L'Avent

Marie de Nazareth

 

Manuscrit médiéval de l’antienne « Rorate caeli de super »(« Cieux, répandez votre rosée, et que les nuées fassent pleuvoir le Juste »,  chant d’entrée  réservé au temps de  l'Avent, qui magnifie le mystère de l'Incarnation et la Vierge Marie.  DerHexer, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons.

Le terme d’Avent est la transcription du latin « adventus » qui désigne le fait d’être arrivé, venu : c’est le temps qui prépare à la « venue » du Christ : son humble venue parmi les hommes que nous fêtons à Noël, sa venue en nos cœurs, par la grâce, mais aussi sa venue à la fin des temps dans la gloire (Parousie). La période de l’Avent, qui précède le temps de Noël et débute 4 semaines avant Noël, ouvre l’année liturgique, et permet d’exalter la figure de la Vierge Marie, Mère du Rédempteur, en même temps que celle du Christ. La liturgie de l’Avent est ainsi  particulièrement  riche.

Un temps liturgique de préparation et de purification

Couronne de l’Avent. Les 4 bougies symbolisent les 4 dimanches de l’Avent, que l’on allume successivement.

L’Avent, institué dès le Vès par l’évêque Perpète de Tours comme une période de purification débutant le 11 novembre, jour de la saint Martin, et se prolongeant jusqu’à Noël,  fut également appelé Carême d’hiver. Lors du  premier concile de Mâcon (581) fut en effet ordonné un jeûne les lundis, mercredis et vendredis entre la Saint Martin et Noël. L’institution de ce temps liturgique, par analogie au Carême, et l’organisation des pièces des quatre dimanches de l’Avent est attribuée par les liturgistes au Pape saint Grégoire le Grand.

En écho au Carême, le temps de l'Avent est maintenant constitué de quatre semaines, commençant chacune par un dimanche : le premier dimanche (Levavi), qui considère surtout le dernier avènement du Christ, le deuxième dimanche (Populus Sion) ; le troisième dimanche, de la joie (Gaudete) ; et le quatrième dimanche (Rorate). La couleur liturgique des chasubles des célébrants pendant l'Avent est le violet (symbole de pénitence purificatrice) excepté pour le troisième dimanche, qui est en rose (symbole de joie). L’usage du rose se retrouve également pendant le Carême, le 5eme dimanche appelé dimanche de Laetare .

Ce temps particulièrement  riche de l'Avent permet à la fois de faire mémoire et de célébrer l’Incarnation de Jésus, mais également la venue glorieuse du Christ à la fin des temps, appelée Parousie. Il instaure ainsi un temps centré autour de la figure du Christ, et dont le Christ permet le déploiement.

L’attente chrétienne de l’Avent donne une grande place aux  textes prophétiques inspirés par l’attente du Messie : Isaïe et Jean-Baptiste, qui sont les deux grandes voix de la liturgie de l’Avent, et nous permettent de vivre pleinement ce temps d’espérance. Ainsi, par exemple, pendant toute la période de l’Avent, on chante le Rorate caeli de super , antienne inspirée du livre du prophète Isaïe ( Isaïe, XLV, 8) et les textes proposés pour la liturgie de l’Avent puisent largement dans ce livre.

La place de la Vierge Marie dans l’Avent

      

A.Veneziano. La Vierge enceinte, Vierge d’humilité désignant le Messie in utero (comme la Vierge dite Hodiguitria, qui montre le chemin.). XIVès. Domaine public, via Wikimedia Commons.

L’Avent  offre une grande place à la Vierge Marie, qui a porté Jésus dans son sein. On fait mémoire de la Vierge pendant l'Avent et à Noël : durant les dimanches de l’Avent, on lit les évangiles de l'Annonciation (Lc 1, 26-38) et de la Visitation (Lc 1, 39-47) qui, repris dans l’eucologe (= prières liturgiques) donnent lieu à des compositions d’une grande profondeur théologique. À la fin de la messe,  on chante l'antienne mariale Alma redemptoris Mater, qui magnifie  la Vierge Marie  comme « Mère du Rédempteur » Cette belle prière a été d’abord composée en grégorien, puis de très nombreux compositeurs, inspirés par la beauté du texte, l’ont mise en musique.

La congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a donné un « Directoire sur la piété populaire et la liturgie » (Vatican 2001dont un  extrait concerne la Vierge Marie dans le temps de l’Avent.

La Solennité de l’Immaculée Conception (8 décembre)

L’Avent est également un mois marial , ponctué par la Solennité de l’Immaculée Conception, dont la date (8 décembre) tombe aussi durant l’ Avent, et à laquelle on se prépare par une neuvaine à l'Immaculée Conception, du 30 novembre au 8 décembre. Les mystères sont ainsi intimement liés : Marie est conçue immaculée en vue de devenir la mère de Dieu.

À l’approche de Noël, on fera ainsi mémoire de la conception virginale de la Vierge Marie, de la Visitation, du Magnificat

À partir du 17 décembre,  l’attention se concentre sur la préparation à la venue du Seigneur Jésus dans le mystère de la maternité divine et virginale, et l’oraison du 17 décembre (inspirée du fameux rouleau de Ravenne, manuscrit du Vès) nous invite à nous unir à la divinité du Christ, à l'exemple de Marie. Cette union est une très profonde préparation spirituelle pendant l'Avent avant d’entrer dans la joie de Noël. Ainsi, cette grande semaine de préparation à Noël  est

« Plus attentive à la commémoration du mystère de l’Incarnation et de la naissance du Sauveur (passé), pour que nous puissions mieux recevoir la grâce du salut (présent). La liturgie actualise ainsi le passé dans le présent, pour instaurer l’avenir ; elle le fait avec un art consommé, signe de la plénitude dont elle est dépositaire. [1]»

Pour marquer cette attention au Christ durant l'Avent, le 17 décembre, on chante l’antienne Ô Sapientia,  qui marque le début des antiennes qu’on nomme « antiennes  O », ainsi désignées car elles débutent toutes par l’interjection O adressée au Christ.

Les antiennes Ô

     

Manuscrit Antiphonarium pro Ecclesia Einsidlensi (manuscrit 611), Grandes antiennes Ô. Einsideln, CC BY-SA 4.0 , via Wikimedia Commons.

Les antiennes Ô, chantées pendant la liturgie de l’Avent, accompagnent le cantique du Magnificat aux vêpres des sept jours qui précèdent Noël,  intitulées Antiphone super Magnificat.  Elles sont chantées à partir du 17 décembre, et ont été  conçues pour attribuer au Christ  des titres extraits de l'Ancien Testament (Livre d'Isaïe VII, 14, Judith, Malachie, Ezéchiel, Aggée, Zacharie, etc.) exprimant  l'attente du Messie. Chacune des antiennes reprend  un titre du Messie, dont la naissance était attendue en Israël. Les antiennes Ô soulignent ainsi que Jésus est vraiment le Fils du Dieu Père de l'Ancien Testament.

Les titres attribués au Christ sont : O Sapientia (O Sagesse, 17 décembre), O Adonai , O Radix Jesse (O Rameau de Jessé), O Clavis David (O Clé de David), O Oriens (O Orient), O Rex Gentium (O Roi des nations) , O Emmanuel.

 Ces invocations de l'Avent datent, pour le moins, du VI° siècle. Primitivement, il y en avait douze et on les chantait au Benedictus des Laudes. Au IX° siècle, on commença de les chanter au Magnificat des Vêpres.

Les antiennes Ô constituent une sorte d’octave inversée, qui consacre la semaine qui précède Noël en établissant un lien profond entre l’Ancien et le Nouveau testament.  C’est pourquoi on parle à leur sujet de semaine ou octave de « Sainte Marie de l'Ô ». D’autre part, ces antiennes sont constituées dans une progression ascendante, puisque l’invocation «O Emmanuel» vient au terme des invocations. Elles sont chantées le soir, aux Vêpres, avec le cantique du Magnificat, ce qui lie de façon étroite la Vierge Marie dans son attente du Christ à celle de Sa venue, et inscrit cet hommage en cette heure vespérale, qui annonce et porte notre désir de la venue du Messie dans la nuit de Noël ((pour entendre le Magnificat, cliquez sur  )..

Ces antiennes, éminemment contemplatives, forment le joyau de la liturgie de l’attente que constitue l’Avent. Les titre des antiennes forment un acrostiche inversé des grandes O. La première lettre de chaque titre donné à Jésus, en commençant par la fin et en remontant, donne la phrase ERO CRAS, qui signifie "Je serai là demain". Évidemment le 23, on peut lire cette phrase en entier : je serai là demain le 24 au soir...

Les grandes antiennes « Ô » de l'Avent se trouvent dans les manuscrits les plus anciens du chant grégorien. Plus tard, elles ont également été mises en musique, par exemple par Marc-Antoine Charpentier, en 1692, au moment où l’on redécouvrait en France, grâce à l’essor de la poésie liturgique néo-latine du XVIIès, le goût des hymnes, les inscrivant, par la composition d’œuvres nouvelles, dans l’esthétique classique (pour entendre, cliquez sur  ).

La fête mariale du  18 décembre

Notre-Dame de l’O. La Vierge Marie dans la lettre O, symbole de l’émerveillement et de l’attente (prière). Miniature du XIVès , Bible française de Hainburg. Klimo Library, Public domain, via Wikimedia Commons.

 

La fête du 18 décembre, appelée maintenant fête de l’Expectation de l’enfantement de la Sainte Vierge, doit son origine aux évêques du dixième concile de Tolède, en 656. Ces prélats trouvaient ennuyeux de célébrer la fête de l'Annonciation de la Vierge le 25 mars, étant donné que cette Solennité joyeuse se rencontre d'ordinaire aux temps où l'Église est centrée sur les douleurs de la Passion. Ils décrétèrent que désormais on célèbrerait dans l'Église d'Espagne, huit jours avant Noël, une fête solennelle, avec octave, en mémoire de l'Annonciation, fête qui servirait de préparation à la grande Solennité de la Nativité.

Plus tard, l'Église d'Espagne sentit le besoin de revenir à la pratique de l'Église Romaine, et de toutes celles du monde entier qui solennisent le 25 mars, comme le jour à jamais sacré de l'Annonciation de la Vierge et de l'Incarnation du Fils de Dieu : mais la dévotion des peuples pour la fête du 18 décembre était telle  qu'on jugea nécessaire d'en retenir un vestige. On cessa donc de célébrer l’Annonciation en ce jour, pour appliquer la piété des fidèles à considérer cette divine Mère dans les jours qui précèdent immédiatement son admirable enfantement. Une nouvelle fête fut donc créée sous le titre de l'Expectation de l'Enfantement de la Vierge. [2]

Cette fête est aussi appelée Notre-Dame de l'O à cause des grandes antiennes qu'on chante en ces jours et qui commencent toutes par l'interjection O et expriment l'attente et l'espérance des anciens patriarches et prophètes pour la venue du Messie. Elle est toujours célébrée en Espagne. On honore la Vierge Marie dans son attente pendant 8 jours par une messe solennelle, à laquelle les femmes enceintes assistent, à la fois pour honorer la Vierge Marie et mettre leur grossesse sous sa protection.

Les  19 et 20 décembre

Piero di Cosimo. Incarnation du Christ. 1505. Domaine public, via Wikimedia Commons.

Le 19 décembre, toujours dans cette dynamique de l’Avent, la liturgie célèbre l’’Incarnation du Christ, qui  révèle la gloire de Dieu. La version du Missel français met en valeur le thème de l’enfantement virginal.

L'oraison du 20 décembre  prépare à la fête de Noël en contemplant Marie remplie de la lumière de l'Esprit Saint.

Les antiennes O des 21  et 22 décembre

L’antienne O Oriens

L’antienne O de l’Avent  pour le 21 décembre, qui s’intitule O Oriens, magnifie le Christ, Divin soleil, Divin Orient, splendeur de la lumière éternelle, et la façon dont Il traverse la Judée dans le sein de Sa Mère (pour entendre, cliquez sur  ).

L’antienne O Rex gentium  (Antienne O pour le 22 décembre) magnifie la royauté du Christ, Roi des nations (pour entendre, cliquez sur  ♪).

L’antienne O Emmanuel du 23  décembre

Le cycle des antiennes O  se termine par l’antienne O Emmanuel, qui invoque le Christ  sous le titre d’ « Emmanuel » et le désigne comme Roi et législateur de la Loi nouvelle auprès de tous les peuples. Ce titre d’Emmanuel est ainsi placé à sa place au plus proche de la Nativité, puisqu’il signifie « Dieu-avec-nous » (pour entendre, cliquez sur  ).

« O Emmanuel, * notre Roi et notre Législateur, Attente des Nations et de leur Sauveur : venez nous sauver, Seigneur notre Dieu. »

 

[1] Dom Robert Le Gall – Dictionnaire de Liturgie. Éditions CLD.

[2] "expectation " signifie attente, espérance...