. »

(Luc 2,51)

Faire mémoire : un acte capital

Israël

Dans la Bible, les prières adressées au temps de l’épreuve s’appuient toujours sur la mémoire de ce que Dieu a fait. Lisons simplement ce passage :

« Rendons plutôt grâces au Seigneur notre Dieu qui nous met à l'épreuve, tout comme nos pères. Rappelez-vous tout ce qu'il a fait à Abraham, toutes les épreuves d'Isaac, tout ce qui arriva à Jacob en Mésopotamie de Syrie alors qu'il gardait les brebis de Laban, son oncle maternel. Comme il les éprouva pour scruter leur cœur, de même ce n'est pas une vengeance que Dieu tire de nous, mais c'est plutôt un avertissement dont le Seigneur frappe ceux qui le touchent de près. »

(Judith 8,25-28)

Marie

Parce qu’elle a su conserver toutes ces choses dans son cœur, la conception virginale et l’épisode de Jésus perdu et retrouvé au temple le troisième jour, la foi de Marie a imité celle de Judith, et Marie a pu traverser l’épreuve incommensurable du crucifiement de son Fils, le Fils de Dieu.

L'éternel présent de Dieu

Israël

A l’époque de Josias, on a compris que Dieu nous aime aujourd'hui avec le même amour dont il a aimé nos pères pendant l’Exode :

« Ce n'est pas avec nos Pères que YHWH a conclu cette alliance mais avec nous, nous-mêmes qui sommes aujourd'hui tous vivants. »

(Dt 5 ,3)

C’est ce qu’on appelle la théologie du mémorial qui fait entrer dans l’éternel présent de Dieu. Dans le Deutéronome, « Aujourd’hui » est dit 70 fois !

L’événement du Sinaï est passé, mais il est aussi présent et avenir, promesse. « La manifestation historique de Dieu, du fait qu'elle était Alliance avec le partenaire divin, n'était pas qu'une étape vers un terme, limitée par le caractère éphémère de sa manifestation en un temps donné, mais elle surplombait l'histoire tant en direction de l'origine qu'en direction de la fin. [...] Ainsi, chaque ouverture du fidèle à la Torah était-elle participation à l'éternité créatrice de Dieu. Chaque pâque était le résumé des quatre nuits : la nuit d'Adam, celle d'Isaac et de son sacrifice, la nuit de la célébration et celle de la fin des temps.»[1]

Alors qu’il n’y a plus aucune trace des exilés du royaume du nord qui n’avait pas cette théologie, la compréhension du mémorial va permettre aux exilés du sud de garder la foi pendant leur déportation à Babylone.

Marie hérite de cette spiritualité du "mémorial"

Les grands événements de la conception virginale et de l’enfantement virginal ont illuminé toute sa vie. Cela ne signifie pas qu’elle fut exempte d’épreuve ni qu’elle eût à parcourir un itinéraire de foi. Mais en conservant ces évènements dans son cœur, c’est à dire en vivant la spiritualité du mémorial à partir de ces évènements, elle a gardé la foi dans son épreuve.


[1] J. BERNARD, Torah et culte chez les Rabbins, confessions divergentes, dans Mélanges de science Religieuse, Lille, Janvier-mars 1997 pp. 38-71


A. SERRA

(Marianum, Rome)

Cf. A. SERRA, Memoria e contemplazione (Lc 2,19.51b),

dans “Theotokos” VIII (2000), p. 821-859.

N.B. "Theotokos" : centro Mariano Monfortano, via Romagna, 44 – 00187 Roma.