Le corps mystique n’est pas un corps moral (Pie XII)

Le corps mystique n’est pas un corps moral

Introduction / Résumé :

Dans un corps moral, l'unité vient d'un but commun, un effort convergent. Par exemple des gens, rassemblés par Charles Maurras (†1952), avaient pour but la grandeur de la France, et s'étaient positionnés pour l'Eglise et le Vatican, mais selon une vision purement humaine : une vision de l'Eglise qui n'implique pas la foi.

La lettre encyclique « Mistici Corporis » de Pie XII, en 1943, insiste au contraire sur la différence entre l'Eglise et un simple corps moral : l'Eglise est animée par l'Esprit du Christ, son unité n'est pas un simple effort moral mais un don transcendant. La vie dans l'Eglise (corps mystique) anime donc la vie des chrétiens dans le corps social.

« Mistici Corporis » explique aussi que l'Eglise n'est pas une réalité simplement invisible (cf. Luther), elle a des éléments juridiques mais ces éléments extérieurs sont inséparables du souffle divin qui l'anime.

F. Breynaert

Extrait de "Mistici Corporis"

« Si nous comparons le Corps mystique avec ce qu'on appelle corps moral, il faut alors remarquer que la différence est grande, et même d'importance et de gravité extrêmes.

Dans le corps moral en effet, il n'y a pas d'autre principe d'unité que la fin commune et, au moyen de l'autorité sociale, la commune poursuite de cette même fin; dans le Corps mystique dont Nous parlons, au contraire, à cette commune poursuite s'ajoute un autre principe intérieur qui, existant vraiment dans tout l'organisme aussi bien que dans chacune des parties, et y exerçant son activité, est d'une telle excellence que, par lui-même, il l'emporte sans aucune mesure sur tous les liens d'unité qui font la cohésion d'un corps physique ou social.

Ce principe, Nous l'avons dit, n'est pas de l'ordre naturel, mais surnaturel; bien mieux, c'est en lui-même quelque chose d'absolument infini et incréé, à savoir l'Esprit de Dieu qui, selon saint Thomas, "un et unique, remplit toute l'Eglise et en fait l'unité".

En conséquence, la signification exacte de ce mot nous rappelle que l'Eglise, qui doit être regardée comme une société parfaite en son genre, n'est pas seulement composée d'éléments et de principes sociaux et juridiques. Elle surpasse, et de beaucoup, toutes les autres communautés humaines ; elle leur est supérieure autant que la grâce surpasse la nature, et que les réalités immortelles l'emportent sur toutes les réalités périssables.

Les communautés de cette sorte, surtout la société civile, ne doivent pas être méprisées, certes, ni traitées comme des choses de peu de valeur; cependant l'Eglise ne se trouve pas tout entière dans des réalités de cet ordre, pas plus que l'homme ne consiste tout entier dans l'organisme de notre corps mortel.

Ces éléments juridiques, il est vrai, sur lesquels l'Eglise, elle aussi, s'appuie et qui la composent, proviennent de la constitution divine donnée par le Christ et servent à atteindre la fin surnaturelle; néanmoins ce qui élève la société chrétienne à un degré qui dépasse absolument tout l'ordre de la nature, c'est l'Esprit de notre Rédempteur qui, comme source des grâces, des dons et de tous les charismes, remplit à jamais et intimement l'Eglise et y exerce son activité.

L'organisme de notre corps est, assurément, une oeuvre merveilleuse du Créateur; mais combien est-il dépassé par la haute dignité de notre âme! De même la structure sociale de la communauté chrétienne, qui proclame d'ailleurs la sagesse de son divin Architecte, est cependant d'un ordre tout à fait inférieur, dès qu'on la compare aux dons spirituels dont elle est ornée et dont elle vit, et à leur source divine. »

Pie XII, Lettre encyclique Mystici Corporis, 1943.