J.Duquesne : une méthode critique scientifique ?

Jacques Duquesne : une méthode scientifique ?

Jacques Duquesnes est un journaliste. Il est président du directoire du magazine français "l'Express". Fin décembre 2004, la radio française "Europe 1" a diffusé une émission sur son livre intitulé "Marie", livre qui critique et dénonce la foi catholique concernant la Mère de Dieu, en s'attaquant principalement au dogme de la virginité perpétuelle de Marie.

Sous l'alibi des "péricopes" :

Jacques Duquesne prétend fonder sa dénonciation sur une méthode critique scientifique. Or, voici un exemple qui dit tout sur son livre ainsi que sur la méthode critique réelle utilisée par l'auteur :

- une auditrice demande: "Comment se fait-il, si Jésus avait des frères, que Marie ait été confiée au pied de la croix à un ami (Jean) et non à ses frères comme Jacques?"

- Réponse: "Les meilleurs exégètes de l'Evangéliste Jean comme Xavier Léon-Dufour pensent que ce texte est symbolique et a été rajouté" [1].

Voici l'exemple de la "scientificité" de beaucoup de ces immenses sommes critiques écrites depuis 50 ans : - On élabore sa petite thèse (Marie avait de enfants, Jésus est marié à Marie-Madeleine, Jésus a des relations homosexuelles avec le disciple qu'il aimait etc.) - On déclare ajouté tardivement les "péricopes" (mot charmant) qui contredisent sa thèse. Quelle scientificité admirable... et qui en dit long sur certaines dérives actuelles de la recherche théologique…

Alors selon quels critères ?

Quant aux critères "scientifiques", beaucoup en ont de curieux (et dont on ne voit pas en quoi ils seraient "scientifiques") pour éliminer ce qui est, selon eux, non historique :

1° Exemple d'un critère rationaliste athée (donc lié à une approche extra-scientifique) : "Jésus marche sur les eaux" : il est impossible de marcher sur les eaux, "DONC" cette péricope est inventée... Voilà qui est pratique : avec un tel critère, il ne reste plus de la vie de Jésus que ses enseignements.

2° Exemple d'un critère pseudo-sociologique : "Les paroles de Jésus, ayant été écrites 20 ou 30 ans après sa mort, ne sont pas ce qu'il a dit mais ce que l'Eglise primitive aurait aimé qu'il dise..." : "DONC" aucune parole n'est authentique mais "reconstruite"... Evidemment, avec un tel critère, il ne reste plus des que les signes de ponctuation.

3° Exemple d'un critère pseudo-littéraire : A Strasbourg, un certain exégète avait écrit un gros livre sur les Epîtres de saint Pierre. Sa thèse consistait à dire que "les épîtres de saint Pierre ne sont pas de saint Pierre": Argumentation : "Le grec de ces épîtres est trop "pur" pour être le fait d'un marin pécheur de Galilée..."

Je ne suis pas exégète mais je lui avais donc objecté ce que dit saint Pierre lui-même (dans 1 Pierre 5, 12) : "Je vous écris ces quelques mots par Sylvain, que je tiens pour un frère fidèle, pour vous exhorter et attester que telle est la vraie grâce de Dieu: tenez-vous-y.".. Sylvain est un nom grec. La conclusion qui s'impose donc en toute bonne foi est en réalité celle-ci: "Saint Pierre a un secrétaire qui met son texte en bon grec. Donc votre argument ne porte pas." Pour avoir mon diplôme en fin de cycle, à cause de cette remarque, j'ai du, 3 ans après, en examen oral, faire allégeance à la thèse de ce curieux exégète...

Résultat... :

avec de tels critères, ce sont les auteurs des textes évangéliques eux-mêmes qui apparaissent comme... non authentiques ! Que reste-t-il donc des vérités évangéliques et bibliques selon de tels exégètes ? Une seule chose, selon eux, demeurerait vraie au plan historique : le fait qu'il y avait des disciples d'un certain Jésus (probablement un mythe Osirien) au II° siècle…

Bref, pour revenir à J. Duquesnes qui vulgarise les écrits de ces chercheurs sur Marie, s'il avait fait une approche strictement critique et rationnelle, voici les conclusions qu'il aurait dû tirer des écrits analysés : "Si l'on prend la lettre des textes évangéliques, selon des critères d'analyse littéraire, on peut interpréter la personne de Marie de deux manières, plus une... :

1° un sens dur : à la manière de certains Pères de l'Eglise, comme une femme très humaine, attentive aux honneurs, que Jésus doit rudement reprendre souvent, qui peut-être a eu d'autres enfants, mais qui à la croix est là, fidèle à son fils. Elle est "la mère juive typique". Exemple: "Qui est ma mère? Celui qui fait la volonté de mon Père" : interprétation dure : "Donc pas toi, femme vaniteuse."

2° un sens positif : à la manière de la plupart des Pères, comme le sommet de ce qu'a produit Israël, et la rudesse de Jésus à l'égard de sa Mère est comme les plus grands honneurs à sa fonction de "femme" - femme qui fait toujours la volonté de Dieu. Exemple : "Qui est ma mère? Celui qui fait la volonté de mon Père" : interprétation positive : "Donc toi, femme."

3° selon un autre critère, celui de la foi de l'Eglise (la foi ayant comme appui, pour celui qui croit dans le Dieu d'Abraham -soient Chrétiens, Juifs et Musulmans [2]-, Dieu lui-même qui s'exprime sur le véritable coeur de Marie et non sur la seule analyse littéraire), il y a sous ces textes rares et rudes un secret de Dieu : Marie est son Jardin scellé, le Temple Immaculé de sa Présence, et l'Esprit Saint n'en a révélé le cœur qu'après son Assomption de la terre...

Présentée comme cela, je n'aurais eu aucune critique à formuler sur la méthode d'"éxégèse historico-critique" de l'auteur.


Arnaud Dumouch

[1] NDLR : Le père Xavier-Léon Dufour, à ce qu'il semble, ne reconnaît pas avoir nié le caractère réel de la présence de Marie au pied de la Croix.

[2] Le mode de fonctionnement de la foi musulmane est certes le même que celui des Chrétiens et des Juifs : la foi est une vertu théologale (selon la définition de st Thomas, IIa IIae Q.1 a.1) en ce sens que celui qui a la foi croit "en la parole de Dieu (objet matériel de sa foi) à cause de l'autorité de Dieu qui, pour le croyant, ne ment pas (raison formelle de la foi)".

Il existe cependant une nuance de taille entre Musulmans et Chrétiens à propos du canal de la foi : les Musulmans croient que Dieu s'est fait "Livre" (le Coran, dont Mahomet serait l'auteur prophètique) ; nous Chrétiens, nous croyons que Dieu s'est fait "Homme".

Quant à la foi des Musulmans sur Marie, ils croient comme les Chrétiens que Marie est Immaculée dès le commencement et qu'elle est demeurée toujours vierge... Comme disait donc le Recteur de la mosquée de Paris : "Jacques Duquesne devra convaincre, en plus des Catholiques et des Orthodoxes, 1 milliard de Musulmans..."