Le mystère de Noël

Marie de Nazareth

A.Veneziano. Vierge parturiente. XIVès. Domaine public, via Wikimedia Commons.

La « magie » de Noël est liée à l’enfance, au plaisir de se retrouver en famille, aux contes et légendes qui lui sont liées, à l’échange des cadeaux et aux repas de fête, aux joies de l’intimité, à l’imaginaire infiniment poétique de la froidure, aux lumières scintillantes brillant dans la longue nuit.... Mais ces joies n’auraient pas tant de sens si elles ne s'inscrivaient au cœur même de l’immense mystère de la Nativité de notre Sauveur, Jésus Christ.

Laissons la Vierge Marie nous y conduire : la contemplation de la Vierge enceinte d’Antonio Veneziano (peintre italien actif à Sienne, Florence et Pise entre 1369 et 1419) peut en effet nous aider à entrer dans ce mystère, à la fois caché et dévoilé, de Noël.

Une « Vierge enceinte »

Le premier mystère apparent est celui d’une vierge enceinte : bel oxymore[1] qui traduit ce que l’antienne mariale Alma Redemptoris Mater, que l’on chante dans le temps de Noël, appelle l’étonnement de la Nature (Natura mirante). Les Écritures le disent :

« Rien n’est impossible à Dieu »

La toute puissance de Dieu est souvent exprimée dans la Bible et se manifeste souvent dans la maternité blessée. Ainsi, dès la Genèse (Gn 18-14), Dieu dit à Abraham, dont la femme Sara, âgée de 90 ans, est stérile :

« Pourquoi Sara a-t-elle ri en disant : Je suis bien trop vieille pour avoir un enfant ! Y a-t-il quelque chose d’impossible à Yahvé ? L’an prochain je reviendrai vers toi et Sara aura un fils ».

Cette même aventure d’une stérilité féconde arrive à Rachel (Gn 29-30), aux filles de Loth (Gn 19, 30-38), à Anne (1 Sm, 1, 12-16), puis, dans le Nouveau testament à Sainte Anne, à Élisabeth, la cousine de la Vierge Marie…

Le Christ lui-même affirme la toute puissance de Dieu dans les évangiles (Lc, 18 :27 ; Mt 19 :26, etc.).

Le mystère de Noël participe de cet « étonnement de la Nature ».

Virginité féconde de la Mère de Dieu

La Vierge Marie est représentée encadrée par deux Lys, symboles de pureté, mais également symboles du Christ et de Marie. Si le Lys a été longtemps le symbole végétal du Christ, il est devenu également celui de la Vierge Marie. Le langage propre de l’image l’affirme, de façon symbolique : il s’agit bien d’une maternité virginale. En outre, le Lys étant la fleur liée à l’Annonciation, portée par Gabriel, la représentation de ces deux Lys commémore l’événement qui a permis cette grâce. La Vierge est donc « l’Annoncée », celle qui a reçu le message de l’Ange. D’autre part, les deux Lys encadrant la Vierge Marie forment un jardin clos, et évoquent le thème de l’Hortus conclusus, propre à la Vierge. La virginité de la Vierge Marie est signifiée par le symbole du jardin fermé. Le fait que le Christ vienne en Son jardin, c’est à dire dans le sein de Marie, symbolise l’Incarnation du Christ.

Enfin, les vases dans lesquels s’épanouissent les Lys rappellent les représentations des Annonciations, courantes à Sienne, depuis leur introduction par Duccio. La Vierge Marie contenant en elle-même le Christ est donc comparée à un vase très pur, un réceptacle. On retrouve cette image dans les litanies de Lorette, où la Vierge est comparée à un vase spirituel, un vase d’honneur, un vase insigne de dévotion.
D’autre part, la main droite de la Vierge, posée sur son ventre, rappelle le geste de la Vierge dite « Hodigitria (Ὁδηγήτρια), », celle qui montre le chemin, qui montre Celui qui est le chemin. C’est donc bien une Vierge à l’Enfant qu’il s’agit, puisque Marie nous présente déjà l’Enfant caché en son sein. De la main gauche, elle tient un livre. Il n’est pas rare de trouver des représentations de la Vierge Marie lisant les Écritures : elles témoignent de sa parfaite connaissance des textes, mais également de sa docilité et de sa foi. Mais il s’agit aussi là d’un thème christologique : Jésus étant la Parole même de Dieu (Jn 1,1ss), Marie conçoit la Parole en son esprit avant de la concevoir en sa chair. C’est saint Augustin qui affirme cela (De Virginitate, III).Le geste associé des deux mains, qui simultanément montre l’Enfant de la main droite et les Écritures de la main gauche associe les deux événements : Celui que Marie porte est bien le Messie, annoncé dans les Écritures: il est bien la Parole qui s’est faite chair. La relation à la tradition de  l’icône est marquée par le fond doré, sans élément de décor inutile.

Enfin, la position assise de la Vierge, sur un simple coussin, la met en position de présentation et d’humilité. Elle-même est en retrait, comme au second plan, et elle nous présente en premier plan Celui qu’elle porte, dès avant sa naissance.

Cette remarquable œuvre d’art rassemble donc trois thèmes iconographiques : une Vierge à l’Enfant, mère de Dieu (« Theotokos »)une Vierge dite d’humilité et une Vierge qui montre le chemin (Hodigitria) : celui de la parole de Dieu, et celui du verbe incarné, Parole faite chair.
Toutes ces représentations nous permettent également d’entrer dans le mystère de Noël avec Celle qui porta l’Enfant Jésus en elle, jusqu’au terme de sa grossesse.

La « création restaurée »

Le pape Benoît XVI, dans son Homélie pour la Solennité de la Nativité du Seigneur du 25 décembre 2007 nous dit

« Il [le Christ] est venu pour redonner à la création, au cosmos, sa beauté et sa dignité : c’est ce qui est engagé à Noël et qui fait jubiler les anges. La Terre est restaurée précisément par le fait qu’elle est ouverte à Dieu, qu’elle retrouve sa vraie lumière ; et, dans l’harmonie entre vouloir humain et vouloir divin, dans l’union entre le haut et le bas, elle retrouve sa beauté, sa dignité. Aussi, la fête de Noël est-elle une fête de la création restaurée. »

Par la sanctification de la conception et de la naissance des hommes

Cette restauration débute dès le sein de Marie.

La mystique et Bienheureuse A.-C. Emmerich nous explique la façon dont la création est restaurée dans ses visions de l’Annonciation:

« J'appris pourquoi le Rédempteur devait rester neuf mois dans le sein de sa mère et naître enfant, pourquoi il n'avait pas voulu naître homme fait comme notre premier père, se montrer dans toute sa beauté comme Adam sortant des mains du Créateur ; mais je ne puis plus exprimer cela clairement. Ce que j'en comprends encore, c'est qu'il a voulu sanctifier de nouveau la conception et la naissance des hommes, qui avaient été tellement dégradées par le péché originel. Si Marie devint sa mère et s'il ne vint pas plus tôt, c'est qu'elle seule était, ce que jamais créature ne fut avant elle ni après elle, le pur vase de grâce que Dieu avait promis aux hommes, et dans lequel il devait se faire homme, pour payer les dettes de l'humanité au moyen des mérites surabondants de sa Passion. La sainte Vierge était la fleur parfaitement pure de la race humaine, éclose dans la plénitude des temps. Tous les enfants de Dieu parmi les hommes, tous ceux qui, depuis le commencement, avaient travaillé à l'œuvre de la sanctification, ont contribué à sa venue. Elle était le seul or pur de la terre ; elle seule était la portion pure et sans tache de la chair et du sang de l'humanité tout entière, qui, préparée, épurée, recueillie, consacrée à travers toutes les générations de ses ancêtres, conduite, protégée et fortifiée sous le régime de la loi de Moise, se produisait enfin comme la plénitude de la grâce. Elle était prédestinée dans l'éternité, et elle a paru dans le temps comme mère de l'Éternel. »

Enfants de l’attente

Dans temps de l’Avent, chacun s’habille le cœur, se prépare à recevoir sous son propre toit le Sauveur. La contemplation de cette Vierge parturiente aide à cheminer avec elle, à vivre la grâce spécifique de ce pur temps d’espérance et à devenir comme de petits enfants de l’attente, en contemplant ce Christ qui a voulu vivre caché dans le sein de sa mère et se donner à voir, un peu plus tard, dans l’épiphanie de sa Nativité.

La fête des petits

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus écrivait, dans la Lettre 266 :

« Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit… je l’aime !… car Il n’est qu’amour et miséricorde ! » (LT 266)

Et, commentant une image de Jésus : « Jésus, qui t’a fait si petit ? » « L’Amour ! »

et elle affirmait que le moment de la vie de Jésus qu’elle préférait était celui de l’Incarnation, au moment de l’Annonciation, où Jésus est le plus petit.