Luther et Montfort

Montfort et Luther

Bien que son époque fut très pénible à l'égard des protestants, la douceur que saint Louis-Marie leur témoigna est reconnue. Mais sa doctrine correspond-elle à leur sensibilité ?

En cherchant un moyen pour trouver la grâce (SM 6), Montfort reprend la question fondatrice de Luther que nous pouvons résumer ainsi : comment puis-je trouver grâce aux yeux de Dieu ? Où trouver les raisons de croire au salut ? En l'homme ? Mais jamais une vie ne peut s'élever à la hauteur de Dieu ! En Dieu ? Mais sa justice ne peut que foudroyer l'homme !

Lorsqu'on lui assure que ses actions méritantes lui vaudront le ciel, Luther se rappelle que son maître spirituel saint Augustin doutait déjà au IVe siècle de la sincérité des oeuvres prétendues bonnes. Aussi, la réponse de Luther fut l'amour de Dieu et le salut par la foi seule obtenant la grâce, identifiée à la personne même de Jésus-Christ qui se communique par l'Ecriture.

La réponse de saint Louis-Marie a bien des points communs avec celle de Luther :

- nos bonnes oeuvres appartiennent uniquement à Dieu (VD 68).

- Notre foi est si importante qu'elle est identifiée à notre vie divine (VD 214). Il prêche l'amour de Dieu et non pas la peur (VD 16).

- L'Ecriture et l'Evangile, que le rosaire rappelle, sont la présence du Dieu vivant (MR 38). Par son enracinement biblique très important, par le christo-centrisme de sa spiritualité dont le fruit est « Jésus seul », et par le rôle fondamental de la foi (SM 68-69) saint Louis-Marie a donc rejoint les points essentiels de la réforme.

- De plus, saint Louis-Marie se situe aussi dans la logique paulienne (Ph 2, 12-13) : il s'agit de travailler parce que Dieu donne (Dieu donne Marie l'arbre de vie SM 67). Et il suit saint Augustin : « celui qui t'a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi » (sermon 169,1).

Au temps de Luther, Marie n'est pas un obstaclen à l'unité des chrétiens. Luther, dans son commentaire du Magnificat encourageait à prier « par » et « avec » Marie. « Rien ne saurait plaire à Marie comme d'aller ainsi par elle à Dieu. »[1]. Ainsi parle Luther.

Conclusion

Protestants et catholiques s'expriment diversement sur la possibilité des hommes pécheurs à coopérer à la grâce. Un texte œcuménique a été récemment signé sur ce sujet[2].

L'humilité de saint Louis-Marie et son invitation à coopérer avec Dieu en agissant en toute chose par Marie, immaculée, rejoint les remarques protestantes sur les difficultés et les exigences d'une éventuelle coopération humaine avec Dieu.


Cependant, Luther exalte la justification extrinsèque au point que la personne humaine n’a plus de consistance propre.

D'une façon très différente, mais que Calvin comprendrait, Montfort donne une consistance métaphysique à la personne humaine, le salut se joue dans le temps humain, dans une lente maturation, comme la croissance d’un arbre (d’où son image de la culture de l’arbre de vie).


[1] Luther M., Le Magnificat, Commentaire. Edition Salvator, Mulhouse 1967, p. 60

[2] Eglise catholique, Fédération luthérienne mondiale, La doctrine de la justification, déclaration commune, Le Cerf, Paris 1999.


Adaptation de : Françoise Breynaert, Marie arbre de vie, Brive 2007, Préface S. De Fiores, p. 110-111

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