Mon âme exalte le Seigneur (Lc 1,46), Origène († 253)

Mon âme exalte le Seigneur (Lc 1,46), Origène († 253)

Dieu est sans accroissement ni diminution. Magnifier Dieu ne signifie par faire grandir Dieu, mais faire grandir son image en soi, être conformé au Christ :

« On se demande comment l’âme magnifie le Seigneur. En effet, si le Seigneur ne peut recevoir ni accroissement ni diminution et s’il est ce qu’il est, dans quelle mesure Marie peut-elle dire maintenant : Mon âme magnifie le Seigneur ? Si je considère que le Seigneur notre Sauveur est "l’image du Dieu invisible" (Col 1,15) et si je vois que mon âme est faite à "l’image du Créateur" (Gn 1,27), pour être l’image de l’image – mon âme en effet n’est pas expressément l’image de Dieu mais elle a été créée à la ressemblance de la première image – je comprendrais alors ceci :

à la manière de ceux dont le métier est de peindre des images et d’utiliser leur art à reproduire un modèle unique, par exemple le visage d’un roi, chacun de nous transforme son image à l’image du Christ et trace de lui une image plus ou moins grande, tantôt délavée ou ternie, tantôt claire et lumineuse, répondant à l’original.

Lors donc que j’aurai fait grandir l’image de l’image, c’est à dire mon âme, et que je l’aurai magnifiée par mes œuvres, mes pensées et mes paroles, alors l’image de Dieu aura grandi et le Seigneur lui-même dont notre âme est l’image, sera magnifié. » (1)

Dans un fragment grec on lit à ce propos, une observation qui mérite d’être signalée.

« Pour quelques-un "esprit" et "âme" signifient la même chose » (2).

Il n’en est pas ainsi pour Origène: l’esprit, pneuma, est l’élément divin, c’est le pédagogue de l’âme; l’âme (psychè) est le siège du libre arbitre, le pouvoir de choisir. Si l’âme se conforme à la conduite de l’esprit, elle devient toute spirituelle. Si elle se tourne vers la chair, elle devient charnelle.

La Vierge en rendant grande l’image divine en elle-même, sous la poussée de l’Esprit, devient avec son cantique un signe et un modèle de la configuration progressive au Christ.

Comme Marie, chaque chrétien est donc appelé avec les oeuvres, avec la pensée, avec la parole à se transformer de plus en plus en l’image de Dieu qui est le Christ « alors l’image de Dieu aura grandi et le Seigneur lui-même dont notre âme est l’image, sera magnifié » (homélie VIII, 2).

Origène conclut : l’âme de Marie glorifie d’abord le Seigneur, puis son esprit exulte en Dieu. Intéressante est la réflexion d’Origène sur la spiritualité chrétienne déduite de Lc 1,46-47: si on ne grandit pas dans la transformation en Christ on ne peut pas exulter (homélie VIII, 4).


(1) Origène, Hom VIII,2 sur Luc, dans sources chrétiennes 87, Paris Cerf 1961, p. 165

(2) Origène, Fragment 26 sur Lc 1,48 H. CROUZEL, Origène, Homélies sur l’Evangile de saint Luc: sources chrétiennes 87, Paris Cerf 1961, p. 483


A.Gila

(Faculté pontificale "Marianum", Rome)