Grouchiv (Hrushiv) et l’année 1987

Grouchiv (Hrushiv) et l’année 1987

La chapelle est modeste. L'iconostase est rutilante d'or. Au centre de la chapelle, le puits. Les évènements survenus en ce lieu en 1987 répondent aux événements survenus à Kolomenskoïe en 1917, et ont réorienté l'histoire.

Une longue histoire de confiance envers la Mère de Dieu

Au XVII° siècle, la Vierge apparut, en bas du village. Le peuple planta un saule pour commémorer l'événement.

Un siècle plus tard, une source jaillit au pied du saule. Les gens venaient pour puiser cette eau claire. Il en résulta des guérisons qui firent la réputation du sanctuaire.

En 1806, Stepan Chapowskyj peint une icône de la Vierge. Les villageois la fixent sur le saule. Elle intensifie le pèlerinage en ce lieu. Mais le propriétaire n'aime pas que l'on piétine son champ et il se fâche. Il engage J. Kina, un incroyant pour établir une barrière autour du saule, mais, selon les souvenirs de la mémoire populaire, toute sa famille Kina périt peu après.

En 1856 sévit une épidémie de choléra. Une femme voit alors en songe la Mère de Dieu.

Ma fille, je vous demande de nettoyer le puits profané. Célébrez-y la messe et la mort cessera dans le village.

C'est ce qui advint. L'épidémie cessa et l'on construisit, au-dessus du puits, une chapelle dédiée à la Trinité.

Au temps de Staline, le rattachement forcé des gréco-catholiques à l'église orthodoxe rendit inaccessible la chapelle. L'Eglise gréco-catholique paya sa fidélité à Rome par de terribles incarcérations et de morts innombrables. Et c'est dans ce contexte qu'advint ce qui suit.

Les « apparitions »

Le 26 avril 1987, jour anniversaire de Tchernobyl, et aurore de la perestroïka, Maria Kizyne, onze ans, a des « apparitions de la Vierge », sous la forme d'une silhouette qui marche. Elle n'a pas parlé. Ensuite, l'enfant devient meilleure et prie mieux.

Les semaines suivantes, des foules viennent dans ce village loin de tout : certains projettent son image sur des formes indécises, et d'autres voient distinctement.

Dans cette foule, il y a Josyp Terelya, il reconnaît la Vierge après l'avoir vue en prison, au seuil de la mort et son témoignage va prendre une très grande ampleur.

Josyp Terelya

Né en 1943 Josyp Terelya fut élevé par sa grand mère maternelle, ardente catholique. Il devient militant d'action catholique et fervent de l'adoration eucharistique. Agé de 19 ans, il est incarcéré pendant 15 ans (1962-1976). Lorsqu'il revient, sa fiancée l'avait attendu. Il l'épousa enfin. Mais durant cette incarcération, il eut deux apparitions.

Le 12 février 1970, dans la prison de Vladimir, à 165 km au nord est de Moscou, la Vierge apparaît et l'invite au pardon inconditionnel, plus spécialement envers ses ennemis, les Russes moscovites. Elle lui fait aussi cette prédiction :

« Vous avez encore devant vous des années d'épreuves et d'humiliation. La Russie reste dans l'obscurité et dans l'erreur. Jusqu'à ce que le peuple se repente et accomplisse l'œuvre de mon Fils ; il n'y aura pas de paix, car la paix ne peut venir que là où il y a justice. Priez pour vous ennemis, oubliez-les, et une route de lumière s'ouvrira devant vous. »

Une seconde apparition a lieu deux ans après :

« Le 12 février 1972 [...], j'étais au secret. La chambre était glaciale à mourir ; je souffrais jusqu'à la racine des cheveux. Une lampe en suspension éclairait dans ma chambre. J'enlevai le manchon et me chauffai les mains ; mais le gardien me vit par le judas. Il éteignit la lumière. [...] Je ne pouvais bouger aucun membre. Je me suis couché sur le lit pour mourir. A ce moment, je sentis le contact chaud d'une main de femme, douce comme du lait. J'étais réchauffé. Je sentais de la chaleur dans la pièce. Je pensai que j'étais halluciné ou en train de mourir. Mais alors, j'entendis la voix : « Vous m'avez appelée, et je suis venue vers vous. Vous ne croyez pas que c'est moi ? » « Alors je vis devant moi une jeune femme.

Cette première fois, elle me dit :

« Vous n'allez pas être libéré de cette prison ; vous n'avez fait que la moitié du chemin, mais ne craignez rien, je suis avec vous. »

Josyp à Grouchiv

Trois mois après sa libération, il se rend à Grouchiv. Il raconte :

Je la vis, comme je vous vois. Je voulais l'atteindre, la toucher. Je la sentis et je pus la toucher. Et en même temps,, je parlais avec d'autres qui étaient là. L'atmosphère était paix. C'était la mère de Dieu, vivante, ne gemme vivante ! Elle parlait avec nous. Sa figure était pleine de vie. Des adultes la virent, tous les enfants la virent. Et nous ne l'avons pas seulement vue, nous l'avons entendue. Les uns ont entendu une chose, d'autres, une autre. Elle parlait à chacun. Nous étions environ 52 000.

Quand elle me parla, elle commença en disant : « Ma fille, ma fille Ukraine, je suis venue vers toi. Tu es la plus réduite en esclavage, tu es celle qui a le plus souffert pour la foi au Christ. »

Elle nous demanda de prier, d'enseigner aux enfants la prière, le Rosaire, de prier constamment pour les défunts.

J'entendis aussi ces mots :

Je suis venue vers vous, parce qu'ici le peuple fervent répandra mon message partout. Je sais où je dois aller. Je vais là où c'est le mieux pour mon Fils.

Rappelez-vous que le péché, c'est le plaisir défendu. La mère de Dieu nous dit d'offrir nos vies.

Chacun de vous doit prendre part aux souffrances de Jésus. Par-là, vous rachetez ceux qui sont tombés dans le péché, n'en doutez pas. Ne craignez pas et priez, priez, priez sans cesse.

Reconnaissez Jésus publiquement. N'ayez pas honte de faire le signe de la croix.

Préparez-vous pour de grandes persécutions et de nouveaux sacrifices.

De grandes choses sont en route. Aux Philippines, les catholiques sont descendus dans la rue, face à la troupe sans qu'aucun soldat de tire. Le temps viendra où la mère de Dieu agira de façon semblable en Union soviétique. [...]

L'Ukraine deviendra indépendante . [...]

Vous êtes souvent fâchés par orgueil et vanité humaine. Priez.

La Prière - le rosaire - vous sauvera.

L'antéchrist fait tout pour vous briser. Rappelez-vous : la paix vient seulement de la Rédemption.

La paix est calme et repos, et vous n'êtes pas encore en paix.

Conclusion

L'événement est arrivé au tout début de la perestroïka. Ce fut le catalyseur d'une prise de conscience à l'heure où le régime hésitant commençait à mettre fin aux persécutions. De ce point de vue, l'événement garde une importance historique, c'est un moment clé où la liberté humaine réoriente le cours de l'histoire.


Extraits de R. Laurentin, Comment la Vierge Marie leur a rendu la liberté, ŒIL, Paris, 1991, p. 98-131 - synthèse F. Breynaert