Béchouate dans le contexte libanais

Béchouate dans le contexte libanais

Depuis le 21 août 2004, le village de Béchouate, au nord du Liban, se transforme en vaste centre de pèlerinage attirant chrétiens et musulmans, venus pour l'essentiel du Liban, mais également des pays voisins, Syrie et Jordanie.

Un contexte politique tendu

La nouvelle loi constitutionnelle, adoptée en septembre 1990, a substitué à « un système politique à caractère hégémonique (l'hégémonie des chrétiens, et en particulier des maronites) un système d'équilibre communautaire » en distribuant le pouvoir exécutif entre trois présidences (de la République, du Conseil des ministres et du Parlement), respectivement réservées à un maronite, à un sunnite et à un chiite.

L'absence d'une autorité supérieure, le refus d'une prééminence communautaire, et le clientélisme accru assure une position d'arbitre à la Syrie. La population, constituée de dix-huit communautés religieuses différentes, n'a jamais été aussi ségréguée.

Béchouate, situé sur le versant oriental du mont Liban, domine la plaine de la Bekaa, est une périphérie agricole pauvre, délaissée par le pouvoir économique.

C'est une région lourde d'enjeux géopolitiques en raison de sa position-charnière avec la Syrie et de la perméabilité de sa frontière.

Béchouate appartient à l'enclave chrétienne de Dayr al-Ahmar, à une centaine de kilomètres de Beyrouth et à trente kilomètres de Zahlé, mais pour y accéder, il faut passer par la périphérie de Baalbek, actuel fief du Hezbollah, et traverser des villages chiites.

La culture du cannabis et du pavot

Depuis 1976, la plaine de la Bekaa, et tout particulièrement sa partie nord, est un lieu de production intensive de pavot et de cannabis. Pendant la guerre civile, les factions et les milices de tous bords tiraient de la drogue une partie substantielle de leur financement.

Un contexte ecclésial tendu

Le père Boutros, surnommé « al-wâ'iz » (le prédicateur), en 1981, en pleine guerre civile, sans solliciter l'approbation de l'Église, a fondé l'ordre de la Croix et fait bâtir, avec le soutien financier des familles de la région, un couvent sur une colline de Dayr al-Ahmar. Sa communauté a regroupé jusqu'à trente-deux moines et moniales consacrés par lui. Mais après 1995, la hiérarchie maronite a interdit cette communauté fondée en dehors de l'Église, malgré la forte résistance locale des familles.

Un contexte familial étroit

Béchouate est habité par une seule et même famille, les Kayrouz.

Notre-Dame de Béchouate est une statue de la Vierge de Pontmain apportée dans les années 1900, probablement par un missionnaire jésuite. La chapelle dans laquelle elle se trouve est un bien familial .

Et cependant, cette « Vierge d'une famille » devient la « Vierge de tout le pays »...

Le 21 août 2004

La présence de Marie, manifestée par des signes et des guérisons, rassure et sécurise permettant aux uns et aux autres d'envisager de vivre ensemble la « réconciliation nationale » tant désirée.


Source :

Emma Aubin-Boltanski cnrs, Centre d'études interdisciplinaires du fait religieux, La Vierge, les chrétiens, les musulmans et la nation Liban, 2004-2007, Dans la revue « Terrain » Religion et Politique, n° 51 2008/2


Synthèse F. Breynaert