Le contexte de l'Épître aux Philippiens

L’attitude de Paul en prison (cf. Philippiens)

L'épître aux Philippiens ne mentionne pas la mère de Jésus, et très probablement Paul n'a jamais rencontré Marie.

Paul en prison (à Ephèse) unit ses souffrances au Christ dans sa passion. La passion du Christ est comprise positivement et saint Paul reste résolument orienté vers la vie, vers ce qui est positif.

Dans cet équilibre spirituel, nous pouvons repérer aussi la ligne spirituelle mariale telle que nous l'avons décrite par exemple lorsque nous avons évoqué « vivre le mystère pascal avec Marie », ou lorsque nous avons parlé du « samedi marial ».

De quel emprisonnement s'agit-il, dans la lettre aux Philippiens ?

La lettre parle du prétoire (Ph 1,13). Ce prétoire peut désigner toute résidence de gouverneur de province, et on y trouvait des serviteurs de l'empereur.

Les conditions libérales de détentions à Rome décrite en Ac 28, 16 ne correspondent pas à ce que décrit cette lettre : des chaînes (Ph 1, 13), une menace de mort (Ph 1, 23).

Or, le livres des Actes, au chapitre 19, décrit un séjour de Paul à Ephèse pendant deux ans, et il est clair que le livre des Actes ne raconte pas tout. Un emprisonnement à Ephèse est ce qui correspond le mieux avec cette correspondance avec les Philippiens.

L'affaire de Paul à Ephèse :

« Je désire que vous le sachiez, frères, mon affaire a tourné plutôt au profit de l'Evangile: en effet, dans tout le Prétoire et partout ailleurs, mes chaînes ont acquis, dans le Christ, une vraie notoriété, et la plupart des frères, enhardis dans le Seigneur du fait même de ces chaînes, redoublent d'une belle audace à proclamer sans crainte la Parole. »

(Philippiens 1, 12-13)

Quelle est cette affaire ? C'est très probablement la révélation de sa citoyenneté romaine.

Jusque là, Paul ne l'avait pas dit et il a accepté de souffrir un long emprisonnement (les Philippiens ont eu le temps de faire une collecte : Les Philippiens lui ont fait parvenir une aide par Epaphrodite. Paul remercie. « Epaphrodite m'a remis votre offrande, parfum de bonne odeur, sacrifice que Dieu reçoit et trouve agréable. » (Philippiens 4, 18).

Mais ses intentons sont passées inaperçues.

Après la révélation de son identité romaine, il deviendrait clair pour tous que la raison de son incarcération est dans le Christ, c'est à dire qu'elle servait le Christ, la fidélité à sa croix.

De plus, sa comparution en procès public donnerait l'occasion d'un témoignage plus important.

Nous avons confirmation de cette hypothèse car elle permet d'expliquer aussi que Paul évoque sa libération, son retour dans la communauté (Ph 1, 26).

Cependant, à Ephèse où Paul est emprisonné, tous ne comprennent pas l'attitude de Paul. Les adversaires de l'apôtre prêchent le Christ (donc la croix), mais ils veulent « aggraver le poids de mes chaînes » (Ph 1, 15-17) : sans doute pour encore rapprocher Paul du Crucifié et du Ressuscité.

Paul qualifie ses adversaires avec sévérité, mais sans colère, il dit qu'ils agissent « par envie, en esprit de rivalité » « par esprit d'intrigue » (Ph 1, 15-17)

Et Paul leur répond en commençant par exprimer sa compréhension :

« Pour moi, certes, la Vie c'est le Christ, et mourir représente un gain. »

(Ph 1, 21)

Mais Paul justifie aussi la révélation de son identité romaine qui permettra son retour en liberté :

« Cependant, si la vie dans cette chair doit me permettre encore un fructueux travail, j'hésite à faire un choix... Je me sens pris dans cette alternative: d'une part, j'ai le désir de m'en aller et d'être avec le Christ, ce qui serait, et de beaucoup, bien préférable; mais de l'autre, demeurer dans la chair est plus urgent pour votre bien. Au fait, ceci me persuade: je sais que je vais rester et demeurer près de vous tous pour votre avancement et la joie de votre foi, afin que mon retour et ma présence parmi vous soient pour vous un nouveau sujet de fierté dans le Christ Jésus. »

(Ph 1, 22-26)

L'apôtre a d'abord et surtout le souci de ne pas avoir peiné en vain, son souci est l'avancement de l'Evangile :

« [Si vous êtes irréprochables...] vous me préparez ainsi un sujet de fierté pour le Jour du Christ, car ma course et ma peine n'auront pas été vaines. »

(Ph 2, 16)

Et c'est dans cette dynamique que s'inscrit le sens d'un éventuel martyr :

« Au fait [mais, de plus], si mon sang même doit se répandre en libation sur le sacrifice et l'oblation de votre foi, j'en suis heureux et m'en réjouis avec vous tous, comme vous devez, de votre côté, en être heureux et vous en réjouir avec moi. »

(Ph 2, 17-18)

L'apôtre offre sa vie et les Philippiens offrent leur foi. Nous pourrions paraphraser : « si c'est sur le sacrifice de votre foi que je peine, alors c'est avec joie. »

La joie n'est pas centrée sur une mystique du martyre comme fin en soi, mais elle est la marque de l'avancement de l'Evangile.


Cf. Jean François Collange, L'épître de saint Paul aux Philippiens,

Neuchâtel 1973, p. p. 52-65 et 100-101.

(J-F Collange est un pasteur, enseignant à Strasbourg).

Résumé F. Breynaert.