Einsiedeln : Notre Dame des ermites

Einsiedeln, Notre Dame des ermites

Einsiedeln est le premier sanctuaire catholique suisse, situé à environ 40 km de Zurich.

Son rayonnement est international (Alsace Lorraine, Allemagne, Etats Unis, Japon…)

Malgré l'afflux continu de pèlerins et de touristes à l'intérieur de l'église baroque, un silence profond règne autour de la Chapelle des Grâces. On peut y découvrir la vertu de la solitude, oublier le tumulte et les passions de la vie, et communiquer avec Dieu par Marie.

Le soir, le Salve Regina, chanté en polyphonie par les religieux, fascine et émeut les visiteurs.

Pourquoi « Notre Dame des ermites » ? [1]

Meinrad, commença vers 828 sa vie d’ermite. Il plaça dans sa chapelle une petite statue de Marie. Il est assassiné sur place le 21 janvier 861. Sa chapelle fut restaurée en l’an 947. Bennon et Eberhard, d’abord ermites, rassemblèrent ensuite les ermites des environs, et fondèrent un couvent bénédictin, la chapelle du couvent est consacrée le 14 septembre 948, par Conrad, évêque de Constance, et Ulric, évêque d’Augsbourg.

La consécration angélique de la chapelle [2]

Vers minuit, pendant l’office de nuit, « Conrad, évêque de Constance, entend tout à coup des voix harmonieuses remplissant la nef […] Il leva les yeux et aperçut un chœur d’anges [...]. Jésus-Christ [...], revêtu d’ornements violets, célébrait à l’autel l’office dédicatoire. Autour de lui on voyait saint Pierre, saint Grégoire, saint Augustin, saint Etienne et saint Laurent. En face de l’autel, sur un trône éclatant de lumière, était assise l’auguste Reine du Ciel. […] on entendit résonner sous la voûte une voix mystérieuse [...] : “Cessez, mon frère, cessez : la chapelle a été consacrée divinement.” »

Pourquoi un sanctuaire marial ? [1]

Les bénédictins célébraient quatre fêtes de Marie :

  • sa nativité (8 septembre),

  • sa purification (2 février),

  • l’Annonciation (25 mars),

  • l’Assomption (15 août).

  • Et ils célébraient l’office et la messe en l’honneur de Marie le samedi. Rappelons brièvement deux des significations du samedi marial : en Shabbat Dieu se repose en Marie ; le samedi fait passer de la tristesse de la croix (le vendredi) à la joie de la résurrection (le dimanche).

A partir de 1356, les bénédictins célébraient tous les jours une messe mariale et sonnaient la cloche de Marie à l’heure de l’Angelus pour inviter les fidèles à réciter l’Ave Maria.

Selon la mentalité de cette époque, il n’était pas rare que des princes ordonnent à leurs sujets de faire une procession ou un pèlerinage afin de demander la grâce de la paix ou de la protection de la peste. Des documents appelés « proclamation » sont conservés dans le monastère d'Einsiedeln.

La statue de la Vierge est une "vierge noire", noircie par la fumée des cierges.

Comment le sanctuaire a-t-il traversé l’époque de la réforme ?

Le nombre de pèlerins venus d’Europe occidentale et centrale atteignit un sommet le 14 septembre 1466, pour célébrer la consécration de la chapelle en l’an 948. Il y eut 130 mille pèlerins. [1]

En 1516, Zwingli a été attaché au sanctuaire d’Einsiedeln. Sa réputation lui valut de devenir un prédicateur à la plus importante église de Zurich, et dès 1522, il s’en prend au jeûne, aux dîmes, au célibat des prêtres, il épouse en secret une veuve et passe à la réforme. [4]

Mais Zwingli a une perception très aiguë de la fragilité humaine et il enseigne la prédestination. Il milite pour la suppression des images, la sécularisation des couvents, le remplacement de la messe par un culte quatre fois par an où l’eucharistie ne représente le Christ que de manière symbolique.

Bien différente est la vision catholique : en Marie, les faiblesses humaines ne sont pas effrayantes. L’homme se sait imparfait mais il va à Dieu en Marie. Et dès lors que le Christ a assumé notre matière, les artistes, bien conscients de leurs limites, osent représenter le Sauveur et sa mère.

Zwingli garde à Marie une place que le protestantisme ultérieur oubliera. Il maintient à Zurich la fête de l’Assomption, de l’Annonciation, de la Chandeleur, les sonneries de l’Angelus, la partie biblique de l’Ave Maria (comme salutation, non comme intercession). Il accorde beaucoup d’importance à la virginité de Marie, surtout à sa virginité perpétuelle. A cette virginité perpétuelle se rattache tout le mystère de l’incarnation. Il souhaite que la piété mariale ramène l’Eglise à sa tâche caritative et sociale, que Marie n’éloigne pas les croyants de la misère sociale vécue par des filles et des femmes que la beauté ou la pauvreté ont mises en danger. » [5]

On peut encore préciser que Marie est pour Zwingli « maison de Dieu », « chambre du saint Esprit », « Theotokos », « Dei genetrix », « Mater Christi », celle « qui accouche notre salut », mais toutes ces expressions n’ont qu’un sens historique, sans ce rôle coopérateur que comprennent les catholiques.[5]

Selon la mentalité de ce temps là, les conversions à la réforme ont lieu de façon généralement collective, par villes entières. Zwingli meurt en 1531, et Luther, qui ne l’appréciait pas, y voit un châtiment : « J’étais prophète quand je disais que Dieu ne souffrirait pas les blasphèmes impies dont il était rempli » ! [4]

Einsiedeln, par son grand poids culturel, résista au protestantisme.

Dans la tourmente de la révolution française

Mais en l’an 1798, les troupes révolutionnaires françaises, sur l’ordre du directoire, démolirent la chapelle de Notre Dame.

Les moines reconstruisent la chapelle et replacent la statue miraculeuse qui date du XV°, une vierge avec l’enfant qui bénit de la main droite et tient un oiseau de la main gauche. [3]

Les visites du futur Pie XII

A trois reprises, le futur Pontife Pie XII est venu célébrer la messe dans la Chapelle. Ceux qui ont été les heureux témoins de sa ferveur eucharistique et mariale en gardent un inoubliable souvenir.

« Nous n'aurons compris la vraie dévotion à la Vierge Marie que du jour où nous demanderons à sa tendresse, non pas les satisfactions temporelles, non pas même les douceurs de la consolation et de la paix sensible, mais la grâce des grâces qui est, au jour le jour, de disposer notre âme dans la pureté, dans l'abnégation, dans la pratique généreuse de toutes les vertus, à marcher vaillamment, la croix sur les épaules, à la suite de Jésus, à marcher vers la mort amoureusement acceptée et, par la mort, vers la bienheureuse et éternelle vie. »

(Pie XII. 17 octobre 1937)

La visite de Jean Paul II en 1984

Jean Paul II, Chapelle des Grâces de l'abbaye bénédictine d'Einsiedeln

Vendredi, le 15 juin 1984

Prière à Notre Dame :

1. Nous te saluons comme un jour Elisabeth te salua: "bénie es-tu entre toutes les femmes, et bénie est le fruit de tes entrailles… Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur" (Lc 1, 42).

Nous te saluons, Fille bien aimée du Père, Mère du Fils de Dieu, sanctuaire de l'Esprit Saint. Tu as trouvé grâce près de Dieu. L'Esprit Saint est descendu sur toi, sur toi la puissance du Très-haut il a étendu son ombre (cf. Lc 1, 30. 35). Tu es la "femme" qui a engendré (Gal 4, 4) celui que Dieu a désigné comme "l’aîné" de beaucoup de frères (Rm 8, 29) dont tu fais proche par ton amour maternel.

Nous te saluons sublime fille de Sion. Tu as parcouru le "chemin de la foi" (Lumen Gentium, 58), jusque sous la croix de ton Fils. Et s'est ainsi accomplie la volonté de salut de Sion à laquelle as donné ton assentiment de tout ton cœur. Comme mère, tu as souffert avec ton Fils, quand une fois pour toutes, il s'est offert pour nous au Père (cf. He 7, 27).

Nous te saluons Mère de notre Seigneur Jésus Christ. Quand Jésus sur la croix te vit, il te dit en regardant Jean : "Femme, voici ton fils!" (Jn 19, 26). Avec les apôtres, avec les femmes et les frères réunis en prière tu as invoqué pour l'Église les cadeaux de l'Esprit Saint. Cet Esprit a donné aux apôtres et à tous les messagers de la foi la force d'acquitter le mandat qui leur avait confié: "Allez et enseignez toutes les nations" (Mt 28, 19).

[…]

Nous te prions, Mère de notre Sauveur intercède pour nous auprès de ton Fils dans la splendeur des cieux. [6]

Fête

La fête de la « consécration angélique » (Engelweihe) est célébrée le 14 septembre à Einsiedeln, premier pèlerinage suisse.


[1] [Lien perdu]

et Attilio GALLI, Madre della Chiesa nei cinque continenti, edizioni Segno, 1996, p. 353-357

[2] Patrick SBALCHIERO article « EINSIEDELN », dans : René LAURENTIN et Patrick SBALCHIERO, Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge. Inventaire des origines à nos jours. Méthodologie, prosopopée, approche interdisciplinaire, Fayard, Paris 2007.

[3] [Lien perdu].

[4] Paul CHRISTOPHE, l’Eglise dans l’histoire des hommes, tome 2, éditions Droguet-Ardent, Limoges 1985, p. 78-79.

[5] GROUPE DES DOMBES, Marie, tome I, Bayard, Paris 1997, § 62.63.64, p. 42-43.

[6] JEAN-PAUL II, Chapelle des Grâces de l'abbaye bénédictine d'Einsiedeln, Vendredi, le 15 juin 1984 www.vatican.va/content/vatican.html

Autre bibliographie :

J. LADAME, Notre-Dame de Toute l’Europe, Montsûrs, Résiac, 1982, 41-47 ; PB, t. I, 1880, 524-525. GAMBA Marino, Apparizioni mariane nel corso di due millenni, Udine, Segno, 1999, p.268.

Synthèse Françoise Breynaert