L’amour (homme-femme) sauvé par l’Incarnation

L’amour (homme-femme) sauvé par l’Incarnation.

L'amour de l'homme et de la femme : si naturel, et si divin...

L'amour : un élan spirituel incarné.

L'amour humain, qui peut comporter une part si forte de l'instinct le plus animal, n'aurait pas ce caractère de puissance, d'infinité, et presque de divinité, s'il n'était enraciné dans un esprit capable d'infini et image propre de Dieu.[1]

L'amour : désir et don.

L'amour est un désir tendu vers un bien qu'il ne possède pas et qu'il veut posséder, vers l'être qui peut le combler, et que son élan naturel est d'étreindre pour l'incorporer à soi.

Le désir trahit un aspect essentiel de la créature : elle est indigente ;

Le don traduit l'autre aspect : cette indigente, elle est ; ce qu'elle possède de richesse, elle est faite pour le donner, pour le dépenser, au besoin pour le sacrifier ; et c'est la seule façon pour elle de l'achever et de l'exalter.[2]

Amour et ouverture.

Ouverte, la personne aime en se reliant à son Tout :

A ce tout partiel qui est l'humanité, au sein de quoi elle trouve sa place, son sens, et sa possibilité d'expansion ;

A ce tout infini qui est Dieu, en qui elle trouve la source et l'achèvement de son existence.[3]

L'Incarnation : apparition visible de l'Amour éternel.

La personne est blessée parce que l'amour surnaturel n'existe plus en elle. Elle est disloquée, impuissante, aveugle, et tout est saccagé dans l'univers des personnes.

Le miracle des miracles est l'apparition visible de l'Amour éternel au milieu des hommes ; et l'incarnation rédemptrice est l'événement inouï qui transforme la condition humaine et inaugure l'Homme nouveau. [4]

L'amour chrétien de l'homme et la femme.

Possédés l'un par l'autre et donnés l'un à l'autre, dans un rapport où la possession est enveloppée et entraînée par le don ; dans un élan où la croissance, la grandeur, et la joie de l'autre sont la première pensée, le premier désir et la suprême joie, l'époux et l'épouse communient à travers la chair et le temps, mais au-delà de la chair et du temps ; ils s'unissent dans une offrande et une consécration totales, où se tiennent embrassées la générosité et la foi pur, la loyauté humble, la chasteté et l'exquise pudeur, bref, dans un respect absolu et religieux qui est proche de l'adoration, parce qu'il pressent en lui-même une grandeur divine, qui insère déjà l'amour dans le monde du sacré, et qui le fait fructifier dans l'unité et l'indissolubilité.

Mais les personnes s'achèvent, au sein de l'amour nuptial, dans un mystère qui les dépasse elles-mêmes, et dépasse leur Nous...

L'appel vital aboutit à l'enfant... et, pour que la famille devienne le monde de Dieu... l'appel que les époux adressent à Dieu pour qu'il intervienne dans la création de l'âme de l'enfant.[5]

L'avilissement de la civilisation aphrodisiaque.

Dans l'être déchu, l'esprit est affaibli, la chair est émancipée, et pratiquement elle gouverne : ainsi de l'amour. La composante sexuelle est devenue sa force la plus violente, et son poids le plus lourd. Si la chair ne peut rien sans l'esprit, elle l'attire, le séduit, l'entraîne à ses fins ; et l'esprit insère son infinité dans un amour qui n'est plus qu'un désir et un appétit.

Dans l'amour, le désir a tôt fait de l'envelopper, d'entraîner et de corrompre le don. Il y a dès lors une force d'égoïsme - à la fois spirituel et sensuel - qui exploite la dissociation et le déséquilibre de l'amour, qui l'oriente à contre-pente, et en fait cette puissance dure, aveugle, torturante et inhumaine.[6]

Le baptême et le sacrement de mariage.

Le Christ est venu pour sauver l'amour humain. Il lui apporte d'abord cette guérison radicale qui a lieu au baptême...

Si la liberté collabore à la grâce, l'être humain se spiritualise, et il apporte à l'amour un instinct déjà dompté, une affectivité déjà « ordonnée » et éduquée, une liberté déjà redressée et vigoureuse. Parce que le climat est changé, et que l'être est devenu chaste, l'amour généreux peut désormais naître et grandir.

Ensuite, il y a une grâce destinée à perfectionner l'amour naturel, et qui est le fruit du sacrement de mariage. Le propre de cette grâce, c'est d'être un écoulement de l'amour qui lie le Christ et son Eglise (Eph 5, 22-23).

Car il y a un Premier Epoux et une Première Epouse, par rapport à quoi doivent se juger tous les autres ; et il y a un premier amour nuptial qui est la loi de tous les autres.

Les noces du Christ et de son Eglise ont commencé à l'Incarnation quand le Verbe de Dieu s'unissait à la nature humaine, et par cette unique nature, embrassait déjà l'humanité entière pour la racheter ; elles ont trouvé leur consommation à la croix, où le Christ a aimé son Eglise et s'est livré pour elle, afin qu'elle soit sans tache, sans rides ni rien de tel, mais et immaculée. [7]


[1] Jean Mouroux, Sens chrétien de l'homme, Aubier, Paris 1945, p. 184

[2] Jean Mouroux, Sens chrétien de l'homme, Aubier, Paris 1945, p.185-186

[3] Jean Mouroux, Sens chrétien de l'homme, Aubier, Paris 1945, p.187

[4] Jean Mouroux, Sens chrétien de l'homme, Aubier, Paris 1945, p.188

[5] Jean Mouroux, Sens chrétien de l'homme, Aubier, Paris 1945, p.191

[6] Jean Mouroux, Sens chrétien de l'homme, Aubier, Paris 1945, p.194

[7] Jean Mouroux, Sens chrétien de l'homme, Aubier, Paris 1945, p.196


Jean Mouroux (1901-1973)

Prêtre (diocèse de Dijon, France) Théologien et expert au concile Vatican II.

Extraits par Françoise Breynaert