Fra Angelico. Dormition et Assomption de Marie, v.1432.Domaine public, via wikimedia Commons.
L'Assomption, appelée Dormition dans la tradition orientale, est la plus grande fête mariale, que les chrétiens célèbrent le 15 août. La Solennité de l’Assomption met à l’honneur l’un des quatre dogmes qui concernent la Vierge Marie. Ce dogme de l’Assomption affirme en effet que la Mère de Jésus, à la fin de sa vie terrestre, a été glorifiée directement, dans son corps et dans son âme, en montant au ciel. C’est le pape Pie XII qui a proclamé le dogme de l’Assomption, le 1er novembre 1950, et qui l’a défini dans la Constitution apostolique "Munificentissimus Deus". Au cours des premiers siècles, la théologie mariale s’est développée parallèlement à la christologie: la Vierge Marie est en effet perçue dans le mystère du Christ et de l’Église.
Basilique du saint Sépulcre de la Vierge Marie à Jérusalem. Deror avi, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.
Il existe deux traditions concernant le tombeau de la Vierge Marie, lieu de l’Assomption : l’une qui le situe à Jérusalem, et l’autre à Éphèse.
La tradition du tombeau de Marie à Jérusalem semble s'enraciner dans le récit intitulé "Transitus Virginis", que le pape Gélase 1er a défini comme apocryphe. Elle a pour elle des auteurs plus tardifs: st Germain de Constantinople et st Jean Damascène au VIIIès, entre autres.
Maison de la Vierge Marie à Éphèse.
Celle d'Éphèse, qui a un point d'appui dans la déclaration au peuple du Concile d'Éphèse, en 431, a été revitalisée par les récits de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, religieuse et une mystique (stigmatisée) allemande, béatifiée par le pape Jean Paul II en 2004. La bienheureuse eut de nombreuses visions, dont celles qui concernent le lieu de l'Assomption de la Vierge Marie. Celles-ci ont l'intérêt de fournir une explication historique sur les deux traditions du lieu de cette Assomption.
La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich rapporte en effet qu’un an et demi avant sa mort, La Vierge Marie se rendit à Jérusalem sur les lieux de la Passion de Son Fils, en compagnie des Apôtres, et qu’elle tomba sans connaissance et se trouva très affaiblie. On crut qu’elle allait mourir et on lui prépara un beau sépulcre, qui se situe sur les pentes du mont des Oliviers, à Gethsémani, mais,
« Quand le tombeau fut achevé, elle guérit et se trouva assez forte pour revenir à sa demeure d'Éphèse, où elle mourut réellement au bout d'un an et demi. »
L'Assomption de la Vierge Marie est une vérité de foi, qui fait partie depuis toujours de la foi du peuple chrétien, même si le dogme n’en a été proclamé qu’en 1950. La première trace de la foi en l'Assomption est présente dans les récits apocryphes intitulés « Transitus Virginis Mariae», dont l'origine remonte pour l'essentiel aux IIè- IIIè siècles.
La diffusion extraordinaire du Transitus aux Vè et VIès provoqua de nombreux pèlerinages à Jérusalem: la correspondance entre les fouilles archéologiques et les textes anciens apocryphes indiquent qu'il y a bien eu à Gethsémani un culte judéo-chrétien lié à la fin de la vie terrestre de Marie, et ceci avant le concile de Constantinople (381). Le "Tombeau de la Vierge" est situé à Gethsémani, sur le Mont des Oliviers, et le mausolée de la Vierge peut être vu dans une crypte assez profonde.
Une longue réflexion sur le sort de Marie dans l'au-delà s'est développée au fil du temps, jusqu’à la certitude de l'élévation glorieuse de la Mère de Jésus, avec son âme et son corps. Cette incorruptibilité, qui repose sur des arguments qu’ont développé les pères de l’Église, a donné lieu à une analogie entre la Vierge Marie et l’arche d’alliance, que l’on trouve déjà dans le texte du Transitus.
L'instauration en Orient des fêtes liturgiques de la Dormition et de l'Assomption de Marie, dès le VI-VIIès, grâce à l’empereur byzantin Maurice, témoigne de cette tradition. Cette fête de la Dormition Assomption fut toujours célébrée le 15 août.
Toute une réflexion doctrinale s’est développée dans le cadre de la liturgie, grâce aux hymnes de la liturgie des heures, dont l’hymne de st Ephrem sur l’Assomption, qui posait déjà, au IVès, l’affirmation de la non corruption du corps de Marie, et, surtout, grâce à la fameuse homélie sur l’Assomption du patriarche de Jérusalem saint Modeste au VIIès, qui est le plus ancien texte contenant la doctrine de l’Église sur la vérité de l’Assomption de la Vierge Marie dans son âme et dans son corps.
st Modeste de Jérusalem.
L'homélie de saint Modeste de Jérusalem († 634) sur l’Assomption est particulièrement remarquable. Saint Modeste pense que la mort de Marie est consécutive au fait qu’elle devait suivre l'exemple de son Fils, pour lui être semblable, et ajoute que Jésus lui-même indiqua aux apôtres le jardin de Gethsémani comme endroit de la sépulture pour sa Mère. Saint Modeste affirme également que le corps virginal de Marie n'a pas connu la corruption, et que son Fils lui-même l'a ressuscité. Saint Modeste explique que le but du mystère de l'Assomption est le rôle de Marie comme médiatrice ou avocate au service des hommes :
« Dieu t'a emmené près de lui pour que tu puisses intercéder pour nous. »
La foi en la destinée glorieuse de l'âme et du corps de la Mère du Seigneur, après sa mort, s'est répandue très rapidement d'Orient en Occident et s’est généralisée à partir du XIVè siècle.
L’homélie de saint Modeste de Jérusalem sur l’Assomption est si pertinente que le pape Pie XII, dans la bulle Munificentissimus Deus qu’il a consacrée à l’Assomption de Marie, en 1950, en cite un passage; Vatican II s’y réfère également dans Lumen Gentium.
Parmi les autres homélies sur la Dormition et l’Assomption qui occupent une place importante dans la tradition de l'Église, on peut citer celles de saint Germain de Constantinople au VIIIès, et celles de l’évêque et docteur de l’Église saint Jean Damascène, datant également du VIIIès, qui met en lien la glorification de la Vierge Marie et sa royauté, l’analogie entre l’Assomption et l’arche d’alliance, la façon dont la figure d'Élie sert à rendre plus compréhensible l'Assomption de Marie dans la gloire, mais également le lien entre la tradition liturgique du sanctuaire judéo-chrétien de Gethsémani et celle du sanctuaire byzantin de Blacherne.
Toujours au VIIIès, l’homélie de st Ambroise d'Aupert (†778) sur l’Assomption de Marie vénère l’humilité glorieuse de Marie, qui a permis qu’elle devienne la porte du Paradis et l'échelle qui conduit au ciel.
Les auteurs ecclésiastiques du Moyen Age - les docteurs scolastiques comme les théologiens monastiques - enseignèrent que la Vierge Marie était montée au ciel corps et âme. Saint Bernard de Clairvaux, docteur marial (1091-1153) écrivit quatre sermons sur l’Assomption.
Saint Antoine de Padoue (†1231), dans son Sermon pour l’Assomption, met en perspective le couronnement de la Vierge Marie lors de l’Assomption avec une citation du Cantique des cantiques.
Toute cette réflexion doctrinale s’est développée jusqu’au XXès, et, à la veille de la définition du dogme, l’Assomption constituait une vérité presque unanimement reçue et professée par la communauté chrétienne en tous les lieux du monde.
1er novembre 1950. Le chœur de Saint-Pierre de Rome durant la messe papale, présidée par Pie XII, de la proclamation du dogme de l’Assomption de la Sainte Vierge.
En mai 1946, par l'encyclique Deiparae Virginis, le pape Pie XII lança une vaste consultation, qui concernait les évêques et, par leur intermédiaire, le clergé et le Peuple de Dieu, sur la possibilité et l'opportunité de définir l'Assomption corporelle de Marie en tant que dogme de foi. La quasi unanimité de son approbation décida le pape à proclamer le dogme, et c’est à la suite de cette consultation que Pie XII promulgua, le 1er novembre 1950, le dogme de l’Assomption, dans la Constitution apostolique "Munificentissimus Deus".
La date choisie du dogme de l’Assomption, le jour de la Toussaint, est éminemment symbolique : Marie proclamée par le dogme de l’Assomption dans la gloire de Dieu est un signe d'espérance pour tous. En effet, comme l’a souligné le pape Jean-Paul II, très peu de temps après la fin de la guerre mondiale et des camps de concentration, où le corps humain a été si gravement humilié et désacralisé, le dogme de l'Assomption proclame le destin surnaturel et la dignité de tout corps humain, appelé par le Seigneur à devenir un instrument de sainteté et à participer à sa gloire :
« L'Assomption, privilège accordé à la Mère de Dieu, constitue ainsi une immense valeur pour la vie et le destin de l'humanité.»
En outre, le pape Pie XII, poursuivant cette réflexion doctrinale sur l’Assomption, établit, dans son encyclique Fulgens Corona du 8 septembre 1953, un lien entre les dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Assomption.
Le concile Vatican II. Lothar Wolleh, CC BY-SA 3.0
Le Concile Vatican II, qui a été ouvert le 11 octobre 1962 par le pape Jean XXIII et s’est terminé le 8 décembre 1965 sous le pontificat de Paul VI, a actualisé le dogme de l’Assomption, tel qu’il avait été défini par le pape Pie XII en 1950.
Il reprend la définition dogmatique de l’Immaculée conception, promulgué par Pie IX en 1854 dans la constitution apostolique Ineffabilis Deus ; il confirme le lien entre le dogme de l’Immaculée conception et celui de l'Assomption et affirme Marie Reine de l’univers, comme l’avait fait Pie XII, le 11 octobre 1954, dans l’encyclique Ad coeli Reginam.
Marie est donc bien dans la gloire de Dieu.
Bartolo di Fredi. Dormition de la Vierge Marie. XVès. domaine public, via Wikimedia commons.
De même que le Christ ressuscité et élevé vers le ciel, de même il fait bénéficier sa mère de sa résurrection et de son Assomption. L’Église catholique célèbre l’Assomption de Marie, mais l’Église orthodoxe préfère parler de Dormition. Dans la tradition orientale la Vierge Marie ne vit pas l’épreuve de sa mort, comme les hommes marqués par le péché, mais elle s’endort. Ces termes reflètent deux compréhensions différentes de ce mystère qui concerne la Vierge Marie, qui sont liées à la diversité des sources apocryphes, mais également à l’histoire de ces deux Églises.
Dans le cadre du dialogue œcuménique, un accord anglican-catholique sur l’Assomption, dans un document commun intitulé « Marie : grâce et espérance dans le Christ », a été établi en 2004 par la Commission internationale anglicane - catholique romaine (ARCIC). Cet accord concerne deux dogmes récents: celui de l’Assomption et celui de l’Immaculée Conception, et le 2 février 2004, la Commission internationale anglicane - catholique romaine (ARCIC), instance de dialogue œcuménique établie en 1967, a présenté un document commun « Marie : grâce et espérance dans le Christ. » La doctrine de l'Assomption de Marie y est présentée comme pleinement conforme à l'Écriture, quelques exemples paradigmatiques d’eschatologie anticipée sont présentés et la Vierge Marie est présentée comme type de l’Église et tenant une place particulière dans l’économie du salut.
Icône de la Dormition.
L’Assomption est un événement de l’histoire du salut qui est célébré dans plusieurs liturgies. Ces liturgies célèbrent la Dormition (Dormition dans l’Église orthodoxe, dans le rite byzantin, dans le rite copte ou l’Assomption (dans le rite romain, dans le rite arménien, dans le rite syrien, etc.) Les différentes prières célèbrent à leur manière cet événement de l’Assomption de Marie.
Icône contemporaine du Rosaire (Jouques) : les 20 mystères.
On prie le mystère de l’Assomption dans (les mystères glorieux) du Rosaire: comme le dit le pape Jean-Paul II, dans sa lettre apostolique sur le Rosaire intitulée Rosarium Virginis Mariae (2002),
"À cette gloire qui, par l'Ascension, place le Christ à la droite du Père, elle [Marie] sera elle-même associée par l'Assomption, anticipant, par un privilège très spécial, la destinée réservée à tous les justes par la résurrection de la chair."