Marie, Fille de Sion par excellence (Ecriture)

Marie, Fille de Sion par excellence

Quand Dieu s'est donné, il s'est donné toujours donné en plénitude. Le problème, c'est la réception de l'humanité. Et pour cela, Dieu en quelque sorte s'adapte et patiente jusqu'à ce que l'humanité soit préparée à Le recevoir. C'est alors la plénitude, "l'eschatologie".

Le thème de la "fille de Sion" est celle qui accueille, elle est le fil conducteur de cette histoire .

La "fille de Sion" est d'abord une pluralité

Au temps du prophète Michée, après la chute de Samarie, la fille de Sion évoque les réfugiés du royaume du Nord, venus à Jérusalem, sur le mont du temple. Ces croyants ont souffert mais ils apportent leur forte tradition prophétique et une grande espérance qui leur donne comme une maternité spirituelle: la « fille de Sion » engendrera un roi et un peuple (Mi 4,1 et 4,9).

Après l’exil à Babylone, le peuple reviendra d’exil pauvre, reconnaissant son Dieu comme seul Roi et Sauveur, et refusant les alliances et les sécurités en contraste avec sa loi. La « fille de Sion » sera ce petit reste humilié et confiant en YHWH, fidèle et purifié par l’épreuve (Sophonie 3,12-13).

Le Temple de Jérusalem sera reconstruit dans l'allégresse indicible des rapatriés, signe sensible que YHWH revient habiter « dans le sein » de son peuple (Dt 7,21; Is 12,6) et tous les peuples s’y rassembleront. Cette allégresse concerne non seulement le peuple mais aussi sa terre, tout le cosmos (Joël 2, 21-23).

Le temps venu, la « fille de Sion » enfantera le roi messianique (Zacharie 9,9).

Marie, fille de Sion

Certains refusent de voir en Marie la Fille de Sion car ce serait s’écarter de l’usage des prophètes pour qui la Fille de Sionsigne une pluralité.

Cette objection est levée par la notion de personnalité corporative, dans laquelle un individu incarne son peuple.[1]

Ce titre a été mis en évidence la première fois par le père Lyonnet (1939) et successivement repris par les protestants Sahlin, 1949 et Hebert (1950). Le concile Vatican II a officiellement défini la Vierge comme« la fille de Sion par excellence » (Lumen Gentium 55).

Voici comment on met évidence que Marie apparaît comme étant la Fille de Sion en plusieurs passages du Nouveau Testament :

Le récit de l’Annonciation (Lc 26-38)

L’ange salue la Vierge Marie par ces mots : « Réjouis-toi » (Lc 1, 28 - en grec, « Khairé ») et l’impératif grec « Khairé » ne se retrouve qu’en Lamentation 4,21 ; Joël 2,21 ; Zacharie 9,9 ; Sophonie 3,14, or ces trois derniers passages s’adressent à la « fille de Sion » pour l’inviter à se réjouir de ce que le Seigneur est avec elle.

De plus, au lieu de dire "sein maternel" (en grec : Koilia) l'évangéliste dit "entrailles", ou "ventre" (en grec: gaster) c'est une allusion à la fille de Sion qui reçoit ses fils dans les remparts de la ville. [2]

En donnant son Fiat : "Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole!" (Lc 1, 38) Marie fait une offrande intégrale de sa personne à Dieu, elle est « pauvre de YHWH » et Dieu l’a remplie de Lui-même.

Les expressions des prophètes Sophonie, Joël et Zacharie « ne crains pas », « YHWH est au milieu de toi », comme « roi » et « sauveur » ont leur parallèle dans l'évangile de saint Luc : l'ange dit à Marie "ne crains pas (Lc 1, 30, cf. So 3, 16), il lui dit que Jésus "il règnera" (Lc 1, 33, cf . So 3, 15) et dit aux bergers que Jésus est le "Sauveur" (Lc 2, 11, cf. So 3, 17) [3].

Dans la Vierge de Nazareth culmine la préparation que Dieu a opérée depuis des siècles pour disposer Israël à accueillir son Fils.

Accomplissant la perspective du prophète Zacharie, Marie est la mère du roi messianique, elle donne naissance à l’ère messianique et met fin à l’Ancien Testament [4].

La joie de Marie et sa fidélité correspondent à celles de la Fille de Sion à la fin des temps.

Jean Paul II ouvre aussi la perspective universelle :

"La Vierge accueille le message au nom du peuple de David, mais nous pouvons dire qu'elle l'accueille au nom de toute l'humanité, parce que l'Ancien Testament étendait à toutes les nations le role du Messie davidique (Ps 2, 8 ; Ps 71 [72], 8). [...] Marie est la Vierge de l'Alliance, cette Alliance que Dieu établie avec toute l'humanité."

(Jean Paul II, audience du 1° mai 1996)

Dans le Magnificat :

Marie parle de ce que le Seigneur a fait pour elle en pensant à ce que le Seigneur a fait pour Israël : autrement dit, elle s’identifie à la « fille de Sion » [5].

Dans le récit de la Nativité :

Marie est comme la « fille de Sion » enfantant dans la pauvreté, loin de sa maison (Mi 4,8-10), et qui pourtant suscite par là grande joie dans le monde (Mi 5,1-4)[6], et dans le monde entier (Lc 2,1).

Au calvaire :

« La femme, sur le point d'accoucher, s'attriste parce que son heure est venue; mais lorsqu'elle a donné le jour à l'enfant, elle ne se souvient plus des douleurs, dans la joie qu'un homme soit venu au monde. » (Jn 16,21)

Ce verset évoque Marie : il a en commun avec la scène au pied de la croix les mots « femme » et « heure ». Ce verset peut ainsi constituer des Adieux du Christ à Marie, que Jésus appelle « femme » (Jn 19, 26-27) pour la préparer à un enfantement spirituel à l'heure de la passion (Jn 13, 1).

Ce verset évoque aussi la « fille de Sion » :

« Peut-on mettre au monde un pays en un jour? Enfante-t-on une nation en une fois? A peine était-elle en travail que Sion a enfanté ses fils. [...] Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez en elle, vous tous qui l'aimez, soyez avec elle dans l'allégresse, vous tous qui avez pris le deuil sur elle  » (Isaïe 66,8 et 10)

Ainsi, dans le mystère pascal, quand elle devient la mère du disciple, (Jn 19, 26-27), Marie évoque la Fille de Sion qui, après les douleurs de l’enfantement, porte le peuple à la joie. [7]

Chez saint Paul et dans l’Apocalypse :

- Saint Paul, dans un même coup d’œil, envisage en fonction de la « femme » l’enfantement du Christ (Ga 4,6) et l’enfantement par Sion des chrétiens (Ga 4,26).[8]

- Le chapitre 12 de l’Apocalypse embrasse aussi d’un même coup d’œil l’enfantement du Christ par la femme (Ap 12, 2) et celui d’un peuple (Ap 12,17). Dans les deux cas, l’enfantement du peuple est douloureux et advient dans la persécution.

Ces deux textes évoquent le mystère de la « fille de Sion » qui enfante à la fois un roi et un peuple libéré (Mi 4,1 et 4,9).


[1 ] Cf. H. WHEELER ROBINSON, dans John Mc HUGH, La mère de Jésus dans le Nouveau Testament, Cerf, Paris, 1977, p. 96

[2 ] R. LAURENTIN, Singularité significative des textes sur la virginité de Marie et leur omniprésence dans le nouveau testament, pp 35-51 dans les Actes du congrès d’Issoudun 1997 sur la virginité de Marie, Bulletin de la société française d’études mariales, Médiaspaul, 1998, p. 42.

[3 ] John Mc HUGH, La mère de Jésus dans le Nouveau Testament, Cerf, Paris, 1977, p. 82-97

[4 ] Mc HUGH, Ibid., p. 197

[5 ] Mc HUGH, Ibid., p. 122

[6 ] Mc HUGH, Ibid., p. 132.

[7 ] R.E. BROWN, The Gospel according to John, tome 29A, New York, 1970, p. 925

[8 ] H. CAZELLES, Fille de Sion et théologie mariale dans la Bible, Etudes mariales (mélange), mariologie et œcuménisme. Lethielleux, Paris, 1964., pp 51-70. Cf. en particulier p. 69.


En plus de la bibliographie donnée en notes, on pourra lire :

-Cazelles : La fonction maternelle de Sion et de Marie, in Maria in S. Scriptura, vol VI, Romae 1967, p. 165-178

-Feuillet A., La Vierge Marie dans le Nouveau Testament, dans Maria, Ed. H. du Manoir, tome VI, Paris 1961, pp. 15-69

-LYONNET St., Khàire, kecharitoménê, in Biblica, 20 (1939), p.131-141.

-RIESTRA J.A., Marià Hija de Siòn, in Scripta teologica 32 (2000), pp.181-197

-SERRA A., Madre Sion e Figlia di Sion : riletture mariane, greco-latine, del Salmo 87 (86),5 e Zaccaria 2,14 ;9,9 ; Sofonia 3,14 (secoli III-XVIII). Ed.Marianum, Roma 2001.

-SERRA A., Esulta, Figlia di Sion ! Principali riletture di Za 2,14-15 e 9,9 a-c nel giudaismo antico e nel Cristianesimo del I-II secolo, in Marianum 45 (1983), pp.9-54


Synthèse F. Breynaert