Le Magnificat prophétie du mystère pascal

Le Magnificat prophétie du mystère pascal

Quand la Vierge Marie visite Elisabeth, c'est Dieu qui est au cœur de la rencontre.

Le choix de Dieu est si total en cette toute jeune femme de Nazareth, que toutes ses facultés sont au service de Dieu désiré plus que tout ; Dieu qu'elle aime de toutes ses forces et de toutes ses puissances intérieures : mémoire intelligence, volonté. Si bien que son amour pour Elisabeth est un débordement de son amour pour Dieu dont elle se sait comblée. L'ange l'avait ainsi nommée : « Comblée de grâce. » Cette plénitude d'amour rejaillit sur l'autre nécessairement. Elle aime son prochain comme elle se laisse aimer par Dieu. Ainsi s'accomplit en elle le double amour de Dieu et du prochain. Mais les deux premiers commandements sont dépassés comme « loi écrite sur des tables de pierre ». C'est son cœur profond, son « cœur de chair » qui en est le lieu d'impulsion. D'où cette reconnaissance de l'œuvre de Dieu en elle que Marie traduit ainsi : « Mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. »

Ce petit bout de femme, à l'aube de sa vie d'adulte, debout, constate combien son oui à la parole de l'ange (Lc 1, 38) est un aussi un don qui répond au don reçu. C'est un oui d'amour personnel qui vient d'un don d'amour personnel de Dieu pour elle. Ce oui contient tout ce que la volonté de Dieu renferme dans le mystère de sa mission de femme « Nouvelle Eve, » unie à jamais par le oui de son Fils au Père, Nouvel Adam : « Me voici pour faire ta volonté. » (He 10, 9). Ce oui du Fils qu'elle assume jusqu'au jour où il deviendra le oui du « serviteur souffrant. »

A Gethsémani, ce oui de Jésus au Père est le prolongement du oui commun de la Mère et du Fils.


Marie en son Magnificat décrit tout ce que Dieu fait pour elle, pour son Fils, pour le peuple de Dieu depuis toujours et pour le peuple des croyants à venir. Cette relecture qui englobe le passé le présent et le futur est une sorte de levée de voile sur les mœurs divines par l'Esprit Saint. Tout est comme annoncé en fonction de la victoire du Ressuscité, et de la Pentecôte.

Si bien que Jésus à l'agonie jusqu'à son dernier souffle en Croix peut s'appuyer sur ce chant d'action de grâce du magnificat au cœur même de l'épreuve. Il sait que le Père se penche sur son humble serviteur comme il s'est penché sur son humble servante. Il sait que le passage obligé de la Croix sur la terre conduit à la joie de la résurrection et au bonheur de l'éternité. Mais des joies sont déjà commencées ici-bas.

Avec Marie « la mère » (Jn 19, 26), quand son heure est venue -l'heure du témoignage ultime- Jésus est éprouvé dans sa perfection d'amour au point d'entrer dans une pauvreté radicale, faite d'anéantissement, d'impuissance, dans l'angoisse d'être abandonné.

Mais en même temps, le Magnificat de Marie qui est le chant de victoire du Très-haut pour relever le Très-bas et avec lui tous les pauvres de la terre de tous les temps auquel il s'est uni, proclame la fidélité de Dieu et sa victoire sur toutes les formes d'oppression. L'Esprit Saint s'engouffre, comme aspiré par l'offrande d'une telle pauvreté.

Jésus qui reçoit tout du Père, dans une pauvreté radicale, entraîné par la foi de sa mère Marie, debout le long de la Croix, accomplit la grande œuvre de sa vie : celle de se laisser aimer jusqu'au point de non-retour. Il s'abandonne alors entre les bras du Père sur la Croix dans le sommeil de la mort, comme il s'abandonnait quand il était tout petit dans les bras de sa maman avant de s'endormir. Le Père au ciel et la mère sur terre, en ce dernier souffle remis du haut de la Croix, sont la source d'amour ultime en son cœur d'homme, faisant le lien entre la terre et le Ciel. Désormais un passage est comme franchi à la manière d'une brèche, faisant s'effondrer tous les murs de séparation construits par les hommes dans leur relation à Dieu. En effet, le Christ a voulu recevoir de Marie l'aide qu'il a désiré de son bon vouloir divin.

Désormais, les croyants, en vrais fils d'Abraham feront leurs les paroles de l'apôtre Paul face aux adversités : « Nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés.... Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ...» (cf. Rm 8, 35-38). Oui, la promesse de Dieu est accomplie : « Le Seigneur fit pour nous des merveilles. Saint est son nom. » (Lc 1, 49). Son amour est victorieux.


Père Jean-Louis Barré

(né en 1955 - ),

Docteur en théologie

Diplomé de la faculté théologique pontificale "Marianum", Rome.