L'Annonciation selon Joseph Ratzinger (2002)

L'Annonciation (J. Ratzinger)

Le récit de l’Annonciation est la source de très nombreuses méditations. Le cardinal Ratzinger, allant droit à l’essentiel, ouvre la voie aux principaux approfondissements que le lecteur trouvera par ailleurs à sa disposition.

Le lieu

Tout d’abord, la détermination de lieu que Luc indique sciemment en vis-à-vis de l’histoire antérieure de Jean le Baptiste est importante.

D’une part, l’annonce de la naissance de Jean-Baptiste a lieu au Temple ; elle est faite à un prêtre en fonction conformément à l’ordonnance officielle prescrire par la Loi légiférant sur son culte, son lieu et ses représentants.

D’autre part, l’annonce faite à Marie s’adresse à une femme en un lieu insignifiant de la Galilée semi-païenne que ni Flavius Josèphe ni le Talmud ne citent. Tout cela était inhabituel pour la sensibilité judaïque. Dieu se révèle où et à qui II veut.

Un chemin nouveau commence au centre duquel ne se dresse plus le temple, mais la simplicité de Jésus-Christ. Il est le vrai temple, la tente de la rencontre.

La salutation à Marie

La salutation à Marie (Lc 1, 28-32) est formulée en étroite relation avec Sophonie 3,14- 17 : Marie à qui est adressée l’exclamation « Réjouis-toi » est celle qui est interpellée là-bas fille de Sion. Il est dit d’elle que le Seigneur vient à elle, elle à qui la crainte est enlevée parce que le Seigneur est en elle pour la sauver.

Marie est effrayée de ce message (Lc 1, 29). « Son effroi ne provient pas d’une incompréhension ou d’une quelconque anxiété pusillanime que l’on aimerait parfois lui attribuer. Il provient du choc que produit toute rencontre avec Dieu, de cette joie incommensurable capable d’ébranler les cœurs les plus endurcis.»

Selon la présentation de Luc apparaît dans le message de l’ange le thème porteur de la figure de Marie : elle est en personne la vraie Sion vers qui se sont orientées les espérances au milieu de toutes les dévastations de l’histoire. Elle est le véritable Israël en qui ancienne et nouvelle Alliance, Israël et l’Église, sont "un", sans séparation. Elle est « le peuple de Dieu » qui porte du fruit par la puissance gracieuse de Dieu.

Une conception mystérieuse

Nous devons enfin prêter encore attention à l’affirmation par la quelle le mystère de la nouvelle conception et de la naissance est évoqué : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. »

La première image fait allusion au récit de la Création (Gn 1, 2) et caractérise l’événement comme une création nouvelle : le Dieu dont l’Esprit planait sur les abîmes appela du néant l’être ; Lui l’Esprit créateur est le fondement de tout ce qui est ; ce Dieu inaugure ici une création nouvelle à partir de l’ancienne et en elle. Ainsi est caractérisée très fermement la coupure radicale que signifie la venue du Christ : sa nouveauté est telle qu’elle atteint jusqu’au fond de l’être ; elle n’est telle que parce qu’elle ne peut venir que de la puissance créatrice de Dieu lui-même et de nulle part ailleurs.

La deuxième image - « la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre » - appartient à la théologie du culte d’Israël ; elle renvoie à la nuée qui recouvre de son ombre le Temple et indique ainsi la présence de Dieu. Marie apparaît comme la tente , sur qui la présence cachée de Dieu devient efficace.


J. Ratzinger (Pape Benoit XVI)

Extraits de La fille de Sion,
édition Parole et Silence 2002, p.56.57