L'Annonciation selon saint Jean-Paul II (1920-2005)

L’Annonciation : Révélation divine et dignité de Marie (Jean Paul II)

Le 25 mars 1987, dans sa lettre encyclique Redemptoris Mater, Jean Paul II introduit le thème de la foi de Marie par une série de points d'interrogation (RM 5) qui s'éclairent ensuite, comme nous allons le lire (cf. RM 13. 20).

Jean Paul II reprend à son compte l'accent que le concile Vatican II a placé sur l'anthropologie de Marie - le concile ne dit pas la Vierge, mais « Marie », elle a un prénom, elle est une personne, elle a une liberté, et le Père veut son consentement :

« Annoncée à Marie par l'ange, la parole du Dieu vivant la concernait elle-même: "Voici que tu concevras en ton sein et enfanteras un fils" (Lc 1, 31).

En accueillant cette annonce, Marie allait devenir la "Mère du Seigneur" et le mystère divin de l'Incarnation s'accomplirait en elle: "Le Père des miséricordes a voulu que l'Incarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée"[1].

Et Marie donne ce consentement après avoir entendu toutes les paroles du messager. [...]

Par la foi, elle s'est remise à Dieu sans réserve et "elle se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l'œuvre de son Fils" [2]. Et ce Fils, comme l'enseignent les Pères, elle l'a conçu en son esprit avant de le concevoir en son sein, précisément par la foi! [3] »[4]

Le pèlerinage de la foi de est tout à fait unique car aucun disciple n'a eu de révélation comparable à celle qu'a reçu Marie par les paroles du messager.

Il ne faut pas conclure que Marie a tout su d'avance et n'a pas eu de pèlerinage de la foi. Jean Paul II montre bien le « pèlerinage de la foi de Marie » dans la découverte de la mission du Fils et du rôle que Marie allait jouer aux côtés de son Fils :

« Si, par la foi, Marie est devenue la mère du Fils qui lui a été donné par le Père avec la puissance de l'Esprit Saint, gardant l'intégrité de sa virginité, dans la même foi elle a découvert et accueilli l'autre dimension de la maternité, révélée par Jésus au cours de sa mission messianique.

On peut dire que cette dimension de la maternité appartenait à Marie dès le commencement, c'est-à-dire dès le moment de la conception et de la naissance de son Fils.

Dès lors, elle était "celle qui a cru".

Mais à mesure que se clarifiait à ses yeux et en son esprit la mission de son Fils, elle-même, comme Mère, s'ouvrait toujours plus à cette "nouveauté" de la maternité qui devait constituer son rôle aux côtés de son Fils. » [5]

Le 15 août 1988, dans sa Lettre apostolique sur la dignité de la femme, Jean Paul II insiste encore davantage sur l'unicité du parcours de Marie.

Il commence par se référer au concile Vatican II (DV §2) pour rappeler que la révélation comporte un caractère salvifique ; par la révélation, les hommes sont rendus participants de la nature divine (cf. Ep 2, 18; 2 P 1, 4).

Dans la continuité avec les pères de l'Eglise tels que Grégoire le thaumaturge, il affirme que la révélation de la Trinité a déjà donnée à Marie lors de l'Annonciation. Cette révélation permet à Marie d'atteindre une union à Dieu inégalée, par la force de l'Esprit Saint. Elle manifeste en même la dignité de la femme et l'authenticité de sa liberté.

« La révélation que Dieu fait de lui-même, à savoir l'unité insondable de la Trinité, est contenue pour l'essentiel dans l'Annonciation de Nazareth. "Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut" - "Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme?" - "L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre; c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu ... Car rien n'est impossible à Dieu" (Lc 1, 31-37). [...]

Marie atteint ainsi une telle union à Dieu qu'elle dépasse toutes les attentes de l'esprit humain. Elle dépasse même les attentes de tout Israël et, en particulier, des filles de ce peuple élu, qui, en vertu de la promesse, pouvaient espérer que l'une d'entre elles deviendrait un jour la mère du Messie. Qui parmi elles, toutefois, pouvait supposer que le Messie promis serait le "Fils du Très-Haut"? A partir de la foi monothéiste au temps de l'Ancien Testament, c'était difficilement envisageable. Ce n'est que par la force de l'Esprit Saint "venu sur elle" que Marie pouvait accepter ce qui est "impossible aux hommes mais possible à Dieu" (cf. Mc 10, 27).

4. Ainsi la "plénitude du temps» manifeste la dignité extraordinaire de la femme". [...]

Marie exprime sa libre volonté, et donc l'entière participation du «moi» personnel et féminin à l'événement de l'Incarnation Par son «fiat», Marie devient le sujet authentique de l'union à Dieu qui s'est réalisée dans le mystère de l'Incarnation du Verbe consubstantiel au Père. Toute l'action de Dieu dans l'histoire des hommes respecte toujours la libre volonté du «moi» humain. Il en est de même dans l'Annonciation de Nazareth. »[6]


[1] Vatican II, Lumen gentium 56

[2] Vatican II, Lumen gentium 56

[3] Vatican II, Lumen gentium 53 - Saint Augustin, De sancta virginitate III, 3 etc.

[4] Jean Paul II, Lettre encyclique "Redemptoris mater" sur la Mère du Rédempteur §13

[5] Jean Paul II, "Redemptoris mater" §20

[6] Jean Paul II, Lettre apostolique "Mulieris dignitatem", sur la dignité et la vocation de la femme, § 3-4

Synthèse Françoise Breynaert