Pie X : L’Immaculée, de la Genèse à l'Apocalypse

Pie X : L’Immaculée, de la Genèse à l'Apocalypse

Nous avons en horreur de dire de cette femme - c'est la réponse de Denys le Chartreux - que, devant écraser un jour la tête du serpent (Gn 3, 15), elle ait jamais été écrasée par lui, et que, mère de Dieu, elle ait jamais été fille du démon (III Sent., d. II, q. 1).

Non, l'intelligence chrétienne ne pouvait se faire à cette idée que la chair du Christ, , sans tache et innocente, eût pris origine au sein de Marie, d'une chair ayant jamais, ne fût-ce que pour un rapide instant, contracté quelque souillure.

Et pourquoi cela, si ce n'est qu'une opposition infinie sépare Dieu du péché ?

C'est là, sans contredit, l'origine de cette conviction commune à tous les chrétiens, que Jésus-Christ avant même que, revêtu de la nature humaine, il nous lavât de nos péchés dans son sang, dut accorder à Marie cette grâce et ce privilège spécial d'être préservée et exempte, dès le premier instant de sa conception, de toute contagion de la tache originelle. [...]

Un grand signe - c'est en ces termes que l'apôtre saint Jean décrit une vision divine - un grand signe est apparu dans le ciel : une femme, revêtue du soleil, ayant sous ses pieds la lune, et, autour de sa tête, une couronne de douze étoiles (Ap 12, 1). Or, nul n'ignore que cette femme signifie la Vierge Marie, qui, sans atteinte pour son intégrité, engendra notre Chef.

Et l'Apôtre de poursuivre : Ayant un fruit en son sein, l'enfantement lui arrachait de grands cris et lui causait de cruelles douleurs (Ap 12, 2).

Saint Jean vit donc la très Mère de Dieu au sein de l'éternelle béatitude et toutefois en travail d'un mystérieux enfantement.

Quel enfantement ?

Le nôtre assurément, à nous qui, retenus encore dans cet exil, avons besoin d'être engendrés au parfait amour de Dieu et à l'éternelle félicité.

Quant aux douleurs de l'enfantement, elles marquent l'ardeur et l'amour avec lesquels Marie veille sur nous du haut du ciel, et travaille, par d'infatigables prières, à porter à sa plénitude le nombre des élus. [...]

Avec quelle rage, avec quelle frénésie n'attaque-t-on pas aujourd'hui Jésus-Christ et la religion qu'il a fondée ! [...]

Mais la Vierge ne laissera pas, de son côté, de nous soutenir dans nos épreuves, si dures soient-elles, et de poursuivre la lutte qu'elle a engagée dès sa conception, en sorte que quotidiennement nous pourrons répéter cette parole : Aujourd'hui a été brisée par elle la tête de l'antique serpent.


Pie X, Ad diem illum laetissimum (1904)