Paolo di Giovanni Fei. La Présentation de Marie au Temple, v.1400.Domaine public, via Wikimedia Commons.
La Présentation de la Vierge Marie au Temple est un épisode de la vie de la Vierge Marie qui appartient à la tradition, mais qui n’est pas rapporté dans les évangiles. Il se trouve mentionné dans le Protévangile de Jacques, récit apocryphe du IIès, document qui a été largement diffusé dans le monde chrétien, et auquel les pères de l'Église d'Orient prêtent une grande attention. Dans ce récit, on parle du vœu de Joachim et Anne de se séparer de la petite Marie, alors âgée de 3 ans, pour qu'elle soit élevée dans le Temple du Seigneur.
Icône de la Présentation au temple, avec les vierges lampadophores.
Dans le Protévangile de Jacques, au chapitre IV, la Vierge Marie est comparée à Samuel, parce qu’elle est un don de Dieu. Au chapitre VII du Protévangile est relaté la Présentation de Marie au Temple: entourée des vierges lampadophores, elle entre dans le temple dans la joie, y est accueillie par le grand prêtre et y séjourne, nourrie par un ange, pendant plusieurs années. La joie du don de Marie se manifeste par une danse, qu’elle exécute avec grâce. Elle manifeste en cela la dynamique de la gratuité du don, caractéristique de la Vierge Marie , joie du don que le saint pape Jean-Paul II a longuement développée, par exemple dans sa Lettre encyclique Evangelium vitae.
Longtemps mis à l'écart par les pères de l'Église, ce récit de la Présentation de Marie au Temple dès l’âge de trois ans est repris au VII° siècle, dans un cadre liturgique, par saint Jean Damascène, docteur de l’Église, dans son Sermon sur la Nativité de Marie. De même, saint Maxime le Confesseur reprend cette tradition, dans sa Vie de Marie .
St Alphonse de Liguori (1676-1787), Docteur de l'Église, rapporte cette tradition dans son écrit Les Gloires de Marie (1748) : il cite les visions de la bénédictine sainte Élisabeth de Schönau (1129-1164) et de sainte Brigitte de Suède(1303-1373) selon lesquelles la Vierge Marie aurait été élevée au Temple.
D’autre part, Mgr R. Laurentin a comparé les « vies de Marie » par Marie d'Agréda (†1665), la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich (†1824), et Maria Valtorta (1897-1961), qui décrivent toutes trois l’enfance de la Vierge Marie[i6] , et notamment la présentation de Marie au Temple, pour aborder la question de l’historicité de cet événement. Anne-Catherine Emmerich dit qu’au Temple, Marie tissait le voile du Temple qui sépare le Saint du Saint des Saints, et que sa maîtresse des novices était la fameuse prophétesse Anne qui intervient dans l’évangile de la Présentation de Jésus au Temple.
La question de l’historicité de la Présentation de Marie au Temple est essentielle : en effet, comme le dit F.Breynaert,
« Ni l'Ancien ni le Nouveau Testament, ni la Mishnah ni le Talmud ne donnent de précision sur un quelconque bâtiment dans l'enceinte du Temple qui aurait été réservé à des maîtresses éduquant des fillettes, mangeant et dormant dans une « clôture religieuse ».
Par contre, L'Église d'Orient comme l’Église d'Occident a toujours validé la tradition selon laquelle les parents de Marie, saints Anne et Joachim, ont consacré la petite Marie au Seigneur, ainsi que l'acte intérieur de la petite Marie elle-même, qui se livre et se consacre avec un « Oui » entier, prélude du » Oui » de l'Annonciation.
La question de l’enfance de la Vierge Marie a été un objet d’étude pour les théologiens de l’Église d’Orient, comme pour ceux de celle d’Occident. Le théologien et philosophe byzantin Michel Spellos (†1098) médite sur cet épisode, nécessaire selon lui pour préparer la Vierge Marie à sa maternité divine; Le saint orthodoxe Grégoire Palamas ( † 1359)contemple l'épisode traditionnel de l'enfance de Marie au Temple dans la perspective grandiose du dessein de Dieu; le théologien byzantin saint Nicolas Cabasilas († 1391) a donné sens à l'enfance de Marie au Temple , expliquant que cette étape de la vie de Marie est l’ultime préparation de l'humanité avant l'Incarnation ; Saint Justin Popovitch (1894-1979), l’un des plus grands théologiens de l’Église orthodoxe serbe, a parlé de la Vierge Marie comme premier temple vivant de Dieu …
La Présentation de Marie est célébrée dans les différentes liturgies du monde. Dès le VIès, les Églises d’Orient ont célébré, à la basilique Sainte-Marie-la-Neuve à Jérusalem, cette entrée de la Vierge Marie au Temple. Cette fête est attestée dans l’Église byzantine dès le VIIIès. Elle fut répandue en Occident dès le haut Moyen Âge, à la suite de la diffusion de la version latine amplifiée du Protévangile de Jacques, que l’on nomme l’Évangile du Pseudo-Matthieu, par le Livre de la Nativité de Marie et la Légende dorée de Jacques de Voragine, et grâce au jeu liturgique créé par Philippe de Mézières au XIVès. En Occident, elle ne sera définitivement inscrite au calendrier liturgique qu’au XVIès. Dans la liturgie romaine, la Présentation de Marie (ainsi renommée par le concile Vatican II) est l’une des cinq Mémoires mariales obligatoires : on la fête le 21 novembre. La Présentation de Marie au Temple est également fêtée dans différentes liturgies : la liturgie maronite ; la liturgie byzantine ; la liturgie copte …
Enluminure du XVès. La Purification de la Vierge Marie
La Présentation de Marie au Temple offre un modèle pour tous ceux qui se consacrent à leur tour au Seigneur : les religieux, les prêtres, mais également tous les chrétiens, qui, par leur baptême, sont appelés à se consacrer au Seigneur, c'est-à-dire à faire de toute leur vie une offrande agréable, et à devenir les pierres vivantes du Temple spirituel.
C’est ainsi que le 21 novembre, jour où l’on fête la Présentation de Marie, un certain nombre de religieux renouvellent leurs vœux, et saint Alphonse de Liguori a composé une prière de consécration qui s’appuie sur ce don que Marie a fait d’elle-même lors de cet épisode de la Présentation au Temple.
Paolo Uccello. La Présentation de Marie au Temple.
Le motif iconographique de la Présentation de Marie au Temple est traité à la fois dans l’art oriental et dans l'art occidental. S’il est relativement fidèle au texte du Protévangile de Jacques, on retrouve certains éléments qui sont traités avec plus ou moins de liberté : les vierges lampadophores qui accompagnent Marie, les parents de Marie, Joachim et Anne, les témoins, mais aussi les quinze degrés de l’escalier, qui symbolisent notamment l’ascension spirituelle de la petite Marie, la célérité de Marie qui témoigne de son zèle à se consacrer à Dieu, l’accueil du grand prêtre, etc.
Titien. Présentation de Marie au Temple. Titian, CC BY 2.0
La fameuse toile monumentale du Titien de la Présentation de Marie au Temple, elle, représente la Vierge Marie dans son ascension, et son lien avec l’architecture du Temple est souligné : la Vierge Marie est bien Celle qui deviendra le Temple vivant de Dieu.