Jean absent de Jean, l'hypothèse impossible : critique du livre de Jean Staune

Jean absent de Jean, l’hypothèse impossible : critique du livre de Jean Staune "Jésus l'enquête"

La thèse développée par le livre Jésus l’enquête de Jean Staune, qui part de l’idée que l’auteur de l’Évangile de Jean et de l’Apocalypse ne serait pas l’apôtre Jean, fils de Zébédée, l’un des Douze, comme l’affirme la Tradition de l’Église, repose sur des bases fragiles et fausses, et elle conduit à contredire la doctrine traditionnelle et très solide d’une Église fondée sur les Douze et sur eux seuls, en proposant une solution tout à fait saugrenue, complotiste, blasphématoire et hérétique.

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Cédant au drame de l’exégèse moderne, de la gloire humaine et de la logique médiatique, qui ont toutes un besoin impérieux de nouveauté pour exister, une thèse nouvelle farfelue, née dans le monde protestant à la fin du XIXe siècle et assez répandue aujourd’hui dans l’univers exégétique, conteste l’idée classique et traditionnelle que l'auteur du quatrième Évangile, qui se désigne sous le nom de « disciple que Jésus aimait » (DJA) est bien l’apôtre Jean, fils de Zébédée (JFZ), frère de Jacques le Majeur, l’un des Douze « choisis » (Jn 6,70) par le Christ pour fonder son Église.

Les débats nouveaux - dont on ne trouve aucune trace dans l’Antiquité (!) -, nés autour de cette hypothèse nouvelle, ont le grand défaut de faire passer complètement à côté du but et du sens profond de cette désignation énigmatique de « disciple que Jésus aimait », que Jean a délibérément choisie pour des raisons spirituelles, et non pas pour « préserver son anonymat » (p.52) ou « par prudence » (quel intérêt en 100 après J-C ?) parce que ce choix nous concerne tous à cause de sa grande portée spirituelle. Par cet artifice, en effet, tous ceux qui veulent être des « disciples bien aimés » du Christ sont invités à se mettre à la place du disciple en 5 moments-clés de la vie de Jésus[1].

Au-delà de cette incompréhension majeure, le livre de Jean Staune a cependant un grand intérêt : c’est qu’il pousse la logique de l'hypothèse farfelue dans ses conséquences nécessaires, ce que tous ceux qui ont étudié le sujet jusque-là n'avaient pas fait. Personne jusqu’ici n’avait en effet permis de mesurer combien, si le DJA n'est pas l’un des Douze, cela conduit à une impasse et des contre-sens, parce que cela amène à remettre en question la place, le rôle et l’attitude des Douze dès l’origine, ainsi que l'unicité de l'Église que Jésus a historiquement fondée sur eux et sur eux seuls.

Le raisonnement est assez simple :  

  • Jésus ne nous a laissé que l’Église comme héritage de l'Incarnation et de la Rédemption (cf. la vidéo de Marie de Nazareth sur le sujet) et ce n’est donc pas une œuvre du Christ parmi d'autres : c'est l'œuvre majeure à laquelle il a consacré ses 3 ans de vie publique. Après avoir « choisi » (Jn 6,70) Douze Apôtres, il les a « appelés  » (Mt 10,1), puis «  institués » (Mc 3,14) et « établis » (Mc 3,16) « pour être avec lui  » (Mc 3,14) tout au long de ses trois années de vie publique, pour finalement faire d’eux ses « témoins » (Lc 24,48) et le fondement de l'Église.
  • On avait l'impression jusqu’ici qu'on pouvait discuter sans danger l'identité de l'auteur du 4ème Évangile mais c'est une erreur car cet auteur n'est pas comme Marc ou Luc, qui ne jouent aucun autre rôle que rédacteurs de leurs Évangiles, qui sont liés à des Apôtres et qui renvoient sans cesse aux Douze. Jean, lui, se présente comme un témoin oculaire dont le témoignage personnel est capital. Il est celui qui a le mieux compris Jésus, celui qui est aussi auteur des lettres et de l'Apocalypse, le dernier apôtre vivant qui clôt la Révélation, le seul qui va révéler que « Dieu est amour  » (1 Jn 4,8 et 16), le seul qui a reçu Marie pour « Mère » (Jn 19,27), qui affirme que son témoignage est « véridique » (Jn 19,35), « qui témoigne de ces choses et qui les a écrites » (Jn 21,24), celui qui dit avoir personnellement « vu » de ses yeux, « entendu » de ses oreilles, qui affirme avoir « contemplé » et « touché » le Verbe de vie, et qui, à partir de là, « l’annonce » et « rend témoignage » (1 Jn,1-3). Il prétend donc fonder son autorité de témoin sur sa participation aux événements relatés (Ap 1,2), dans lesquels il joue lui-même un rôle de premier plan et il est en plus « le bien-aimé » du Christ qui lui donne à la fin une mission spécifique et personnelle : c'est donc totalement différent de Marc ou Luc !
  • Si donc ce DJA, témoin si important et si privilégié par Jésus, n'est pas membre des Douze, cela a, en fait, d'énormes conséquences car il faut expliquer pourquoi les Synoptiques, les Actes et toute la première Église l'ont complètement ignoré : Jean Staune en déduit très logiquement qu'il ne peut s'agir que d'un complot des Douze contre lui et sa tradition. La thèse farfelue conduit donc logiquement à prétendre que Jésus avait fondé non pas 1 mais 3 Églises (Pierre et les Douze, le DJA et sa tradition, et enfin Jacques frère de Jésus)[2] et que dès l'origine le DJA a été éliminé de l’histoire par les Douze (de même que Jacques) : c’est ainsi qu’il n'est « pas dans la liste des saints », qu’il n'y a « pas de fête à son nom » (p. 130) et qu’on lui applique la « règle du silence » (p.136). C'est une « vérité cachée depuis 2000 ans » (p.138, 199) qu’on a « fait disparaître » (p.148), par des « occultations » (p.143) à l'égard de ces deux apôtres « escamotés » et « supprimés » (p.150), envers qui on a un «  œil mauvais » (p.158). Pierre et les Douze étaient donc de grands bandits et des staliniens avant l’heure puisqu’ils ont eu le culot d’éliminer les deux autres Églises que Jésus avait instituées !
  • Remettre en question l'identité de Jean revient donc à remettre en question le rôle spécial de ces Douze, qui sont au fondement de tout, et là on touche au cœur de la foi en l'Église, qui fait partie du Credo (« Je crois en l’Église »). Car si les Douze qui ont été choisis par Jésus n’étaient en fait pas seuls et s’ils se sont très mal comportés, ce n'est pas un épiphénomène : c'est la remise en cause d'énormément de choses et la négation de la promesse du Christ qui a affirmé « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église » et « les portes de l'enfer ne l'emporteront pas contre elle » (Mt 16,18).

L'hypothèse que l'auteur du 4ème Évangile ne soit pas un des Douze n’est donc pas un débat mineur et sans conséquences. Il convient donc de critiquer dans le détail cette thèse problématique qui :

1°/ repose sur le fondement très fragile d’1 seul texte mal interprété,
2°/ remet radicalement en cause la vision traditionnelle de l’Église fondée sur les Douze et eux seuls, pourtant très solidement établie par les Évangiles et toute la Tradition,
3°/ oublie que le binôme Pierre-Jean est partout dans le Nouveau Testament et la Tradition (dans l’hypothèse des 2 Jean, impossible de justifier pourquoi JFZ est si absent de l’Évangile de Jean, et pourquoi le DJA est inexistant dans les Synoptiques, les Actes et la Tradition …)
4°/ s’appuie sur une quinzaine d’arguments secondaires fallacieux,
5°/ conduit à quantité d’« inventions personnelles » invraisemblables,
6°/ se révèle finalement parfaitement saugrenue, complotiste, blasphématoire même et tout à fait hérétique en différents sens du terme, comme nous allons le voir.

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1.      L’hypothèse de la dissociation de « 2 Jean » ne repose que sur 1 texte antique mal interprété

Sur le fond, la thèse de la distinction de « 2 Jean » ne repose en fait que sur 1 seul texte : l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée, qui rapporte seulement 2 sources, celles de Papias et Denys. Ces 2 passages conduisent-ils à conclure dans le sens de l’existence de 2 Jean (1 apôtre & 1 évangéliste) ? Pas du tout ! D’ailleurs l’auteur de ce texte isolé, Eusèbe lui-même, attribue explicitement la rédaction du quatrième Évangile à Jean fils de Zébédée, dans plusieurs passages de l’Histoire Ecclésiastique[3].

Il faut bien mesurer le fait que, dans aucun autre texte antique, il n’est fait explicitement mention de 2 Jean : tous les autres auteurs antiques sans exception parlent toujours d’1 seul Jean, l’appelant « Jean », « l’apôtre » ou « le disciple », et c’est normal puisque Jean a de très nombreux titres[4] qui font qu’on peut s’y perdre et être « fils de Zébédée » n’est pas la première appellation qui vient à l’esprit quand on veut parler de lui[5]. Certains par ailleurs attribuent explicitement l’Évangile à JFZ : c’est le cas d’Origène, Tertullien, Denys, des Actes de Jean, de l'Epitre des Apôtres.

Mais jamais personne d’autre ne suggère qu’il y a 2 Jean distincts.

Quels sont donc ces deux fameux extraits présentés par le seul Eusèbe ? Il y a :

·        Un extrait des Explications des paroles du Seigneur de Papias de Hiérapolis, dans lequel rien n’est dit sur l’attribution de l’Évangile, qui semble distinguer deux Jean mais l’interprétation inverse est tout à fait possible et a été soutenue par de grands exégètes[6],

·        Une phrase d’une lettre de Denys d’Alexandrie qui présente la distinction des 2 Jean à partir de l’hypothèse de 2 tombeaux à Éphèse (hypothèse très fragile, tout le monde le reconnait, même Jean Staune, cf. p.188), mais Denys, qui attribue l’Apocalypse à un « Presbytre » affirme quand même, lui aussi, que l’Évangile est écrit par Jean fils de Zébédée. Et Eusèbe suit Denys.

Pourquoi Eusèbe mentionne-t-il donc cette hypothèse isolée des « 2 Jean » ?

La raison en est qu’il doute de l’Apocalypse qui est, reconnaissons-le, un texte particulier. Avec les anti-millénaristes, il a donc une réticence à attribuer ce texte si particulier à Jean l’évangéliste. C’est aussi la motivation de Denys. Et c'est pour cela qu'ils interprètent Papias comme ils le font, c'est-à-dire en considérant que le Presbytre Jean n'est pas le même que le Presbytre Jean dont il parlait une ligne avant. Mais, encore une fois, tous les deux attribuent clairement l’Évangile à l’apôtre Jean de Zébédée. Tirer leur témoignage en sens contraire est donc absolument impossible[7].

Qu’y a-t-il donc dans le dossier à part cela ? Rien !

Il n’y a rien de plus dans le dossier des sources patristiques !

Aussi incroyable que cela paraisse, il n’y a aucun autre élément. Le dossier est vide d’autres sources et c’est sur un fondement aussi faible que repose toute la construction de l’hypothèse farfelue, qui va conduire à devoir assumer un nombre énorme d’hypothèses abracadabrantesques et hérétiques…

Il faut s'arrêter sur cette réalité et en prendre toute la mesure : en dehors de ces deux cas cités par Eusèbe seul, personne ni aucun document sérieux dans l’Antiquité ou dans la Tradition de l'Église n’a jamais imaginé cette idée saugrenue d'une distinction de « 2 Jean » avant le XIXème siècle !

Aucune trace d’une « Église de Jean » ne figure chez les Pères de l’Église ni dans toute la Tradition. Bien au contraire, l’ensemble de l’Adversus hæreses de saint Irénée a pour principal objet de dire et rappeler qu’il n’existe qu’une seule Tradition apostolique transmise d’une voix « unanime »[8], « au grand jour »[9] et qu’il ne saurait y avoir de tradition initiatique parallèle à la grande Tradition[10].

Et jamais aucun des Pères de l’Église n’évoque bien sûr une quelconque omerta des Douze contre des traditions valables concurrentes. De fait, cette idée de trois « traditions indépendantes » (p.53 et 1h09’18) ne peut pas être considérée autrement que comme un délire et une absurdité.

L’hypothèse nouvelle est donc fondée sur une base historique super fragile.

2.      La thèse nouvelle remet radicalement en question la vision traditionnelle et très solide d’une Église fondée sur les Douze et sur eux seuls

Il est absolument clair pour toute la Tradition que Jésus a fondé le « Nouvel Israël » (Ga 6,16) [11] sur les Douze apôtres en lien avec l’Ancienne Alliance fondée sur les Douze tribus d’Israël[12].

Ceux qui sont appelés « Apôtres » (c’est-à-dire « envoyés » par le Christ, lui-même « envoyé » par le Père[13]) au sens fort[14], dans toute la Tradition, ce sont les Douze et personne d‘autre, à l’exception de saint Paul, qui revendique le titre en disant qu’il est « le plus petit des Apôtres » (1 Co 15,9) après son chemin de Damas. Mais « de peur d’avoir couru pour rien » (Ga 2,2), il vient très vite voir les Apôtres, à qui il est « présenté » par Barnabé (Ac 9,27). On arrive ainsi d’une certaine manière à 13 Apôtres, de même qu’il y a 13 tribus d’Israël, en comptant les deux tribus de Benjamin et Manassé issues de Joseph et la tribu de Lévi, qui a un rôle sacerdotal particulier, mais on parle toujours symboliquement des « Douze » sur qui tout repose (cf. annexe). Les autres (Marie-Madeleine, « apôtre des Apôtres », Barnabé, Andronicos et Junias (Rm 16,7), ou les « super-apôtres » mentionnés en 2 Co 11,5 et 2 Co 12,11) ne sont nommés « apôtres » que dans un sens faible et dérivé, parce qu’ils sont envoyés non directement par le Christ, mais par les Apôtres eux-mêmes (Ac 11,22). Tous se réfèrent sans cesse aux Douze, car il n'y a aucune autre source de légitimité que les Douze après l’Ascension.

C’est si vrai qu’après la mort de Judas, Pierre et les Apôtres ressentent l’urgente nécessité de le remplacer afin qu’ils soient à nouveau Douze : on procède ainsi à l’élection de Matthias qui est alors « associé par suffrage aux onze Apôtres » (Ac 1,23-26). Et personne n’imagine proposer un treizième qui serait un Jean indépendant et différent de l’apôtre Jean de Zébédée.

Le rôle des Douze est évidemment central et unique. Comment peut-on contester cela ? C’est sur eux et eux seuls que Jésus fonde l’Église « une, sainte, catholique et apostolique », et ce sont eux, et eux seuls, qui reçoivent des missions du Christ et qui vivent tous les moments les plus importants :

- Dès le début, les Douze sont précisément et personnellement nommés : « voici les noms des Douze Apôtres » (Mt 10,5 ; Mc 3,13-19 ; Lc 6,12-16), et ils sont tous, comme déjà dit, « choisis » (Jn 6,70), « appelés » (Mt 10,1), « institués » (Mc 3,14) et « établis » (Mc 3,16) par le Christ Jésus « pour être avec lui » (Mc 3,14) et le connaître tout au long de ses trois années de vie publique, afin qu’ils puissent finalement être ses « témoins » (Lc 24,48) et le fondement unique de l'Église.

- À la Cène, les Douze et uniquement les Douze sont réunis, comme l’affirme clairement le texte de l’Évangile[15] (Mt 26,20 ; Mc 14,20 ; Lc 22,14) : il n’y a donc bien évidemment aucune place pour un treizième qui serait différent.

- Après la Résurrection, les Évangiles de Matthieu, Marc et Luc se concluent par les consignes de Jésus aux Onze seuls, avec qui il promet d’être « tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,16-20 ; Mc 16,14-20) en leur enjoignant d’être ses « témoins » (Lc 24,33-53) comme Jean affirme l’être[16].

- À la Pentecôte, le Christ envoie son Esprit Saint uniquement sur les Douze qui sont à nouveau listés et nommés personnellement, très précisément (cf. Ac 1,13)[17] ; l’idée qu’il y ait un autre « apôtre » à ce moment-là n’a aucun sens non plus.

- À la fin des temps, enfin, la Jérusalem céleste ne reposera que sur ces Douze et sur personne d’autre (cf. Ap 21,14) comme saint Jean lui-même l’affirme clairement[18].

Au moment de remplacer Judas, Pierre insiste sur l’importance de ce long cheminement avec Jésus. Il y a, dit-il, « des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où Jésus a vécu parmi nous depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean, jusqu’au jour où il fut enlevé d’auprès de nous » et c’est donc parmi eux qu’il faut choisir : « Il faut donc que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de sa résurrection » (Ac 1,21-22). L’idée que le meilleur « témoin » du Christ pût être un jeune prêtre caché de Jérusalem qui n’aurait vu le Christ que de temps en temps n’a aucun sens.

Bref, c’est la logique évidente de l’action du Christ qui est contredite par la thèse nouvelle.

Certes, le fait que Jean lui-même ait choisi une expression énigmatique pour se désigner peut favoriser les incompréhensions. Ce choix demeure incompréhensible, comme déjà dit, tant qu’on ne cherche pas la raison spirituelle qui l’a motivé. Mais il est clair que l'Église est bâtie sur ces Douze Apôtres et sur leurs successeurs, et qu’elle est pour tous, dans une perspective d’unité : il n'y a bien évidemment aucune tradition parallèle originelle réservée à une élite.


3.      La thèse nouvelle oublie que le binôme Pierre-Jean est partout dans le Nouveau Testament

En vérité, le binôme Pierre-Jean est vraiment partout[19] ! Dans les Synoptiques, dans les Actes, chez saint Paul[20], dans toute la Tradition … et aussi bien sûr dans l’Évangile de Jean. Dans les synoptiques et les Actes, comme dans la quatrième Évangile, Jean (JFZ ou DJA) est toujours associé à Pierre et il est absolument le seul à avoir cette proximité permanente avec le premier des Apôtres :

Le DJA est nommé 12 fois dans le « Livre de l’Heure » (Jn 13-21) : sur ces 12 fois, il est à 10 reprises en compagnie de Pierre ou en relation avec lui (Jn 13,23 montre Pierre passer par le DJA pour interroger Jésus ; Jn 20,2.3.4.5.8 ; 21,7.20.23.24). Si l’on ajoute « l’autre disciple » (Jn 18,15.16), on arrive à 12 fois sur 14. Le seul moment où il n’est pas avec Pierre, c’est au pied de la Croix (Jn 19,26.27).

Dans les Synoptiques, les vocations de Pierre et André sont toujours associées à celles des fils de Zébédée (Mt 4 ; Mc 1 ; Lc 5). Or, en Jn 1, la vocation de Pierre est associée à celle d’un autre disciple de Jean-Baptiste qui conserve l’anonymat. Tout porte donc à croire qu’il s’agit du même groupe, les Galiléens disciples de Jean-Baptiste, à deux moments différents du début de leur parcours avec Jésus, et que le disciple anonyme de Jn 1 est bien Jean, fils de Zébédée, puisque cet anonymat est la caractéristique constante du DJA dans son Évangile [21]. Penser autrement n’est pas du tout logique.

S’ajoute à tout cela un double argument de bon sens très fort qui est que si le DJA n’est pas JFZ, cela signifie 1°/ qu’il est totalement absent des Synoptiques et des Actes, et 2°/ inversement que JFZ est quasiment absent de l’Évangile de Jean (!) : deux choses totalement invraisemblables ... Détaillons :

1.      Si le DJA n’était pas Jean de Zébédée, il serait totalement absent du reste du Nouveau Testament et il n’y a à cela aucune explication logique

Encore une fois, le DJA apparait à 5 moments absolument clés :

1.      À la Cène, il est sollicité par Pierre et pose sa tête sur la poitrine du Christ (Jn 13,25),

2.      À la Croix, avec Marie : « Femme, voici ton fils » - « Voici ta Mère » (Jn 19,25-27),

3.      À la Résurrection, il court au tombeau avec Pierre, et « vit et crut » le premier (Jn 20,8),

4.      Au Lac de Tibériade, il reconnaît Jésus ressuscité : « C’est le Seigneur » (Jn 21,7)

5.      À la fin de l’Évangile, il doit « demeurer » et publier les merveilles de Dieu (Jn 21,21-24)

Le DJA est donc dans l’Évangile de Jean désigné comme un personnage vraiment considérable … mais il n’est nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament et il n’y a jamais nulle part 2 Jean dans l’histoire de l’Église ! Comment les Synoptiques et les Actes auraient-ils pu ignorer totalement ou cacher avec succès un protagoniste aussi important dans la communauté chrétienne des origines ?

En particulier Luc, qui atteste avoir enquêté auprès des « témoins oculaires » (Lc 1,1-4), suivant les règles de l’historiographie gréco-romaine, aurait-il pu négliger de consulter le disciple bien-aimé, qui est un témoin incontournable et parfois unique[22] comme en témoigne le 4ème Évangile ? Cela n'est pas sérieux et n’a aucun sens[23]. Qui peut imaginer ça ? Impossible évidemment …

2.      L’apôtre Jean, fils de Zébédée, est un personnage considérable dans tout le Nouveau Testament, mais où serait-il dans l’Évangile qui porte son nom ?

Jean de Zébédée est, lui aussi, clairement un personnage considérable, juste après Pierre :

1.      Il est toujours cité en 2ème, 3ème ou 4ème position dans toutes les listes apostoliques (Mt 10,2 ; Mc 3,17 ; Lc 6,14 ; Ac 1,13) ;

2.      Il est toujours dans le groupe de 3 que Jésus prend avec lui en des moments spécialement forts (avec Jaïre en Mc 5,37 et Lc 8,51, à la Transfiguration en Mt 17,1 et Mc 9,2, à l’agonie à Gethsémani en Mt 26,37 et Mc 14,33) ;

3.      Il est proche ou en binôme avec Pierre dans tous les Synoptiques (Mt 20,20 ; Mc 1,19 ; 1,29 ; 5,37 ; Lc 9,49 ; 22,8) et systématiquement dans les Actes des Apôtres (Ac 3,1-1 ; 4,1-23 ; 8,17-25 ; 12,2) ;

4.      Il est naturellement l’une des « colonnes » de l’Église avec Pierre et Jacques le mineur, selon saint Paul (Ga 2,9).

Bref, Jean est clairement le deuxième plus important personnage après Pierre et, s’il n’est pas le DJA, est absent et sans aucun rôle dans l’Évangile qui porte son nom - à part en Jn 21 où il est figurant[24] !

Michael J.Kruger, concluant à l’identification comme Brant Pitre et D. B. Wallace à partir des preuves internes et externes, interroge : « s’il n’est pas le disciple que Jésus aimait, alors où est-il ? »[25] 

Comment imaginer effectivement, dans ces conditions, qu’il y ait « 2 Jean » ?

En réalité, à la fois dans le Nouveau Testament et chez Jean, le couple Pierre-Jean est partout : donc l’identification s’impose comme évidente et constante dans la Tradition.

Il n’y a absolument aucune raison de remettre en cause la thèse classique[26] qui est très simple.

1°/ Jean est un Apôtre atypique :

Il est :

- Le plus jeune des Douze, qui connaît les gens du Temple depuis son enfance, sans doute parce qu’il allait pour l’entreprise de son père vendre à Jérusalem et au Temple le poisson séché à Bethsaïde

- L’un des 3 Apôtres privilégiés parfois (Thabor, Agonie, fille de Jaïre),

- Le « bien-aimé » ou le « préféré » de Jésus, c’est-à-dire celui qui l’a le mieux compris,

- Le seul qui ait posé sa tête sur la poitrine de Jésus à la Cène,

- Le seul des Douze qui ait été présent au pied de la Croix, et qui a reçu Marie pour « Mère »[27]

- Le premier qui « vit et crut » devant le Linceul du Tombeau vide,

- Celui qui a « demeuré » dans ce monde le plus longtemps, jusqu’à être appelé « Jean l’Ancien »

- Le seul Apôtre qui n’a pas fondé d’Église,

- Le seul à ne pas mourir martyr, même s’il a subi à Rome le martyr de l’huile bouillante, et s’il parle de lui comme martyr (témoin) dans l’Apocalypse,

- Le seul qui a reçu l’extraordinaire révélation de l’Apocalypse,

- Le seul qui ait révélé que « Dieu est amour ».

- Celui qui a composé un Prologue et un Évangile d’une hauteur de vue tout à fait singulière.

2°/ Jean a pu avoir ce destin parce qu’il a été le seul à être longuement enseigné par les 3 meilleurs maîtres de l’époque :

-  Jean le Baptiste (pendant 2 ou 3 ans)

-  Jésus (pendant 3 ans)

-  Marie (pendant 20 ans)

Tout cela avant :

-  40 ans de méditation et d’enseignement

-  La Révélation de l’Apocalypse (il était annoncé en Jn 21,23 qu’il « demeurerait » jusqu’à la « venue » (Ap 1,4.7.8) du Christ qui se réalise finalement dans la grande vision de l’Apocalypse)

-  Et enfin, la publication (pas la composition ni l’écriture) de son Évangile, qui est un enseignement complémentaire de niveau supérieur, destiné à l’approfondissement.

Jean ne répète pas mais il complète, précise et développe l’enseignement des Synoptiques, à partir de ces éléments. Tout argument basé sur ce que l’Évangile de Jean ne dit pas n’a donc aucun sens.

3°/ Jean sera finalement appelé « le Théologien » car il est « l’aigle » qui est allé plus loin que tous les autres et qui clôt la Révélation.

Tout le monde, les saints, les mystiques (tous, pas seulement Maria Valtorta[28]), les docteurs, les papes, les Conciles, les apparitions[29], la liturgie : tout va dans le même sens et jamais Dieu n’a senti le besoin d’alerter les hommes sur une énorme boulette qui aurait plombé l'Église depuis 2000 ans en lui faisant confondre « 2 Jean » et ignorer une autre Église que Jésus aurait fondé[30] !

 

4.      La thèse nouvelle s’appuie sur une quinzaine d’arguments secondaires fallacieux

La liste récapitulative des arguments censés convaincre est donnée en page 232 du livre, mais tout est tiré dans un sens arbitraire et jamais obligatoire. Voici ci-dessous les arguments qui sont appelés dans le livre « 12 choses impossibles[31] » (!) et leur réfutation :

« Pour croire que Jean, fils de Zébédée (JFZ) est le « disciple-bien aimé » (DJA), auteur du quatrième Évangile, vous devez croire à au moins douze choses impossibles :

 

1.    « Que JFZ est le DJA, alors que rien dans les Évangiles synoptiques ne permet de penser c
ela et surtout que ces mêmes Évangiles montrent qu’à au moins trois moments essentiels JFZ ne comprend absolument pas l’enseignement de Jésus. »

On vient de voir l’inverse : les Synoptiques ne connaissent aucun DJA et l’hypothèse de la dissociation est intenable à partir des textes. Donc c’est l’inverse : tout permet de penser que le DJA est DFZ !

Par ailleurs, la psychologie des apôtres ne doit pas être imaginée comme monolithique alors que Pierre peut passer d’un instant à l’autre d’« inspiré du Père » à « Satan » cf. Mt 16,17-23, etc.). Jean peut tout à fait différer selon les temps[32]. Il peut être à la fois le fougueux fils du tonnerre et le grand disciple et héraut de l’amour. Il n’y a aucune incompatibilité à cela, donc l’argument ne vaut rien …

 

2.      « Que l’auteur du quatrième Évangile est un Galiléen alors que tout indique qu’il est un Judéen. »

L’idée que l’auteur du quatrième Évangile doit être judéen (= juif) ne repose sur rien de solide. Bien au contraire, puisque Jean raconte heure par heure les débuts en Galilée, au Jourdain, à Tibériade, à Cana, c’est donc qu’il connaît très bien la Galilée[33]. Pourquoi écrire qu’il la connaît « infiniment moins bien que Jérusalem » (p.36), alors que tous les israélites montent 3 fois par an à Jérusalem et ont tous une connaissance de la ville et de sa liturgie ? C’est encore plus vrai quand on a été formé par Jean-Baptiste (fils de prêtre), Jésus (Fils de Dieu et de Marie) et la Vierge Marie elle-même (élevée au Temple), qui connaissaient tous trois parfaitement Jérusalem et ses pratiques.

Par ailleurs, Jean est celui qui parle de la manière la plus dure et la plus distanciée « des juifs »[34] ce qui laisse logiquement entendre qu’il ne fait pas partie de ce groupe parce qu’il est galiléen, et non par amour contrarié comme le suppose Jean Staune de manière capillotractée (p.176).

Enfin, l’expression « venir en Galilée » (Jn 4,54) qui selon Jean Staune montre « très clairement » que l’auteur est juif ne montre strictement rien car le même verbe exactement est employé en Jn 3,22 pour « venir en Judée ».

Bref, c’est l’inverse comme d’habitude, et tout montre au contraire que Jean est galiléen.

 

3.      « Que JFZ, quand il rédige, a oublié l’existence de son frère Jacques dont il était totalement inséparable. »

Jean ne met en avant ni lui ni sa famille, dans la logique de discrétion qui préside à son Évangile. Il omet même volontairement sa mère, Marie Salomé, au pied de la Croix. Il choisit aussi délibérément cette expression énigmatique de « disciple que Jésus aimait » pour se désigner lui-même, et si l’on veut avoir une explication intelligente, il faut chercher la raison de cette attitude permanente. Si on se met à la place que Jean : il a reçu des cadeaux immenses de Dieu, il a été un témoin absolument privilégié, et il a eu des décennies pour méditer sur tout cela. Quelle est la juste attitude au moment de publier son témoignage ? Est-ce de dire « moi, moi, moi » ? Ou est-ce de comprendre que tous ces privilèges qu’il a reçus étaient des grâces immenses et imméritées qui n’étaient pas pour lui seul mais pour tous ceux qui voudront être les « disciples bien aimés du Christ »[35] ?

La réponse paraît évidente ... Il n’y avait aucun intérêt à raconter sa vie et à se mettre en avant en disant « j’ai mis ma tête sur le cœur du Christ », « j’étais au pied de la Croix », « j’ai reçu Marie pour Mère », « j’ai été le premier des apôtres à croire à la Résurrection », « j’ai reconnu le Ressuscité » etc.

Le fait que l’Évangile de Jean ne cite pas Jacques et de multiples événements se comprend très bien si l’on accepte l’idée traditionnelle et de bon sens que Jean écrit avec Marie en complément des Évangiles synoptiques en les connaissant bien[36] et en complément avec eux comme déjà dit (récit et témoignage à 2 voix de Pierre et Jean), sans avoir de ce fait le besoin de tout répéter[37].

 

4.      « Que Jésus a "fait" de JFZ le fils de Marie, sa mère, alors que la mère de JFZ était présente à côté, et cela sans que cette femme très possessive ne dise rien. »

D’abord, il est clair que Jésus est très libre par rapport aux liens humains. Il n’hésite pas à dire devant les intéressés « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? » (Mt 8, 48), à appeler en public sa mère « Femme » (Jn 2, 4), à dire à ses parents qu’il doit être « chez son Père » (Lc 2, 49). De sa part, donc, ce n’est pas étonnant du tout. Par ailleurs, le fait que la mère de Jean, Marie Salomé, soit au pied de la Croix quand Jésus lui confie Marie ne pose aucun problème car c’est à l’évidence un testament spirituel. La maternité de Marie dont il s’agit est évidemment une maternité spirituelle. Marie Salomé qui vénérait Marie et qui voulait que ses enfants siègent au Ciel « à la droite et à la gauche » (Mt 20,21) de Jésus, ne pouvait que se réjouir de cet immense honneur fait à son fils Jean.

Enfin, l’argument soutenu aussi que « Jésus peut confier sa mère, pour qu'elle soit en sécurité » (p.49) à un prêtre du Temple qui serait son disciple caché - mais qui serait quand même non pas avec les prêtres, mais avec Marie au pied de la Croix (!) - n’a aucun sens : ce à quoi pense Jésus en ses tout derniers moments de vie sur la Croix n’est certainement pas de s’occuper de questions d’intendance et de sécurité, mais bien de confier un testament spirituel essentiel[38].

 

5.      « Que JFZ n’a pas le même calendrier que tous ses compagnons galiléens. »

L’histoire des calendriers différents s’explique très bien par la « règle de Badu » : sous l’influence du courant des pharisiens, s’était développée depuis des décennies l’idée que les 3 grandes fêtes juives de Pâque (15 Nisan), des Expiations (10 Thisri) et des Tabernacles (15 Thisri) ne doivent jamais être célébrées un vendredi, pour éviter 1°/ que le jour de la Préparation (« parascève ») ne soit pas un Shabbat, 2°/ de cueillir « l’homer », la « gerbe sacrée », prémices de la moisson nouvelle à la tombée de la nuit, le jour du Shabbat[39] et 3°/ la fête des Rameaux (Hosanna rabba) étant fixée chez les Juifs au 21 Thisri, 183 jours après la Pâque, d’avoir aussi à violer le repos légal en ayant à cueillir et porter les rameaux conformément au cérémonial de cette fête[40] un jour de Shabbat. C’est ainsi que, toutes les fois que la Pâque légale tombait un vendredi, pour des raisons évidemment empruntées à des usages disparus depuis la destruction du second Temple, les Pharisiens[41] avaient conduit les Sadducéens à accepter le transfert possible de la fête de Pâque du vendredi au samedi, et par suite de celle des Rameaux du samedi au dimanche. Même si le 15 Nisan restait la date normale à laquelle beaucoup dans tout l’Orient continuaient de célébrer la Pâques, l’usage s’est donc répandu de pouvoir célébrer dans ces cas particuliers la Pâques à deux dates. Or, ce fut exactement le cas en l’an 30, la Pâque légale tombant un vendredi. Jésus n’a donc pas dû vouloir suivre la conduite peu légale, quoique scrupuleuse, à laquelle les pharisiens ont conduit la ville de Jérusalem à célébrer la Pâques, en la remettant au samedi. Le Christ et ses disciples venant de la Galilée avaient une raison légitime, aux yeux mêmes des Pharisiens, de suivre le vrai calendrier, qui était sans doute celui de la Galilée et de tout le reste de l’Orient. Ainsi le 15 de Nisan tombant astronomiquement et légalement un vendredi, Le Christ et les Apôtres ont pu et dû manger l’agneau pascal le jeudi soir, après le coucher du soleil, alors que, dans la même occurrence, les prêtres du Temple de Jérusalem et le gros de la nation, avaient fixé la fête au lendemain samedi, et ne mangeaient la victime pascale que le vendredi soir. Jésus semble faire allusion à ces deux temps de la Pâque quand il dit à son hôte : « Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples » (Mt 26,18). Ces paroles peuvent se rapporter au temps de la Pâque et non au temps de la Passion, comme si elles supposaient pour la Pâque un temps proche et un autre temps plus éloigné.

Telle est, sans doute, la vraie solution de ce grand problème historique. En expliquant les 2 dates possibles, elle montre pourquoi les textes évangéliques ne sont pas contradictoires et manifeste en même temps les plans admirables de la Providence. Car l’agneau pascal n’était en effet que la figure de l’Agneau divin, et la délivrance de la servitude d’Égypte, rappelée par la fête de Pâque, était la prophétie symbolique de la grande délivrance que le Christ promis devait apporter au monde entier. Il convenait, et il entrait donc dans les plans de la Providence, que l’Agneau véritable fût immolé précisément le jour assigné à l’immolation de la victime figurative, un vendredi, le jour où Dieu avait achevé son œuvre créatrice, en donnant la vie au premier homme, qui devait être aussi le jour où l’homme serait racheté par le Fils de Dieu consommant son œuvre réparatrice. Il convenait aussi, et il entrait dans les plans divins que le repas pascal qui permettait la Cène puisse être pris la veille au soir, le 14 Nisan. Mais cette double coïncidence n’aurait pu avoir lieu sans la possibilité de fêter la Pâque à deux dates différentes ; la Providence a donc permis cette action scrupuleuse des pharisiens qui a conduit les autorités de Jérusalem à fêter la Pâque le samedi, leur donnant ainsi la liberté de faire condamner Jésus le jour de la Parascève, au moment marqué par les décrets éternels.
Jésus, de son côté, a pu à la fois célébrer la Pâque avec ses Apôtres et la vivre en sa chair le vendredi.

Notons enfin que l’argument est, par ailleurs, très mal choisi par les tenants de la thèse nouvelle car il est, en fait, en faveur de l’identification traditionnelle : en effet, si l’évangéliste Jean avait eu un autre calendrier et qu’il n’était pas membre du groupe des Douze, il n’aurait rien eu à faire là à la Cène ; en revanche, s’il se réfère à un autre calendrier mais qu’il est là… c’est parce qu’il est membre du groupe !

 

6.      « Que JFZ venait lui-même livrer son poisson au Grand Prêtre alors qu’aucun pêcheur de Galilée ne venait faire de telles livraisons. »

La question du disciple qui connaît le grand prêtre et sa servante (Jn 18, 16) ne pose aucun problème, parce qu’il y a 1000 raisons de connaître des gens. Mais cela a pu se faire naturellement par la vente du poisson séché de Galilée à Jérusalem, ce qui est une très cohérente explication donnée par la grande visionnaire Maria Valtorta [42]  qui consonne avec l’Évangile (Zébédée avait une entreprise de pêche – cf. Mc 1,20) et l’archéologie (il n’est pas « ridicule » de penser qu’un pêcheur de Galilée puisse vendre du poisson séché – et non pas « frais » (p.114) – à Jérusalem, car on a identifié des espaces de séchage à Bethsaïde, retrouvée 3 km en amont du lac de Tibériade)[43].

Il est également possible que ce disciple ne soit pas le DJA, car le texte ne le dit pas explicitement, mais ce n’est sans doute pas la meilleure hypothèse[44]. Ceci dit, c’est un détail secondaire sans importance.

 

7.      « Que JFZ passait ses nuits à Jérusalem pour écouter Jésus discuter avec les membres du Sanhédrin comme Nicodème, à l’insu de tous les autres apôtres. »
L’argument n’a aucun sens. Les évangélistes rapportent des tas de choses parce qu’ils ont recueilli les témoignages fiables de Jésus, de Marie et de bien des protagonistes. Et pas forcément parce qu’ils sont membres de tous les cercles. Sinon s’il rapporte ce qui s’est dit chez Pilate, est-ce parce qu’il était aussi centurion romain ? Et si les Synoptiques racontent l’entrevue avec Hérode, c’est qu’ils sont tous membres de la cour d’Hérode ? S’il affirme que « le Verbe s’est fait chair » (Jn 1,14) c’est qu’il était là à l’Annonciation ? Tout cela est absurde …
 
8.      « Que JFZ était connu du Grand Prêtre, alors que c’est un homme « du peuple sans instruction » que le Grand Prêtre ne semble absolument pas connaître quand il comparait devant lui en Ac 4,14 »

Dans tout le début des Actes comme devant le Sanhédrin, Pierre et Jean sont ensemble mais c’est toujours Pierre qui parle. Pierre est relativement âgé alors que Jean a environ 20 ans et, dans cette culture hébraïque, le poids de l’âge compte beaucoup. Pierre et Jean sont des pêcheurs galiléens, avec apparemment un accent reconnaissable (Mt 26,73). Ils ne sont pas des lettrés instruits dans les cercles intellectuels de Jérusalem. Tous les commentateurs remarquent d’ailleurs que l’Évangile de Jean est écrit dans un grec très approximatif, très loin du grec fluide de Luc qui est de haute tenue. Et selon la Tradition, Jean a finalisé et publié son Évangile avec l’aide du scribe Prochore à Patmos et Éphèse. Rien d’étonnant donc à ces remarques des Chefs du peuple et des Anciens qui sont majoritairement sans doute d’un tout autre milieu social.

 

Il faut savoir aussi que les prêtres des 24 castes d’Israël exercent tous les métiers dans toutes les régions d’Israël. Jean, fils de Zébédée, pourrait éventuellement être un Cohen tout en étant un pêcheur en Galilée. Mais Jean Staune ne le croit pas : « soyons sérieux », un « sympathique fils de pêcheur » n’aurait pas pu écrire cet Évangile (p.63). Mais cet argument marxiste basé sur les classes sociales néglige le fait que Jean a eu les 3 plus grands maîtres de l’Histoire (Jean-Baptiste, Jésus et Marie), que Jésus était charpentier, que Paul tissait des tentes (Ac 18,3) et que Rabbi Akiba, qui était illettré jusqu’à l’âge de 40 ans, a fini comme un des plus grands rabbis de sa génération. Bref, l’idée que certains métiers ou certains milieux empêcheraient de connaître Dieu est aussi tout à fait fausse. 
 
9.      « Que Papias parle de JFZ en même temps au présent et au passé dans une même phrase. »
 
Oui, comme déjà dit, c’est exactement l’interprétation des exégètes Carson et Moo par exemple soutiennent que Papias ne parle que d’un seul Jean dans le texte rapporté par Eusèbe (Introduction au Nouveau Testament, p.118). Si le texte n’est pas inexact ou erroné, ce qui est toujours possible et assez courant (seul l’Évangile est parole d’Évangile[45]) - d’autant que Papias ne jouit pas d’une réputation de grande fiabilité -[46],  il semble que cette lecture tout à fait possible soit la seule qui permette de rendre compte de tous les points de la controverse de manière logique et cohérente.
 
10.   « Que JFZ ne sait même pas où il habite (dans l’hypothèse où la Cène aurait eu lieu dans la maison que son père Zébédée aurait possédée à Jérusalem) »

L’idée que la Cène appartienne à Zébédée, père de Jean, est saugrenue et n’a jamais été imaginée par personne avant le XXème siècle. Selon l’Évangile, il s’agit d’un lieu qui est la propriété d’un ami de Jésus, qui lui a préparé une salle pour célébrer la Pâque avec les Douze (et eux seuls ! cf. Mt 26,20 ; Mc 14,20 ; Lc 22,14[47]). Selon Maria Valtorta, il s’agit d’une des propriétés de Lazare, protégé par les Romains, où Jésus peut loger en sécurité, comme dans sa propriété de Béthanie, à 3 km de là.

 

11.   « Que Polycrate n’a pas mentionné qu’il était un des douze apôtres dans le passage où c’était le moment le plus important de toute son existence pour mentionner un tel fait, puisqu’il s’agissait de montrer, face au Pape et à l’Église latine, l’importance des sources de la Tradition qu’il représentait. »

Cet argument concernant Polycrate se retourne lui aussi contre la thèse nouvelle : en effet, s'il cherche à convaincre le Pape, on se demande bien en quoi se recommander d'un prêtre de la loi juive (« hiereus ») et qui a porté le « pétalon » (réservé normalement au Grand Prêtre), non-membre des Douze, pourrait impressionner Victor, le successeur de Pierre. Cela ne pourrait que renforcer les Romains dans leur idée que l’usage quartodécimain, étant un usage juif, devait justement être aboli, et c'est encore moins compréhensible si Jean est la figure tutélaire de cette Tradition initiatique que l’Église institutionnelle cherche justement à occulter ... Autrement dit : considérer que le Jean dont il s’agit ne serait pas le fils de Zébédée reviendrait à dire que, pour défendre l’usage quartodécimain, Polycrate donnerait en fait un argument qui lui serait triplement défavorable ! Ce serait vraiment absurde et c’est pourtant présenté par Jean Staune et Jean-Christian Petitfils comme un de leurs meilleurs arguments ! … Incompréhensible …

Par ailleurs, le fait de « porter le pétalon », c’est-à-dire l’insigne du Grand Prêtre de Jérusalem, comme le dit Polycrate, ne peut pas être pris au sens usuel juif. En effet, aucun des Grands Prêtres de l’époque ne peut évidemment être l’auteur de l’Évangile de Jean qui, en toutes hypothèses, est âgé de 20 ans au temps du Christ. Il s’agit bien évidemment du sacerdoce de la Nouvelle Alliance, dans lequel les Apôtres ont la dignité la plus élevée, au niveau de l’ancienne du Grand Prêtre d’Israël, et Jean l’a de manière très particulière, sans doute, lui qui, par Marie, était si proche du mystère de l’Eucharistie et qui a été d’abord formé par Jean-Baptiste, descendant d’Aaron et fils de Zacharie, prêtre au Temple de Jérusalem. Donc, si Jean a porté le « pétalon », ce n’était pas au titre de l’Ancienne Alliance, mais forcément dans le cadre d’une réappropriation chrétienne des symboles vétérotestamentaires[48].

 

 
12.   « Que saint Irénée ait pu croire que JFZ était le DJA alors qu’il sait pertinemment que Papias parle de JFZ au passé et que Papias a rencontré le DJA. »

Non seulement Papias peut être interprété très différemment comme déjà commenté, mais l’analyse des sources concernant Papias montre que contrairement à ce que croyait saint Irénée, il n’a sans doute jamais rencontré Jean[49] … donc l’argument commence mal.

Par ailleurs, saint Irénée, comme déjà vu, ne connait qu’un seul Jean, comme tous les autres Pères de l’Église, sauf Eusèbe et Denys (positions isolées déjà mentionnées et expliquées par leur position anti-millénariste et leur doute sur l’attribution de l’Apocalypse à l’évangéliste)[50]. On la vu, pour saint Irénée, il n’y a évidemment qu’1 seule Tradition apostolique, proclamée de manière « unanime » par les Apôtres, « au grand jour » et il ne saurait y avoir de tradition initiatique gnostique parallèle : c’est tout le sens de son livre Adversus Hæreses, « contre la gnose au nom menteur ». Donc, oui, bien sûr, comme tout le monde à l’époque, Irénée croit que JFZ est le DJA qui a écrit l’Évangile[51].

D’ailleurs, après saint Irénée, l’attribution du quatrième Evangile à Jean, l’apôtre, n’est plus discutée.

Personne avant le XXème siècle n’émettra d’hypothèse différente, car c’est une idée saugrenue.

 

Autres arguments entendus par ailleurs :

 

13.   « Jean est au pied de la Croix sans être nullement inquiété » : mais les juifs ont-ils d’autre objectif que de faire passer à Jésus le test du Messie[52] ? Comme tous les autres disciples (Mc 15,41), le jeune Jean de 20 ans, la mère du Christ et les saintes femmes ne seront inquiétées par personne à cette heure[53].

 

14.   « Il arrive le premier au tombeau, mais il laisse rentrer Pierre parce qu'un Cohen n'a pas le droit de rentrer dans une tombe qui contient un cadavre. C'est là une règle des Lévitiques » : il n’est pas exclu que Jean soit de famille sacerdotale puisque son nom fait partie des noms possibles de prêtres selon la bible (cf. Es 10,20) ou selon la thèse d’Henri Cazelles[54], mais Jean peut aussi laisser Pierre passer devant en raison de sa préséance affirmée partout dans tout l’Évangile[55]. L’idée qu’il n’entrerait pas pour des raisons de pureté rituelle est bizarre : Jean ne parle jamais, contrairement à Matthieu, des règles du pur et de l’impur et il côtoie les morts sans problème (Lazare, la Croix, etc).

 

15.   « Jean fils de Zébédée a sans doute été "martyr" avec son frère Jacques en 41 même si l’Évangile n’en parle pas » [56] : mais dans ce cas, le grand Jean de Zébédée, qui après la Croix est cité maintenant en n°2 dans les listes apostoliques (cf. Ac 1,13) et qui est très présent partout puisqu’il accompagne Pierre sans cesse, aurait été martyr sans que les Actes n’en dise un mot (!) ... No comment …

 

 

5.      L’hypothèse nouvelle conduit à quantité d’autres « inventions personnelles » invraisemblables

En son temps, Benoît XVI a écrit : « Si nous nous en tenons aux sources, et si nous ne dévions pas vers des inventions personnelles, il demeure clair que Jésus est né à Bethléem et qu'il a grandi à Nazareth[57] » et, comme dans toute logique hérétique, c’est exactement là que se situe le problème.

 

Jean Staune nous livre une interminable liste de telles « inventions personnelles » présentées comme les résultats d’une enquête rigoureuse, rationnelle, honnête et « certaine »[58], alors que ce sont à chaque fois des prises de positions personnelles et très partiales, en contradiction avec le bon sens ou l’Église et toute sa Tradition, dans le seul but de défendre une thèse qui ne tient pas :

 

·        Jésus n’est selon Jean Staune très probablement « pas né à Bethléem » (p. 106) mais « à Nazareth » ce qui est censé montrer que les Évangiles synoptiques ne sont « pas fiables » ;

·        Le fait que Justin (+165) et Origène (+254) parlent de la tradition selon laquelle Jésus est né dans une grotte que les chrétiens de Palestine indiquaient, n’aurait donc aucun poids ;

·        Il était « impossible » que Jésus soit né à Bethléem où le « manipulateur » saint Jérôme (!), docteur de l’Église, s’établit dans une grotte sous la basilique de la Nativité à Bethléem, le plus loin possible de Nazareth où Jésus était né en réalité ;

·        Les Mages et les bergers que célèbrent tous les chrétiens à Noël n’ont « jamais existé »

·        Les Évangiles de l’enfance de Matthieu et Luc ne sont pas « totalement inventés » mais « il faut en récuser un » (p.51, 106) ;

·        Les Évangiles de Matthieu et Luc ne sont « pas précis » sur ce point et sur bien d’autres

·        Les Synoptiques ne sont pas historiques et celui de Jean est « le plus fiable » ;

·        Les Douze ont raconté les choses « de leur point de vue » : ils ont « fait disparaître » (p.148), « occulté » (p.143), « escamoté » et « supprimé » (p.150) complètement le disciple le plus important du Christ et celui qui l’a le mieux compris mais ce n’était pas du tout un complot ;

·        Jésus a fondé 3 Églises « indépendantes » (p.53, 136 et 1h09’18), pas juste celle des Douze, et ça s’est mal passé mais il n’est pas un Dieu peu clairvoyant, imprudent et imprévoyant ;

·        L’Église de Pierre est celle « pour le grand public » (p.53) alors que celle du DJA est « l’Église intérieure » pour les « spirituels » (p.54) qui n’ont « pas à se soumettre à Pierre » (p.53) ;

·        A Tibériade, après la Résurrection, le DJA est naturellement sur le lac avec Pierre et d’autres en train de pêcher mais « ce n’est pas une partie de pêche comme les autres »[59] (p.171) ;

·        Jean et le DJA n’ont pas été appelés « au même moment » car il y a au moins 8 jours d’écart dans le processus[60] ;

·        Jean et le DJA n’ont pas été appelés « au même endroit » même si les Évangiles décrivent des scènes qui se passent au Lac de Tibériade et près du Jourdain qui nait justement de ce lac ;

·        Jean est « discret » et « se cache » mais il n’est pas en contradiction avec lui-même même s’il reproche aux autres de se cacher par amour du monde et par « crainte des juifs » (Jn 12,42) ;

·        Le DJA était « bien sûr » « un prêtre chez les juifs »[61] (p.66) et pouvait officier « à temps partiel » (p.172) même s’il avait à peine 20 ans avant de faire son « coming out » à la Croix mais cette thèse possible est très discutable et n’a pas d’appui particulier dans la Tradition ;

·        Jacques le Juste[62] ne doit pas être « confondu » avec Jacques le Mineur, comme l’Église le fait avec toutes les Églises apostoliques non influencées par les dérives byzantines du VIII° siècle ;

·        De même Barthélémy[63], lié à Philippe (Mt 10,3 ; Mc 3,18 ; Lc 6,14 ; Jn 1,43-51), ne doit pas être « confondu » avec Nathanaël, lui aussi lié à Philippe (Jn 1,43-51), comme l’Église le fait avec toutes les Églises apostoliques non influencées par les dérives byzantines du VIII° siècle ;

·        Jacques le Juste et non pas Pierre (p.138-141 et 1h10’10) est le « chef » de la première Église même si c’est en contradiction avec l’Évangile, tous les éléments disponibles et la Tradition ;

·        Pierre n’a « aucune primauté » sur le DJA dans tout le quatrième Évangile (p.43) même si le DJA s’arrête et le laisse rentrer en premier dans le tombeau vide (Jn 20,5) et que Jésus après la Résurrection lui dit 3 fois devant tous : « sois le pasteur de mes brebis » (Jn 21,15-17) ;

·        La prophétie que Jésus fait à Jean qu’il doit « demeurer jusqu’à ce (qu’il) vienne », concerne uniquement « la fin des temps » (p.52 et 297) et non l’Apocalypse présentée pourtant dans son texte même comme une « venue » du Christ » (cf. Ap 1,4.7.8) ;

·        Celui qui a la vision de l’Apocalypse et clôt la Révélation n’est donc « pas un des Douze »[64] ;

·        Joseph a été marié avant de connaître Marie : il est « quasiment exclu qu’elle soit sa première épouse » et les « frères de Jésus » sont les « premiers enfants de Joseph » (p.50) malgré le fait que toute la tradition mystique et toutes les révélations sur Joseph ont affirmé le contraire ;

·        Jean Baptiste pense qu’il « s’est trompé » sur Jésus (p.239) même s’il affirme dès le début de Jésus que « avant (lui) il était » (Jn 1,15 ; 30) ;

·        Saint Paul n’est pas fiable et n’inspire « pas une grande sympathie » (p.265) ;

·        Saint Polycarpe (+ 156) se trompe aussi selon la citation que fait de lui Vittricius (+ 554)[65] ;

·        Papias (+163), décrit par Eusèbe comme « un petit esprit » qui a « un mauvais jugement » et qu’on ne connait que par ce qu’Eusèbe et Irénée rapportent, est en fait celui qui éclaire tout si on reconnait que tout ce qui est rapporté de lui est parole d’Évangile et si on veut bien l’interpréter dans le sens indiqué par Jean Staune et non comme la Tradition l’a fait ;

·        Justin (+165), Père de l’Eglise, écrit : « chez nous [à Éphèse], un homme du nom de Jean, l’un des apôtres du Christ, a prophétisé dans l’Apocalypse… »[66] mais ça n’a pas de poids ;

·        Saint Irénée (+200) n’a pas défendu « l’unique tradition des Apôtres » diffusée « au grand jour » dans le cadre d’une unique Tradition apostolique et s’il parle de l’auteur du quatrième Évangile comme étant « un des apôtres », de ces « 12 apôtres » dont il rappelle que l'Évangile nous donne leur nom et s’il ne connait qu’1 seul « Jean », cela n’a pas de poids ;

·        Clément d’Alexandrie (+215) en revanche serait un soutien des « gnostiques » qui parle lui aussi de Jean comme « un des apôtres » mais il décerne ce titre « à n’importe qui » (p.70)

·        Tertullien (+220) se trompe en affirmant que le quatrième Évangile est de Jean de Zébédée et diffuse des « légendes », des textes « loufoques » et invente le « martyre sans martyr » ;

·        Origène (+254) se « trompe » en disant que le quatrième Évangile est de Jean de Zébédée ;

·        Denys d’Alexandrie (+265) diffuse des fausses nouvelles (« fake news ») ;

·        Eusèbe de Césarée (+339), premier historien de l’Église, qui avait plus de données que nous, qui est avec Irénée la seule source par laquelle nous connaissons Papias et qui prend la peine de bien préciser que l’auteur du quatrième Évangile est bien Jean l’apôtre, fils de Zébédée était en fait « un manipulateur » qui a « magouillé » et qui a aussi « censuré » Papias (p.89) ;

·        Saint Jean Chrysostome (+407) n’y comprend rien non plus quand il affirme de même que « Jacques fut décapité par le glaive et Jean mourut souvent » (p.99) ;

·        Saint Jérôme (+420), docteur de l’Église, est lui aussi un « manipulateur incroyable » qui fait « des montages hyper-capillotractés » ;

·        Théodore de Mopsueste (+428) qui affirme « Notre Seigneur, qui aimait Jean plus que les autres, le plus jeune de tous les disciples, Jean l’évangéliste, l’un des Douze » est oublié ;

·        Saint Augustin (+430) ne connait lui aussi qu’1 seul Jean, apôtre qu’il exalte, mais on l’oublie ;

·        Saint Cyrille d’Alexandrie (+444) assimile aussi totalement le DJA à JFZ mais il doit se tromper ; 

·        Le témoignage de saint Bède le vénérable (+735), Père de l’Église, n’a « aucune valeur » ;

·        Les apocryphes du IIème siècle (Actes de Jean, Epitre des Apôtres) n’ont « aucune valeur historique » (p.70) même s’ils attestent que l'attribution de l'Évangile à Jean l’apôtre, fils de Zébédée, était déjà connue à l'époque ;

·        La tradition du martyre de Jean à Rome qui a un lieu, une basilique et les témoignages de sept Pères de l’Église[67] et d’autres est « invraisemblable » (p.93) et n’a aucun fondement ;

·        Le Coran est un texte « révélé » (p. 258) ;

·        Karl von Eckartshausen « théosophe qui influencera profondément l’occultisme » selon Wikipedia est à lire parce qu’il y a en fait un « ésotérisme chrétien » (p. 265) et un « savoir ésotérique » (p. 266) à découvrir avec des références ésotériques en dehors de la Tradition ;

·        Maria Valtorta ne vaut rien et dit des choses « archi fausses »[68] ;

·        Padre Pio et Mère Yvonne Aimée de Jésus étaient membre de « l’Église intérieure » de Jean (instrumentalisation affirmée dans le livre sans aucune source) ;

·        La Tradition et le Magistère « peuvent se planter dans les grandes largeurs » (p.150) mais pas Jean Staune qui fait des démonstrations « certaines » ;

·        Les dogmes sont un « package » qui est en réalité faux et qu’il est « absurde » de croire ;

·        Ceux qui font partie de l’élite capable de comprendre doivent être « gnostiques » et adhérer à « un catholicisme 3.0 » (voir de 23’00 à 24’00) que Jean Staune nous apporte.

 

Bref, tout est à reformater ! … et c’est pour cela qu’il faut des réponses très, très longues.

Mais grand miracle aujourd’hui, au milieu de ce champ de ruines, nous avons aujourd’hui la vision personnelle de Jean Staune qui vient tout rétablir, tout éclairer et tout corriger d’un coup dans un sens « clair », « évident » et enfin « cohérent ».

6.      En résumé, la thèse nouvelle se révèle finalement parfaitement saugrenue, complotiste, blasphématoire même et tout à fait hérétique en différents sens du terme

 

- Thèse saugrenue d’abord, comme on l’a vu de 1000 façons qui suppose de contredire la Tradition et la totalité des Pères de l’Église. Au final, on ne voit déjà pas pourquoi il faudrait inventer un DJA qui serait en fait un clone parfait de JFZ : car selon la thèse nouvelle, il doit avoir exactement le même âge (p.106 et 187), le même rapport avec Jésus, devenir son disciple en gros au même moment (premiers appels) et au même endroit (Lac de Tibériade et Jourdain), avoir le même tropisme galiléen contre « les juifs » (les Judéens), la même place d’honneur dans la première Église et le même lien constant et privilégié avec l’apôtre Pierre. Il doit aussi porter le même nom, Jean, sans que les auteurs sacrés, les premiers chrétiens ou les Pères de l’Église n’éprouvent à aucun moment le besoin de le distinguer du fils de Zébédée alors même que des distinctions claires sont faites pour tous les autres (Jean Baptiste, Jean-Marc, les différentes Marie, les différents Jacques, Judas, etc) et sans que personne à part Eusèbe de Césarée et Denys d’Alexandrie (pour des raisons déjà expliquées) ne mentionne jamais l’hypothèse de 2 Jean. Par ailleurs, comme déjà dit, si le DJA - personnage clé de l’Évangile de Jean - n'est pas Jean, fils de Zébédée, comment expliquer qu’il soit totalement absent du reste du Nouveau Testament et de toute la Tradition ? Inversement, si l'apôtre Jean, fils de Zébédée - personnage considérable lui aussi dans tout le Nouveau Testament - n'est pas le DJA, pourquoi n’est-il pas présent dans l'Évangile qui porte son nom, à l’exception d’une mention furtive au chapitre 21 qui a un statut particulier ? Comment imaginer, enfin, comme déjà dit, que celui qui a le mieux compris Jésus ne serait pas l’un des Douze que le Christ – rappelons-le encore une fois – a « choisis » (Jn 6,70), « appelés » (Mt 10,1), « institués » (Mc 3,14) et « établis » (Mc 3,16) « pour être avec lui » (Mc 3,14) tout au long de ses trois années de vie publique afin de les enseigner, de les former, de les organiser en un corps qui va devenir l’Église, et de les envoyer en mission pour être ses « témoins » (Lc 24,48) mais un disciple caché qui ne le verrait que de temps en temps à Jérusalem ? Qui peut croire des choses aussi « incroyables » (cf. 17’27) et illogiques ?

 

- Thèse complotiste[69] ensuite parce que si le DJA n’est pas l’apôtre Jean de Zébédée, c'est donc qu'il a été totalement et injustement oublié dans l'Histoire. La raison avancée est que l’Église de Pierre et des Douze a, en fait, comploté d’une manière ou d’une autre et, de fait, éliminé non seulement cette Église de Jean mais aussi celle de Jacques ; toutes deux auraient dû effectivement exister selon la volonté du Christ, mais elles ont été scandaleusement liquidées par l’Église officielle qui a procédé à une « réécriture de l’Histoire »[70] (cf. p.100 ; 110 ; 136 ; 138 ; 148) (!)

 

- Thèse blasphématoire de surcroît, car elle conduit directement à manquer de respect envers Jésus et sa sagesse. En effet, le Christ se serait montré très imprudent, imprévoyant, peu clairvoyant et fort malhabile car des trois Églises qu'il souhaitait (cf. 1h09’18), une seule a subsisté et elle serait donc en plus composée de bandits ayant de lourds forfaits sur les bras (!)

 

- Thèse hérétique enfin, dans tous les sens du terme, car elle conduit d’abord à dire que la vérité n’est pas gardée et conservée par l’Église de Pierre mais par un autre Magistère, celui d’une « Église intérieure » censée exister pour l’élite[71], tandis que le Magistère de l’Église catholique et ses dogmes, appelés par Jean Staune « le package », disent n'importe quoi. Fort heureusement, Jean Staune le « gnostique » assumé qui sait ce que l’Église ne sait pas est là pour réparer les erreurs et bévues de Jésus et créer un nouveau Magistère (p.267-273 ; 300) qui lui est absolument divin, le fameux « catholicisme 3.0 ». Par ailleurs, la thèse se développe comme une hérésie au sens étymologique par tous les « choix » effectués sans cesse de manière partiale. Elle multiplie les interprétations biaisées et tourne les faits dans un sens faux et contraire à la vérité par des arguments absurdes sur toute une série de sujets (changement, maquillage, minimisation ou critique d’Irénée de Lyon, Origène, Justin, Tertullien, Clément, Denys, Eusèbe de Césarée, du Canon de Muratori, des apocryphes[72], etc. dont les témoignages vont tous dans le sens de l’identification classique entre le DJA et Jean de Zébédée ; redéfinition capillotractée du terme « Apôtre » ; critique marxiste sur l’impossibilité pour un pêcheur[73] de Galilée de devenir le plus grand des théologiens alors qu’il a eu les 3 plus grands maîtres de l’Histoire, - Jean-Baptiste pendant 2 ou 3 ans, Jésus pendant 3 ans, et Marie pendant 20 ans - ; vision « gnostique » assumée alors que Jésus « exulte de joie » parce que le Père se révèle aux tout petits cf. Lc 10,21, etc.

 

En fait, selon l’étymologie, le mot « hérésie » vient du grec « choix », « opinion » et c’est bien de cela qu’il s’agit. Comme pour toute hérésie, la question porte sur le magistère : faut-il suivre le Magistère de l’Église catholique qui prétend avoir été fondé par le Christ ou le nouveau magistère proposé par Jean Staune et Jean-Christian Petitfils qui est fondé sur une enquête « rigoureuse » ?

 

Saint Thomas d’Aquin enseignait très justement que si l’on n’adhère pas à un seul article de foi, c’est qu’on n’a pas la foi du tout. Car cela veut dire que notre croyance repose en dernière instance sur notre petit cerveau plutôt que sur la foi de l’Église exprimée par son Magistère : « Celui qui n'adhère pas, comme à une règle infaillible et divine, à l'enseignement de l'Église qui procède de la Vérité première révélée dans les Saintes Écritures, celui-là n'a pas l'habitus de la foi » (IIa,IIae, q. 5, a. 3)[74]. Car on adhère à la foi de l’Église parce que l’on croit en elle et on croit en elle parce que Jésus nous l’a donnée : c’est ainsi que tous les saints et tous les fidèles partagent la même foi depuis toujours et elle ne peut pas être altérée par ceux qui reçoivent mission de la transmettre, parce que l’Esprit Saint y veille sans cesse, selon les promesses du Christ. Comme le disait le Cardinal Newman, le concept de Révélation suppose celui de Magistère : Et il n’y a pas d’autre Magistère donné par Dieu.

 

Jean Staune ne remplace par Simon Pierre et il n'y a donc bien évidemment pas besoin de corriger la dernière phrase du Credo : « Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique … » dorénavant par « Je crois en Jean Staune et aux conclusions de sa nouvelle enquête rigoureuse … »[75]

 

En résumé, redisons-le : l’hypothèse farfelue des « 2 Jean » est capillotractée et conduit à une vision qu’on ne peut suivre en aucune façon et il n’y a aucune raison de remettre en cause l’identification du DJA au fils de Zébédée qui est unanimement reconnue de l‘origine à nos jours dans toutes les Églises apostoliques.

 

Que conclure de tout cela ?

 

Il semble qu’il y ait derrière cette controverse 2 erreurs méthodologiques :

 

1 – une erreur sur le statut des mots et l’oubli de la nécessité d’une interprétation autorisée : les débats comme celui sur le DJA ou d’autres donnent lieu à des thèses qui se présentent comme des constructions très élaborées basées sur l’analyse et l’interprétation d’un nombre invraisemblable de commentaires et de détails provenant de sources parcellaires de nature et d’origines très variées, s’étalant sur plusieurs siècles, dans des périodes très troublées, remplies de persécutions. Que valent de tels raisonnements ? Quand une affaire que nous connaissons très bien est rapportée par d’autres ou évoquée dans les médias, nous faisons tous l’expérience du décalage sidérant qui existe souvent entre la réalité et ce qu’on en dit, qui mélange les erreurs factuelles, les approximations, les partis-pris ou même les mensonges. Le monde est ainsi fait que les hommes sont complexes et que leurs paroles ne sont pas fiables. Il ne faut donc pas rechercher seulement des interprétations nouvelles à partir d’un dossier littéraire sorti de son contexte, de la vie de l’Eglise, de sa Tradition vivante et de la logique globale de la Révélation. Comme le rappelle le Concile Vatican II : « L'Ecriture Sainte doit être lue et interprétée avec le même Esprit qui l'a fait écrire » (Dei Verbum 48), et il faut « pour découvrir correctement le sens des textes sacrés, ne pas donner une moindre attention au contenu et à l'unité de l'Ecriture tout entière, compte tenu de la Tradition vivante de l'Église tout entière, et de l'analogie de la foi ». « Il appartient aux exégètes de travailler selon ces règles pour comprendre et expliquer plus profondément le sens de l'Ecriture, pour que, par une étude qui l'aurait pour ainsi dire préparé à l'avance, le jugement de l'Eglise puisse mûrir. Car tout ce qui concerne la manière d'interpréter l'Ecriture est soumis en dernier lieu au jugement de l'Eglise, qui s'acquitte de l'ordre et du ministère divin de garder et d'interpréter la parole de Dieu » (Dei Verbum 49). Si on ne se réfère par à l’Eglise que le Christ a institué comme son exécuteur testamentaire, plus rien n’est compréhensible, car les mots sont équivoques et peuvent être interprétés de bien des façons, selon les idéologies.

 

2 – une erreur sur l’importance de l’assistance que promet le Christ à son Eglise : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » dit le Christ à ses Apôtres avant de les quitter (Mt 28,20), et c’est un point capital : le Christ accompagne son Eglise qui ne peut donc pas errer et s’égarer. Comme l’expliquait si bien le Cardinal John Henry Newman, le concept de Révélation suppose nécessairement le concept de Magistère. Sans Magistère actuel et permanent, la Révélation ne peut que rapidement se disloquer et se perdre. Mais Dieu est vivant et il accompagne l’Eglise, comme il accompagnait Israël, et l’Esprit Saint l’assiste et la conduit « à la vérité tout entière » (Jn 16,13). C’est ainsi que se construisent les dogmes, avec l’assistance, l’intervention, les communications et les confirmations du Ciel qui conduisent à l’enrichissement de la Tradition. De même que les prophètes de l’Ancien Testament confirmaient et développaient la Révélation, les Pères, les Saints, les Docteurs, les Mystiques, les Apparitions, les Papes et les Conciles contribuent à conduire à la vérité « tout entière ». Quand Pie IX finit par proclamer le dogme de l’Immaculée conception en 1854, la Vierge apparait, confirme et prolonge à Lourdes en 1858 : « Je suis l’Immaculée Conception » et il en est toujours ainsi. L’Eglise est assistée. L’idée que tout est donné d’un coup et que l’Eglise reste seule après et que son interprétation des choses est manière de voir une parmi d’autres – au même niveau que celle des historiens et des chercheurs de tous poils – est illogique en plus d’être hérétique.

 

 

 

* * *

 

Last but not least : encore une fois, sur le fond, on ne peut rien comprendre au problème du DJA si on ne cherche pas pour quelle raison spirituelle Jean a choisi de se désigner par cette énigme. Il ne peut bien évidemment pas s’agir d’une raison de sécurité, car 100 ans après Jésus cela n’aurait aucun sens et Jean n'est pas homme à se soumettre pas à l’esprit du monde (il critique ceux qui le font ! cf. Jn 12,42) : c’est bien sûr une raison spirituelle[76] et c’est bien évidemment pour faire comprendre que tous les privilèges qu’il a vécus n’étaient pas que pour lui seul mais comme déjà dit pour toute personne[77] qui veut être un « disciple bien aimé » du Christ[78].

 

 

 

Annexe : textes de référence sur les Douze

 

Le Chapitre III de Lumen Gentium (Vatican II) développe « La Constitution hiérarchique de l’Eglise, et en particulier l’épiscopat » avec notamment ce texte sur « L'institution des Douze » (n°19)

 

19. Le Seigneur Jésus, après avoir prié le Père, appela à lui ceux qu'il voulut et en nomma douze qu'il prendrait avec lui et qu'il enverrait prêcher le Royaume de Dieu (cf. Mc 3, 13-19; Mt. 10, 42); et ces Apôtres (cf. Lc 6, 13) il les constitua en collège ou corps stable, à la tête duquel il mit Pierre, choisi parmi eux (cf. Jn 21, 15-17). Il les envoya d'abord aux fils d'Israël et puis à toutes les nations (cf. Rom. I, 16) afin que, revêtus de son autorité, ils fassent de tous les peuples ses disciples, les sanctifient et les gouvernent (cf. Mt. 28, 16-20; Mc 16, 15; Lc 24, 45-48; Jn 20, 21-23), et qu'ainsi ils propagent l'Eglise et, sous la conduite du Seigneur, en soient les ministres et les pasteurs, tous les jours jusqu'à la fin du monde (cf. Mt. 28, 20). Et ils furent pleinement confirmés dans cette mission le jour de la Pentecôte (cf. Act. 2, 1-36) selon la promesse du Seigneur : « Vous recevrez une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, jusqu'aux extrémités de la terre » (Act. 1, 8). Les Apôtres, donc, prêchaient partout l'Evangile (cf. Mc 16, 20), qui fut accueilli par les auditeurs sous la motion du Saint-Esprit, rassemblèrent l'Eglise universelle que le Seigneur avait fondée dans les Apôtres et qu'il avait édifiée sur le bienheureux Pierre, leur chef, Jésus-Christ étant lui-même la suprême pierre angulaire (3) (cf. Apoc. 21, 14; Mt. 16, 18; Eph. 2, 20). 

 

Le Décret Ad Gentes (Vatican II) décrit « L’Église envoyée par le Christ » (n°5)

 

5. Dès le début de son ministère, le Seigneur Jésus « appela à lui ceux qu’il voulut, et en institua douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher » (Mc 3, 13 ; cf. Mt 10, 1-42). Les Apôtres furent ainsi les germes du Nouvel Israël et en même temps l’origine de la hiérarchie sacrée. Puis, une fois qu’il eut par sa mort et sa résurrection accompli en lui-même les mystères de notre salut et de la rénovation de toutes choses, le Seigneur, qui avait reçu tout pouvoir au ciel et sur la terre (cf. Mt 28, 18), fonda son Église comme sacrement du salut, avant d’être enlevé au ciel (cf. Ac 1, 11) ; tout comme il avait été lui-même envoyé par le Père (cf. Jn 20, 21), il envoya ses Apôtres dans le monde entier en leur donnant cet ordre : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 19 s.) ; « Allez par le monde entier proclamer la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné » (Mc 16, 15 s.). C’est de là que découle pour l’Église le devoir de propager la foi et le salut apportés par le Christ, d’une part en vertu du mandat exprès qu’a hérité des Apôtres l’ordre des évêques, assisté par les prêtres en union avec le successeur de Pierre, pasteur suprême de l’Église, et d’autre part en vertu de l’influx vital que le Christ communique à ses membres : le Christ « dont le Corps tout entier reçoit concorde et cohésion, par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même dans la charité » (Ep 4, 16). La mission de l’Église s’accomplit donc par l’opération au moyen de laquelle, obéissant à l’ordre du Christ et mue par la grâce de l’Esprit Saint et la charité, elle devient effectivement présente à tous les hommes et à tous les peuples, pour les amener par l’exemple de sa vie, par la prédication, par les sacrements et les autres moyens de grâce, à la foi, à la liberté, à la paix du Christ, de telle sorte qu’elle leur soit ouverte comme la voie libre et sûre pour participer pleinement au mystère du Christ.

Cette mission continue et déploie au cours de l’histoire la mission du Christ lui-même, qui fut envoyé pour annoncer aux pauvres la bonne nouvelle ; c’est donc par la même voie qu’a suivie le Christ lui-même que, sous la poussée de l’Esprit du Christ, l’Église doit marcher, c’est-à-dire par la voie de la pauvreté, de l’obéissance, du service et de l’immolation de soi jusqu’à la mort, dont il est sorti victorieux par sa résurrection. Car c’est ainsi dans l’espérance qu’ont marché tous les apôtres, qui ont achevé par leurs multiples tribulations et souffrances ce qui manque à la passion du Christ au profit de son Corps, l’Église (cf. Col 1, 24) ; souvent aussi le sang des chrétiens fut une semence.

 

 

 

Le Catéchisme de l’Eglise catholique est aussi très clair sur le rôle des Douze et sa justification :

 

765 Le Seigneur Jésus a doté sa communauté d’une structure qui demeurera jusqu’au plein achèvement du Royaume. Il y a avant tout le choix des Douze avec Pierre comme leur chef (cf. Mc 3, 14-15). Représentant les douze tribus d’Israël (cf. Mt 19, 28 ; Lc 22, 30) ils sont les pierres d’assise de la nouvelle Jérusalem (cf. Ap 21, 12-14). Les Douze (cf. Mc 6, 7) et les autres disciples (cf. Lc 10, 1-2) participent à la mission du Christ, à son pouvoir, mais aussi à son sort (cf. Mt 10, 25 ; Jn 15, 20). Par tous ces actes, le Christ prépare et bâtit son Église.

 

La mission des apôtres

 

858 Jésus est l’Envoyé du Père. Dès le début de son ministère, il « appela à lui ceux qu’il voulut, et il en institua Douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher » (Mc 3, 13-14). Dès lors, ils seront ses « envoyés » (ce que signifie le mot grec apostoloi). En eux continue sa propre mission : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20, 21 ; cf. 13, 20 ; 17, 18). Leur ministère est donc la continuation de sa propre mission : « Qui vous accueille, M’accueille », dit-il aux Douze (Mt 10, 40 ; cf. Lc 10, 16).

 

859 Jésus les unit à sa mission reçue du Père : comme « le Fils ne peut rien faire de Lui-même » (Jn 5, 19. 30), mais reçoit tout du Père qui l’a envoyé, ainsi ceux que Jésus envoie ne peuvent rien faire sans Lui (cf. Jn 15, 5) de qui ils reçoivent le mandat de mission et le pouvoir de l’accomplir. Les apôtres du Christ savent donc qu’ils sont qualifiés par Dieu comme « ministres d’une alliance nouvelle » (2 Co 3, 6), « ministres de Dieu » (2 Co 6, 4), « en ambassade pour le Christ » (2 Co 5, 20), « serviteurs du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu » (1 Co 4, 1).

 

860 Dans la charge des apôtres, il y a un aspect intransmissible : être les témoins choisis de la Résurrection du Seigneur et les fondements de l’Église. Mais il y a aussi un aspect permanent de leur charge. Le Christ leur a promis de rester avec eux jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28, 20). « La mission divine confiée par Jésus aux apôtres est destinée à durer jusqu’à la fin des siècles, étant donné que l’Évangile qu’ils doivent transmettre est pour l’Église principe de toute sa vie, pour toute la durée du temps. C’est pourquoi les apôtres prirent soin d’instituer (...) des successeurs » (LG 20).

 

Les évêques successeurs des apôtres

 

861 « Pour que la mission qui leur avait été confiée pût se continuer après leur mort, les apôtres donnèrent mandat, comme par testament, à leurs coopérateurs immédiats d’achever leur tâche et d’affermir l’œuvre commencée par eux, leur recommandant de prendre garde au troupeau dans lequel l’Esprit Saint les avait institués pour paître l’Église de Dieu. Ils instituèrent donc des hommes de ce genre, et disposèrent par la suite qu’après leur mort d’autres hommes éprouvés recueilleraient leur ministère » (LG 20 ; cf. S. Clément de Rome, Cor. 42 ; 44).

 

862 « De même que la charge confiée personnellement par le Seigneur à Pierre, le premier des apôtres, et destinée à être transmise à ses successeurs, constitue une charge permanente, permanente est également la charge confiée aux apôtres d’être les pasteurs de l’Église, charge dont l’ordre sacré des évêques doit assurer la pérennité ». C’est pourquoi l’Église enseigne que « les évêques, en vertu de l’institution divine, succèdent aux apôtres, comme pasteurs de l’Église, en sorte que, qui les écoute, écoute le Christ, qui les rejette, rejette le Christ et celui qui a envoyé le Christ » (LG 20).

 

865 L’Église est une, sainte, catholique et apostolique dans son identité profonde et ultime, parce que c’est en elle qu’existe déjà et sera accompli à la fin des temps « le Royaume des cieux », « le Règne de Dieu » (cf. Ap 19, 6), advenu dans la Personne du Christ et grandissant mystérieusement au cœur de ceux qui Lui sont incorporés, jusqu’à sa pleine manifestation eschatologique. Alors tous les hommes rachetés par Lui, rendus en lui « saints et immaculés en présence de Dieu dans l’Amour » (cf. Ep 1, 4), seront rassemblés comme l’unique Peuple de Dieu, « l’Épouse de l’Agneau » (Ap 21, 9), « la Cité Sainte descendant du Ciel, de chez Dieu, avec en elle la Gloire de Dieu » (Ap 21, 10-11) ; et « le rempart de la ville repose sur les douze assises portant chacune le nom de l’un des douze apôtres de l’Agneau » (Ap 21, 14).

 

877 De même, il est de la nature sacramentelle du ministère ecclésial qu’il ait un caractère collégial. En effet, dès le début de son ministère, le Seigneur Jésus institua les Douze, « les germes du Nouvel Israël et en même temps l’origine de la hiérarchie sacrée » (AG 5). Choisis ensemble, ils sont aussi envoyés ensemble, et leur unité fraternelle sera au service de la communion fraternelle de tous les fidèles ; elle sera comme un reflet et un témoignage de la communion des personnes divines (cf. Jn 17, 21-23). Pour cela, tout évêque exerce son ministère au sein du collège épiscopal, en communion avec l’évêque de Rome, successeur de S. Pierre et chef du collège ; les prêtres exercent leur ministère au sein du presbyterium du diocèse, sous la direction de leur évêque.

 

Le collège épiscopal et son chef, le Pape

 

880 Le Christ, en instituant les Douze, « leur donna la forme d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux » (LG 19). « De même que S. Pierre et les autres apôtres constituent, de par l’institution du Seigneur, un seul collège apostolique, semblablement le Pontife romain, successeur de Pierre et les évêques, successeurs des apôtres, forment entre eux un tout » (LG 22 ; cf. CIC, can. 330).

 

 

 

 


[1] Comme Jean, nous sommes invités à nous reposer sur le Cœur Sacré de Jésus (Jn 13,25), à prendre Marie pour Mère (Jn 19,25-27), à vivre de foi à partir des signes que Dieu donne (Jn 20,8), à reconnaître le Christ dans le quotidien de nos vies (Jn 21,7) et à demeurer en Dieu en se souvenant de ses merveilles (Jn 21,21-24)

[2] Jean Staune parle de « traditions indépendantes » (p. 53), le DJA et ses successeurs n’ayant « pas à se soumettre à Pierre » - « Selon la volonté même de Jésus » (p. 297), il existe « deux traditions », celle de Pierre et celle du DJA. Et à partir de son analyse de Ga 2,9 et Ga 2,11-14, il ajoute celle de Jacques : « au début, je peux vous le démontrer, il y avait 3 Églises chrétiennes » (cf. 1h09’18). Ce qui suppose un Jésus imprévoyant 

[3] « En ce temps-là, à ce qu’on rapporte, l’apôtre et évangéliste Jean était encore en vie : à cause du témoignage en faveur du Verbe divin, il avait été condamné à habiter l’île de Patmos » (H.E. III, 18, 1). « En ces temps-là, demeurait encore en vie, en Asie, celui qu’aimait Jésus, Jean, à la fois apôtre et évangéliste, qui gouvernait les Églises de ce pays, après être revenu, à la mort de Domitien, de l’île où il avait été exilé » (H.E. III, 23, 1). Et cela est répété, maintes fois. « Et maintenant, indiquons les écrits incontestables de cet apôtre [Jean, dont il vient d’être parlé longuement dans le chapitre précédent]. Et tout d’abord il faut certainement recevoir l’Évangile selon Jean qui est reconnu par toutes les Églises sous le ciel » (H.E. III, 24, 1). « On dit que ce fut pour cela que l’apôtre Jean fut prié de transmettre dans son évangile le temps qui avait été passé sous silence par les évangélistes précédents et les actions faites par le Sauveur durant ce temps, c’est-à-dire avant l’emprisonnement du Baptiste » (H.E. III, 24, 11).

[4] Jean de Zébédée est clairement le plus grand après Pierre, étant appelé à la fois « disciple que Jésus aimait », « apôtre », « évangéliste », auteur de l’Évangile qui est au-dessus des autres, « auteur de l’Apocalypse », « Aigle de Patmos », « fils de Marie », « disciple de Jean-Baptiste », « frère de Jacques », « fils du tonnerre », « fils de Marie Salomé », « compagnon de Pierre », « martyr / témoin », « le théologien », prêtre, inspirateur des contemplatifs, le seul qui révèle que « Dieu est amour », le plus jeune des Douze, le seul à être au pied de la Croix, le seul ne pas mourir de mort violente, « l’Ancien » qui est le dernier apôtre vivant et celui qui clôt la Révélation donc il ne faut pas s’étonner qu’on l’appelle rarement « fils de Zébédée ».

[5] Le footballeur Messi est appelé Leo, la Pulga, le GOAT, le Ballon d’or, le Soulier d’or, l’Argentin, le Champion du monde, le Lutin, le Nain de Rosario, le Roi, the Best, the Beast, etc. … mais rarement le fils de Jorge Horacio.

[6] Carson et Moo par exemple (Introduction au Nouveau Testament, p.118) soutiennent que l’extrait de Papias cité par Eusèbe parle d’1 seul Jean « Si quelque part venait quelqu'un qui avait été dans la compagnie des presbytres, je m'informais des paroles des presbytres : ce qu'ont dit André ou Pierre, ou Philippe, ou Thomas, ou Jacques, ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur ; et ce que disent Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur » (H.E., 111, 39, 3-4). L’argument pour soutenir cette position est que les apôtres sont communément appelés « presbytres » (par exemple 1 P 5,1) et la syntaxe grecque qui favorise l’idée selon laquelle « Aristion et le presbytre Jean » signifie quelque chose comme « Aristion et le presbytre Jean qui vient d’être mentionné ». La distinction que fait Papias serait ainsi simplement une distinction d’époque : « ce qu’ont dit… » (au passé) et « ce que disent… » (au présent).

[7] Il sera établi plus tard que les 3 écrits johanniques (Évangile, Lettres, Apocalypse) sont du même auteur. Ils ont à l’évidence une grande parenté de style, thèmes, vocabulaire. Les expressions « Verbe de Dieu », « Au commencement », « Je Suis », « Garder les commandements », « Femme », le diable, menteur ou homicide « dès l’origine » sont par exemple dans les 3 écrits johanniques et nulle part ailleurs. En 633, le Concile de Tolède clôt le débat : « L’autorité de beaucoup de conciles et les décrets synodiques des saints évêques romains établissent que le livre de l’Apocalypse est de Jean l’Evangéliste et statuent qu’il doit être rangé au nombre des divins Livres. Or, il en est beaucoup qui ne reçoivent pas son autorité et refusent de la proclamer dans l’Église de Dieu. Si quelqu’un désormais ne la reçoit pas et ne la reconnaît pas publiquement dans l’Église au temps des messes entre Pâques et Pentecôte, il sera frappé d’une sentence d’excommunication » (ch 17, Denz 486) 

[8] « L’Église, bien que dispersée dans le monde entier, garde avec soin [la prédication et la foi des apôtres] (…) ; elle y croit d’une manière identique, comme n’ayant qu’une seule âme et qu’un même cœur ; et elle les prêche, les enseigne et les transmet d’une voix unanime, comme ne possédant qu’une seule bouche. Car, si les langues diffèrent à travers le monde, le contenu de la Tradition est un et identique » (AH I,10,2)

[9] « L’enseignement des apôtres est manifeste, ferme, émanant d’hommes qui n’ont rien omis, ni enseigné certaines choses en secret et d’autres au grand jour» (AH III,13,15)

[10] Irénée cite « les Douze » qui sont évidemment les Douze apôtres appelés, choisis, établies et institués par le Christ, mais il parle aussi volontiers de « disciples » et n’écrit jamais « l’apôtre Pierre » ou « l’apôtre Matthieu ». Papias également parle d’André, Pierre, Jean ou Matthieu comme « disciples » et non comme « apôtres ». Dans la suite, la tradition ecclésiastique orale, liturgique et magistérielle identifiera unanimement et naturellement l’Apôtre Jean et « le disciple que Jésus aimait » et personne ne réagira jamais contre cette identification. La question ne faisait pas débat jusqu’à la fin du XIXème siècle et la contestation d’exégètes protestants.

[11] Le verbe « choisir » utilisé pour les Apôtres (Jn 6,70) renvoie au terme utilisé dans l’Ancien Testament pour signifier l’élection du peuple d’Israël (Dt 4,37 ; 7,7 ; 10,15)

[12] Dans l’Ancien Testament, Moïse avait lui aussi fondé et structuré un peuple avec : 1 Grand Prêtre à la tête ; 12 chefs des prêtres pour chaque Beth Din des chefs-lieux des 12 tribus d’Israël, 72 membres dans le Sanhédrin, le Beth Din suprême, puis il y avait des prêtres, des lévites, des docteurs, des scribes, avec des anciens et des prophètes et toute une série de fonctions qui structuraient le peuple de Dieu. Et quand le Christ a fondé le peuple messianique, il a reproduit et perpétué exactement la même structure en l’ouvrant à « toutes les nations », avec : 1 chef, Pierre puis les Papes, 12 Apôtres qui ont donné les évêques, 72 disciples qui étaient leurs disciples et leurs assistants ; puis il y avait aussi au sein de chaque communauté des pasteurs et liturges, des diacres, des docteurs, des enseignants, avec des anciens, des prophètes et toutes sortes de fonctions dans l’Église comme on le voit dans les épîtres de Pierre, Jacques, Jean et Paul, avec Marie et les saintes femmes et tous ses amis et disciples.

[13] L’idée que Jésus est « envoyé par le Père » est omniprésente (40 fois) chez Jean : Jn 3,17 ; 3,34 ; 4,34 ; 5,23 ; 5,24 ; 5,30 ; 5,36 ; 5,37 ; 5,38 ; 6,29 ; 6,38 ; 6,39 ; 6,44 ; 6,57 ; 7,16 ; 7,28 ; 7,29 ; 7,33 ; 8,16 ; 8,18 ; 8,26 ; 8,29 ; 8,42 ; 9,4 ; 10,36 ; 11,42 ; 12,44 ; 12,45 ; 12,49 ; 13,20 ; 14,24 ; 15,21 ; 16,5 ; 17,3 ; 17,8 ; 17,21 ; 17,23 ; 17,25 jusqu’à ces paroles finales : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 17,18 et 20,21)

[14] Comme pour beaucoup d’autres mots (Dieu, foi, anges, fils, martyrs, tribus, …) le mot « apôtre » qui signifie « envoyé » peut être employé dans un sens fort ou dans un sens dérivé, analogique.

[15] « Le soir venu, il était à table avec les Douze. Et tandis qu’ils mangeaient, il leur dit : ‘En vérité je vous le dis, l’un de vous me livrera’. » (Mt 26,20-21). « L’un de vous » ne peut désigner que l’un des Douze, et non pas un éventuel treizième. « C’est l’un des Douze, qui plonge avec moi la main dans le même plat » renchérit Jésus avec emphase dans saint Marc (14,20). « Lorsque l’heure fut venue, il se mit à table et les apôtres avec lui » souligne Luc (22,14). Il ne reste pas de place pour un convive supplémentaire, fût-il l’hôte des lieux.

[16] Comme déjà vu, à l’inverse de Marc ou Luc, Jean affirme qu’il est un témoin direct, un témoin fiable, un témoin oculaire attestant des faits relatés et garant de la tradition dans l’Évangile : « Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez » (Jn 19,35) ou « C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que son témoignage est vrai » (Jn 21,24) de même que dans ses Lettres : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons vue, et nous rendons témoignage : nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous » (1 Jn,1-3). S’il n’était pas un des Douze, il y aurait donc une autre tradition légitime voulue par le Christ, mais cette tradition aurait été écrasée et éliminée par les Douze : un scénario complotiste évidemment complètement invraisemblable.

[17] Les listes de noms des Apôtres, que les Synoptiques et les Actes rapportent très précisément ne sont pas du tout anecdotiques : il apparait en effet de la plus haute importance de préciser nominativement le cercle des disciples que Jésus avait appelés, choisis, établis, institués et envoyés afin de diffuser l’Évangile. C’est sur eux, et eux seuls, que repose la responsabilité de transmettre de façon autorisée l’annonce de la bonne nouvelle. Cette liste répétée d’un bout à l’autre de l’Évangile fournit une critique implicite de tout mouvement chrétien qui voudrait se fonder sur un autre « apôtre » ou « super apôtre » (2 Co 11,5 ; 12,11)

[18] Jean serait-il en contradiction avec lui-même ?

[19] L’Église d’Orient affirme même que le témoignage à deux voix de Pierre et Jean donné dans les Actes se retrouve dans l’Évangile de Marc (scribe de Pierre) et l’Évangile de Jean, notamment dans le récit de vocation du début et dans la Cène, la Passion et la Résurrection qui s’emboitent parfaitement. Ce qui explique très bien par exemple que Jean ne mentionne pas l’institution de l’Eucharistie, etc. Le caractère complémentaire des Synoptiques et de l’Évangile de Jean est en tous cas évident et totalement méconnu par la thèse nouvelle.

[20] En Ga 2,9, Paul mentionne Jacques, Pierre et Jean comme les « colonnes de l’Église », sans ressentir le besoin de les présenter tant cela semble évident et sans possibilité de confusion avec d’autres Apôtres.

[21] Si Jean ne se désigne pas à ce moment comme « le disciple que Jésus aimait » c’est pour la bonne et simple raison qu’il n’invite pas les lecteurs à se mettre à la place du disciple dans cet appel particulier du Christ qui est réservé aux Apôtres. Ce point confirme bien la raison pour laquelle Jean a décidé d’utiliser cette expression.

[22] C’est d’autant moins possible que les commentateurs ont, depuis longtemps, souligné les affinités et liens qui existent entre Jean et certaines données spécifiques de Luc.

[23] L’utilisation large de Jean à partir du IIème siècle atteste de sa réception dans l’ensemble des Églises, sans difficulté, alors que le récit johannique diffère beaucoup des Synoptiques. Pour que l’Évangile de Jean n’eût ainsi fait l’objet d’aucun rejet sérieux, il fallait que dès l’origine la figure du « disciple bien-aimé » correspondît, selon les informations disponibles alors, à un personnage bien identifié et reconnu comme témoin privilégié. Ce qui, pour nous, se présente sous forme d’énigme constituait probablement pour tous une sorte d’évidence. 

[24] Beaucoup considèrent d’ailleurs ce chapitre 21 comme un ajout d’un autre rédacteur à cause du « nous » de Jn 21,24 qui fait suite aux derniers versets du chapitre précédent qui semblent une conclusion (Jn 20,30-31)

[25] Michael J. KRUGER, A Biblical-Theological Introduction to the New Testament. The Gospel realized, É-U, Wheaton, Crossway, 2016, p. 117.

[26] En 1907, la Commission biblique réaffirmait paternité johannique de l’Evangile de Jean pour raisons internes et externes. Question 1 : la tradition constante, universelle et solennelle de l’Eglise, dès le II° siècle, telle qu’elle ressort principalement : a) des témoignages et allusions des saints Pères, des écrivains ecclésiastiques et même des hérétiques, témoignages et allusions qui, ne pouvant dériver que des disciples ou des premiers successeurs des Apôtres, sont en connexion nécessaire avec l'origine même du livre. b) de l'admission en tout temps et en tous lieux du nom de l'auteur du quatrième Évangile dans le canon et les catalogues de livres saints. c) des plus anciens manuscrits de ces mêmes livres et de leurs plus anciennes versions en langues diverses. d) de l'usage liturgique public universellement répandu dès l'origine de l'Eglise. Cette tradition constitue-t-elle, abstraction faite de la preuve théologique, une démonstration historique que l'apôtre Jean, et non un autre, doit être tenu pour l'auteur du quatrième Évangile, démonstration assez solide pour qu'elle ne soit nullement affirmée par les raisons que les critiques allaient également contre ? Réponse : oui. (…) Question 3 : nonobstant la pratique constamment, en vigueur, dès les premiers temps, dans toute l'Eglise, d’arguer du quatrième Évangile comme d'un document proprement historique, néanmoins en raison du caractère particulier de cet Évangile et de l'intention manifeste de l'auteur de mettre en lumière et de défendre la divinité du Christ au moyen des actes mêmes et des discours du seigneur, ne peut-on pas dire que les faits racontés dans le quatrième Évangile ont été inventés, en tout ou partie, en manière d'allégorie ou de symboles doctrinaux, et que les discours du seigneur ne sont pas proprement et véritablement ceux du seigneur lui-même, mais des compositions théologiques de l'écrivain, bien que placé dans la bouche du seigneur ? Réponse : non. Et dans la Décret du Saint Office Lamentabili (1907) sont condamnées les propositions suivantes : n°16 : les récits de Jean ne sont pas à proprement parler de l'histoire, mais une contemplation mystique de l'Évangile ; les discours contenus dans cet Évangile sont des méditations théologiques sur le mystère du salut, dépourvu de vérité historique. (Dnz 3416) - n°18 : Jean réclame pour lui d'avoir été le témoin du Christ : en réalité, il n'est pourtant qu'un admirable témoin de la vie chrétienne de la vie du Christ dans l'église, à la fin du Ier siècle. (Dnz 3418). 

[27] Evidemment pas étrangère au fond de l’Evangile de Jean : « Le Verbe s’est fait chair » (Jn 1,14)

[28] Maria d’Agréda, Anne-Catherine Emmerich, Consuelo et tous ceux qui ont eu des visions de la vie de Jésus, de Marie ou de Jean confirment tous la thèse classique.

[29] Il y a une vingtaine d’apparitions de Jean dans l’histoire de l’Église, presque toujours avec Marie : à saint Grégoire le Thaumaturge, selon saint Grégoire de Nysse, à saint André le fou aux Blachernes, à Flodoard de Reims (v.893-966) sainte Catherine de Sienne, à un jeune cistercien, en Saxe au XII° siècle, au Pape Célestin V (1215-1296), à Gherardesca de Pise (+1269) à sainte Mechthilde (+1299), sainte Gertrude (+ 1307), à qui il confia l'ineffable douceur ressentie à la Cène lorsqu'il reposa sa tête sur le cœur de notre Seigneur, à sainte Angèle de Foligno (+1309), à qui il révèle que sa compassion en face de Jésus et de Marie sur le calvaire fit de lui plus qu'un martyr, à sainte Brigitte de Suède (+ 1373) à qui il affirme qu'il est bien l'auteur de l'Apocalypse, quoi qu'en pensent certains théologiens du XIVe siècle, à sainte Colette (+1447), à saint Jean de Dieu, à Ferdinand du Portugal (1402-1443), à Marie Amice Picard le 19 mai 1634, à Heroldsbach (1949-1952), à Knock en Irlande le 21 août 1879, à Séraphin de Sarov. Jamais bien sûr il n’a été question d’une histoire de « 2 Jean ».

[30] Quatre ans après le dogme de l’Immaculée conception, proclamé à Rome, en 1954, par le Pape Pie IX, la Vierge Marie vient à Lourdes confirmer et développer cette vérité : « Je suis l’Immaculée Conception ». Jésus a promis qu’il serait avec nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20) donc il peut intervenir et aider à corriger les choses si son Eglise s’égare. Mais pour la question de Jean, il ne l’a jamais fait …

[31] En réalité, pas une seule de ces 12 choses « impossibles » n’est impossible, bien au contraire !

[32] Selon les bonnes remarques du Père Alain-Marie de Lassus, csj dans un Hors-série de la Lettre aux amis de Saint Jean, comme Pierre (Mt 14,31 ; Mt 16,21-23 ; Jn 13,6-10) ou Philippe (Jn 12,1-8), Jean est « corrigé à trois reprises » par Jésus (Mc 9,38-40 ; Lc 9,49 ; Mc 9,30-37 ; Lc 9,51-55) avant la dernière semaine et l’apparition de la dénomination DJA à la Cène (Jn 13,23) : « Tout semble donc se passer comme si les corrections de Jean par le Christ l’avaient disposé à entrer dans une intimité exceptionnelle avec Jésus à la Cène et à la Croix. Il est ainsi suggéré que Jean est devenu « disciple bien-aimé » au terme d’un itinéraire de conversion ».

[33] Il est bien conscient qu’il faut « descendre » de Cana à Capharnaüm (500 m) à 1 journée de marche (Jn 4,52)

[34] 56 occurrences, presque toujours négatives comme en Jn 1,19 ; 2,6 ; 5,18 ; 6,41 ; 7,1 ; 8,48 ; 9,22 ; 10,31 ; 11,8 ; 13,33 ; 18,12 ; 18,31-38 ; 19,12-38 ; 20,19

[35] L’expression est utilisée dans la tradition juive pour désigner le disciple d’un maître qui comprend le mieux sa pensée, l’équivalent d’un « fils spirituel », comme l’a bien rappelé Jacqueline Genot-Bismuth dans son livre Un homme nommé Salut. Dans le cas de saint Jean, qui est très jeune et qui ne pouvait pas être Apôtre fondateur d’Eglise ou Missionnaire comme Jacques, Thomas ou Paul, cela correspond aussi certainement à cette vocation spéciale de contemplatif et de « disciple » que Jésus a voulu pour lui en lui donnant Marie pour « Mère ».

[36] Le canon de Muratori le confirme en affirmant Jean mandaté par les apôtres pour écrire « en leur nom » et Marie n’a pas été qu’avec Jean après la Croix car elle a donné son récit des Évangiles de l’enfance à Luc (Lc 1,2).

[37] Jean parle des Douze sans éprouver le besoin de les nommer, parce que c’est évident pour tout le monde d’après les Synoptiques. De même, au début qu’il détaille beaucoup, il ne parle pas du Baptême de Jésus, déjà raconté, et à la fin, il rapporte des moments clés de la dernière Cène mais il ne mentionne pas l’institution de l’Eucharistie déjà décrite par les Synoptiques auxquels il ajoute le texte très explicite de Jean 6, etc. Jean a fait des choix, comme il le dit à la fin de son Évangile : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom » (Jn 20,30-31).

[38] « Dans la personne de Jean, comme l’Église l’a toujours cru, le Christ désigna celle du genre humain, de ceux surtout qui croiraient en lui », disait Léon XIII. Tous les Papes contemporains ont souligné cette idée qu’en Jean tous les disciples bien-aimés du Christ sont représentés : « Le nom du disciple était Jean. C’est précisément lui, Jean, fils de Zébédée, apôtre et évangéliste, qui entendit les paroles du Christ venant du haut de la Croix : "Voici ta mère". Auparavant, le Christ avait dit à sa Mère : "Femme, voici ton Fils". C’était là un testament admirable. En quittant ce monde, le Christ donna à la Mère un homme qui serait pour elle comme un fils : Jean. Il le lui confia. Et par la suite de ce don, de cette remise entre ses mains, Marie devint la mère de Jean. La mère de Dieu est devenue la mère de l’homme. A partir de cette heure-là, Jean la « prit chez lui » et il devint sur terre le gardien de la Mère de son Maître ; c’est en effet pour des enfants un droit et un devoir de prendre soin de leur mère. Mais Jean devient surtout, par la volonté du Christ, le fils de la Mère de Dieu. Et à travers Jean, tout homme devint son fils à elle » (Homélie de Jean-Paul II lors de la messe du 13 mai 1982 à Fatima). 

[39] Voir Dom. Calmet, Dictionnaire de la Bible, au mot moisson. — Bible, Lévitique, XXIII, 10 et 11. — Flavius Josèphe, Antiq., III, c. X, p. 98.

[40] Voir Denis Pétau, Doctrina temporum, t. I, p, 394.

[41] Le mot « Pharisiens » signifie séparation, division, et indique que ce groupe cherchait en effet à se séparer par des observances particulières et une interprétation littérale et absolue de certains textes de la Loi.

[42]. Plusieurs des visions de Maria Valtorta confortent ce scénario : en EMV 25.3, il est dit que les grands-parents de l’apôtre Jean vivent à Jérusalem et qu’il y a dans leur maison « un continuel va-et-vient de pêcheurs de Génésareth ». En EMV 70.4, l’apôtre Jean dit à Jésus : « Moi, je connais Hanne et Caïphe. Ma famille a avec eux des rapports d’affaires et, quand j’étais en Judée, à cause de Jean-Baptiste, je venais aussi au Temple ; ils se montraient gentils avec le fils de Zébédée. Mon père leur réserve toujours le meilleur poisson ; c’est la coutume, sais-tu ? [...] Si tu es d’accord, je parlerai de toi au grand prêtre. » En EMV 566.8, Jacques, fils de Zébédée, le confirme : « Quand nous monterons à Jérusalem, j’enverrai mon frère chez Hanne. Je pourrais y aller, moi aussi, car je connais bien ce vieux renard. Mais Jean sait mieux s’y prendre. Et Hanne l’aimait bien autrefois, quand on écoutait les paroles de ce vieux loup, en le prenant pour un agneau ! J’enverrai Jean. Lui saura supporter même des insultes sans réagir. » En EMV 582.4, Jean dit à Jésus : « Maître, moi aussi je voudrais y aller, car je l’ai promis, moi aussi. J’ai des amis chez Hanne. »

[43] Exactement là où Maria Valtorta la décrivait dans ses visions, longtemps avant la découverte.

[44] L’épisode peut être rapporté par le témoin direct pourquoi pas ? Et dans la logique qui explique le sens de l’expression « disciple que Jésus aimait » par une proposition d’identification faite au lecteur, Jean n’avait aucune raison de se désigner ainsi à ce moment-là qui est anecdotique.

[45] Le monde réel est rempli de gens qui mentent, nous trompent ou se trompent. Il n’est pas raisonnable de vouloir tirer des conclusions absolues et absurdes à partir de textes qui ne sont pas du tout paroles d’Évangile. Le Da Vinci Code adopte cette attitude en se basant sur un texte apocryphe qui, effectivement, existe et selon lequel Jésus embrassait souvent Marie-Madeleine « sur la bouche », mais c’est très fragile et ça ne vaut rien.

[46] Papias est décrit par Eusèbe comme « un tout petit esprit » pour des raisons qu’on ignore, peut-être parce qu’il est millénariste (Eusèbe HE III,39,12-13). Eusèbe rapporte de lui des propos attribués à Jean tout à fait extravagants ; par exemple, le fait qu’il y aura un jour dans l’avenir « une vigne avec 10 000 ceps, branches, bourgeons, grappes, grains » qui permettraient donc de remplir 25 × 1036 cuves de vin (p. 82).

[47] Comme déjà dit, « Le soir venu, il était à table avec les Douze. Et tandis qu’ils mangeaient, il leur dit : ‘En vérité je vous le dis, l’un de vous me livrera’ » (Mt 26,20-21). « L’un de vous » ne peut désigner que l’un des Douze, et non pas un éventuel treizième. « C’est l’un des Douze, qui plonge avec moi la main dans le même plat » renchérit Jésus dans saint Marc (14,20). « Lorsque l’heure fut venue, il se mit à table et les apôtres avec lui » souligne Luc (22,14). Il ne reste pas de place pour un convive supplémentaire, fût-il l’hôte des lieux

[48] L’analyse grammaticale de la phrase de Polycrate confirme cela. Il est dit que Jean « devint prêtre et témoin et docteur », c’est-à-dire qu’il l’est devenu tardivement et qu’il ne l’était donc pas avant. Irénée de Lyon le dit également d’une autre manière : « Prêtres, tous les disciples du Seigneur l’étaient aussi, eux qui n’avaient ici-bas pour héritage ni champs ni maisons, mais vaquaient sans cesse au service de l’autel et de Dieu » (AH, 4,8).

[49] L’unique texte qui évoque une possible rencontre directe de Papias avec Jean le Presbytre est celui déjà cité d’Eusèbe : « Si quelque part venait quelqu'un qui avait été dans la compagnie des presbytres, je m'informais des paroles des presbytres : ce qu'ont dit André ou Pierre, ou Philippe, ou Thomas, ou Jacques, ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur ; et ce que disent Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur » (H.E., 111, 39, 3-4). Or, dans ce texte de Papias, Papias n’est PAS auditeur de Jean le Presbytre, mais il se fait rapporter ses dires par d’autres. Juste après, Eusèbe écrit pourtant que Papias a été lui-même auditeur de Jean le Presbytre : « Il reconnaît avoir reçu les paroles des apôtres par ceux qui les ont fréquentés ; il dit d’autre part avoir été lui-même l’auditeur d’Aristion et de Jean le presbytre : en effet, il les mentionne souvent par leurs noms dans ses écrits pour rapporter leurs traditions. » Mais ce « en effet » (en grec goun, « certes, du moins certes, c’est-à-dire », d’après le Bailly), Colson le traduit plutôt par « du moins », ce qui donne : « Il dit d’autre part avoir été lui-même l’auditeur d’Aristion et de Jean le presbytre : du moins, il les mentionne souvent par leurs noms… » C’est bien plus cohérent grammaticalement : Papias se fait rapporter les paroles de Jean le Presbytre parce qu’il n’est pas un de ses auditeurs directs, mais il a accès à leur tradition. Autrement dit, il n’est pas certain du tout que Papias ait été auditeur direct de Jean le Presbytre. Ce qui confirmerait le jugement d’Eusèbe sur ce point : Irénée se trompe quand il fait de Papias un « auditeur de Jean ». Ou alors on peut prendre l’expression en son sens technique : « qui connaît par cœur l’enseignement d’un Apôtre ». Ceci pour signifier que Jean l’Ancien est fidèle au mode oral d’enseignement de Jean l’apôtre, ce qui permet en l’écoutant de recevoir ses paroles exactes.

[50] Si la thèse des deux tombeaux à Éphèse ne repose sur rien d’autre qu’une rumeur, le « miracle de la manne » sur l’unique tombeau de saint Jean à Éphèse est, en revanche, une antique et forte tradition.

[51] Pour Irénée qui écrit « Jean, le disciple du Seigneur, celui qui a reposé sur sa poitrine, a publié lui aussi l’Evangile, quand il séjournait à Ephèse en Asie » (AH 3.1.1) il n’y a évidemment qu’1 Jean sans ambiguïté.

[52] Contrairement à ce qu’on dit souvent, les chefs des juifs auraient tout à fait pu tuer Jésus légalement, par lapidation ou autre, comme ils ont essayé plusieurs fois de le faire (cf. Jn 8,59 ; 10,31), et comme ils le feront pour Étienne (Ac 7,59). Pourquoi ont-ils alors tant fait pour que Jésus soit mis à mort sur une Croix, d’une manière qui était réservée aux Romains ? Parce que l’Écriture dit que « celui qui meure pendu sur le bois est maudit » (Dt 21,23 ; Ga 3,13). Ils voulaient donc voir si Jésus allait mourir ainsi, maudit de Dieu. Voilà pourquoi ils lui disent : « Descends maintenant de la Croix et nous croirons » (Mt 27,40)

[53] Le Christ a spécialement prié (Jn 17,15) et argumenté pour ça : « Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir » (Jn 18,8) et « Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : "Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés" (Jn 18,9).

[54] Qui a prouvé que le nom de Zébédée faisait partie d’autres listes de noms de prêtres du Temple. 

[55] Pierre est toujours en tête de toutes les listes apostoliques, il parle du début à la fin au nom des Apôtres, etc.

[56] L’hypothèse d’un martyre de Jean de Zébédée en 41 avec son frère Jacques apparait dans quelques sources tardives peu fiables comme les Évangiles apocryphes ou les martyrologes syriaques, arméniens ou éthiopiens qui, très souvent, disent vraiment n’importe quoi (ceux qui les ont lus quelque peu savent de quoi on parle !) ... La raison de ces traditions erronées et isolées est certainement à chercher dans une extrapolation de la parole du Christ adressée aux deux frères : « ma coupe vous y boirez » (Mt 20,23 ; Mc 10,39) mais cela n’a aucun poids.

[57] Ratzinger, Benoît XVI, L'enfance de Jésus, Paris, Flammarion, 2012, p. 95-96

[58] Le mot revient plus de 100 fois dans l’ouvrage, et 1000 autres termes catégoriques, mais y a-t-il une seule chose certaine dans tout ce qui est évoqué ? Si oui, on serait heureux de la connaître !

[59] Comment tenir cette thèse ? Soit le prêtre Jean doit se cacher de tous mais il va quand même à la pêche avec les Douze : incohérent. Soit c'était en fait une réunion prévue… mais alors où sont les autres ? Et pourquoi sont-ils surpris par l'arrivée de Jésus ? Vraiment, c'est aller contre le sens obvie du texte sans aucune raison.

[60] Là aussi, il est évident que les récits de vocations dans les synoptiques et chez Jean doivent être lus comme les récits complémentaires d'une vocation progressive des disciples de Jean-Baptiste. Pour preuve, la présence d'André, qui est bien appelé dans les deux contextes !

[61] Comme Zacharie était prêtre à temps partiel selon le système des « tours de garde » (cf. Genot-Bismuth). C’est la thèse d’Henri Cazelles, qui en soi n’est pas impossible, d’autant que le nom de « Zébédée » figure explicitement en Es 10,20 et dans les listes de prêtres du Temple, comme il l’a découvert. Mais quand Irénée attribue une figure (homme, lion, taureau, aigle) à chacun des évangélistes, auquel attribue-t-il le taureau en vertu de son aspect sacerdotal ? À Luc ! et non pas à Jean (auquel il attribue le lion, étonnamment). Si Jean avait été vraiment un prêtre de l’ancienne Loi, cela se serait su et Luc aurait sans doute écrit différemment …

[62] Jacques d’Alphée (de Aleph, le n°1 maire) ou de Cleophas (l’épicier) est celui que le Nouveau Testament appelle « Jacques le Mineur », « frère de Jésus », membre des Douze, pris dans la 2e fournée après les 6 premiers (Pierre et son frère André, Jacques et son frère Jean, Philippe et Nathanaël). Le fait que l’Évangile dise à un moment « ses frères ne croyaient pas en lui » (Jn 7, 5) ne doit pas être pris de manière pharisienne, littérale et absolue. Car si l’on raisonne ainsi sur les phrases de l’Évangile qui est écrit dans un monde sémitique et araméen, on n’y comprend plus rien. Parmi 1 000 exemples, Jésus reproche souvent aux pharisiens de considérer l’interdit de travailler le jour du Shabbat de manière absolue et littérale. Il dit à un autre moment : « N’appelez personne "père" sur la terre » (Mt 23,8) mais il ne faut pas non plus le prendre de manière pharisienne. Ou encore : « À celui qui n’a pas, on retirera même ce qu’il a » (Mt 13, 12). Or, littéralement c’est impossible car, s’il « n’a pas », que pourrait-on donc lui retirer ? Etc. La manière sémitique de parler doit être justement interprétée. Et en plus, si son « frère » Jacques ne croyait vraiment pas en Jésus, on ne peut comprendre son rôle à Jérusalem ensuite. Enfin, Jacques est appelé « frère de Jésus » comme Jean « disciple » car ce sont leurs plus grands titres de gloire.

[63] L’Église d’Orient affirme que « Barthelemy » n’est pas un nom mais un surnom signifiant « fils de la jarre » en araméen, ce qui signifie probablement qu’il était un notable lettré avec l’équivalent d’une bibliothèque.

[64] Si JFZ n’est pas le DJA, il faut croire que la Révélation est close après la mort des Douze, sans eux, en leur absence, par la publication de l’Évangile, les lettres de Jean et de l’Apocalypse de la main d’un autre disciple qui finalise le dossier seul sans les Douze en rajoutant des choses énormes (1 Évangile, 3 Lettres, 1 Apocalypse) !

[65] « … tandis que son frère Jean aurait quitté ce monde sans martyre, même s’il eut à subir beaucoup de souffrances et d’exils, mais le Christ jugea que sa volonté était prête au martyre… et comme il était toujours prêt à mourir pour l’Évangile, il pût témoigner qu’il mourrait chaque jour. On peut lire qu’il fût immergé dans un chaudron d’huile bouillante pour le nom de Jésus. » 

[66] Dialogue avec Tryphon, 81,4, PG 6, 669a et Brepols, 'Bibliothèque Migne', 1994, p. 230 

[67] Le martyre de Jean à Rome dans l’huile bouillante n’est pas une légende : il est rapporté par sept Pères de l’Église différents (Polycarpe, Tertullien, Ambroise, Jérôme, Augustin, Bède, Polycrate) et en bien d’autres textes (Abidias, Actes de Jean par Prochore, Mirabilia Urbis Romae, etc.) – cf. <link questions-de-foi fiabilite-et-conservation-des-evangiles jean-rassemble-pour-les-disciples-les-plus-avances-les-paroles-de-revelation-particulieres-du-christ le-martyre-de-jean-a-rome>l’article complet de Marie de Nazareth.

[68] Maria Valtorta est une mystique qui a écrit 15.000 pages, sans ratures, sur l’Évangile. Elle a été analysée et reconnue comme la plus grande mystique catholique de tous les temps par 3 sommités (Roschini, Laurentin, Allegra); elle est morte en odeur de sainteté et l’évêque du lieu vient célébrer l’anniversaire de sa mort tous les ans dans la Basilique de Florence où son corps a été transférée (cf. la vidéo de Marie de Nazareth à propos de sa crédibilité). Son point de vue mériterait d’être pris en compte, au moins comme une hypothèse. Mais Jean Staune, qui ne l’a pas lue, prétend régler son cas avec 3 arguments très faibles : c’est « une fausse mystique ».

[69] Les complots existent, bien évidemment, lorsqu’il y a de grands conflits d’intérêts dans des affaires dont les protagonistes sont des hommes sans scrupules (cf. LSDJ 1750 par exemple), mais ici ce n’est pas du tout le cas, c’est pourquoi on est tout à fait en droit de décrire l’hypothèse comme « complotiste ». La démarche se double par ailleurs d’un vice logique relevant du raisonnement circulaire : ceux qui nient qu’il y ait un complot, c’est justement parce qu’ils sont impliqués dans le complot. C’est ainsi que toutes les affirmations de la Tradition chrétienne attribuant le quatrième évangile au fils de Zébédée sont disqualifiées par principe…

[70] Comme déjà vu, la thèse farfelue suppose que le DJA a été éliminé de l’histoire par les Douze : il n’est pas dans la liste des saints, il n’y a pas de fête à son nom, rien non plus dans la Tradition sur les « 2 Jean » : « règle du silence » (p.136), « vérité cachée » (p .138) qu’on « fait disparaître » (p.148), « occultations » (p.143), apôtre « escamoté » et « supprimé » (p.150), « œil mauvais » (p.158) à son propos. C’est un complot.

[71] Le Christ, tout au long de sa vie et de ses enseignements, s’est continuellement adressé aux petits et aux humbles et il nous a constamment appelé à vivre en frères, à rechercher l’unité, à unir tous les hommes et femmes à Lui comme Lui au Père… Comment pourrait-il parler et agir dans une logique allant à l'opposé de l’unité, vers la division, dans une segmentation des hommes et des femmes selon leur niveau d’intelligence, de culture, dans une dualité qu’il n’a cessé de démonter et combattre… C’est totalement absurde, et hérétique !

[72] Les Actes de Jean et l’Epitre des Apôtres, qui sont tous deux du IIème siècle, confirment explicitement eux aussi l’identification entre l’Apôtre Jean, fils de Zébédée et l’évangéliste, « disciple que jésus aimait ».

[73] Dans la tradition juive, le lac de Kinnereth (Harpe) est le lieu parfait pour l’étude de Dieu

[74] « S'il admet des vérités de foi, c'est autrement que par la foi. Comme si quelqu'un garde en son esprit une conclusion sans connaître le moyen qui sert à la démontrer, il est clair qu'il n'en a pas la science, mais seulement une opinion. En revanche, il est clair aussi que celui qui adhère à l'enseignement de l'Église comme à une règle infaillible donne son assentiment à tout ce que l'Église enseigne. Autrement, s'il admet ce qu'il veut de ce que l'Église enseigne et n'admet pas ce qu'il ne veut pas admettre, à partir de ce moment-là il n'adhère plus à l'enseignement de l'Église comme à une règle infaillible, mais à sa propre volonté ». « L'hérétique, lui, admet des points de foi par sa propre volonté et par son propre jugement ».

[75] Jean-Christian Petitfils précède (dans son livre « Jésus ») et suit Jean Staune (dans sa préface parlant d’une étude « à la fois novatrice et méthodique, lumineuse et magistrale » p.15) dans le soutien de la thèse nouvelle à laquelle il adhère lui aussi, sans aller toujours aussi loin que Jean Staune « sur l’ésotérisme ou le gnosticisme ».

[76] Athënagoras, Patriarche œcuménique de Constantinople disait : « Jean est à l'origine de notre plus haute spiritualité. Comme lui, les "silencieux" connaissent ce mystérieux échange de cœurs, invoquent la présence de Jean et leur cœur s'enflamme » (Olivier Clément, Dialogues avec Athenagoras, Turin 1972, p. 159). De même Benoit XVI « Que le Seigneur nous aide à nous mettre à l’école de Jean pour apprendre la grande leçon de l’amour de manière à nous sentir aimés par le Christ "jusqu’au bout" et à donner notre vie pour lui » (Audience générale, Jean, le fils de Zébédée, 5 juillet 2006)

[77] « L'homme présent au pied de la Croix est Jean, « le disciple qu'il aimait ». Et pourtant, il ne s'agit pas que de lui seul. Selon la Tradition, … l'Eglise symbolisée et représentée par Jean. (…) non seulement de Jean, qui se trouvait à cette heure sous la Croix …, mais aussi tout disciple du Christ, tout chrétien. » Jean-Paul II, Lettre Encyclique Redemptoris Mater (1987), n°23, 24 et 45.

[78] On l’a noté, Jean nous invite à nous reposer sur le Cœur Sacré de Jésus (Jn 13,25), à prendre Marie pour Mère (Jn 19,25-27), à vivre de foi à partir des signes que Dieu donne (Jn 20,8), à reconnaître le Christ dans le quotidien de nos vies (Jn 21,7) et à demeurer en Dieu en se souvenant de ses merveilles (Jn 21,21-24)