Notre Dame lui apparaît

Notre Dame apparaît à Alphonse Ratisbonne

- Alphonse Ratisbonne : " J’ai vécu jusque vers l’âge de quatorze à quinze ans dans la religion hébraïque, qui m’avait été enseignée, et à dater de cet âge jusqu’à vingt-trois ans environ j’ai vécu sans aucune religion, même sans croire en Dieu, tout en suivant les sentiments de la morale naturelle et spécialement de bienfaisance et de compassion que je ressentais en moi-même. (…)

Au milieu de la nuit du 19 au 20 janvier 1842, à Rome...

Au milieu de la nuit du 19 au 20 janvier 1842, à Rome… je me réveillai en sursaut : je voyais fixe devant moi une grande croix noire d’une forme particulière et sans Christ. Je fis des efforts pour chasser cette image mais je ne pouvais l’éviter, et je la retrouvais toujours devant moi, de quelque côté que je me tournasse. Je ne pourrais dire combien de temps dura cette lutte. Je me rendormis ; et le lendemain, à mon réveil, je n’y pensais plus… "

- Père de Villefort : "Il me dit qu’il se trouvait fort agité et n’avait pu dormir de toute la nuit, mais sans m’en dire la cause ; il ajouta que s’il pouvait se convaincre que la situation actuelle de sa nation ne fût qu’une épreuve à laquelle il plaît à Dieu de la soumettre pour distinguer ceux qui lui sont fidèles, il se ferait catholique ; mais que cela lui semblait fort douteux et qu’il croirait manquer de courage en n’acceptant pas cette épreuve ; ici, il s’écria en appuyant sa tête contre le mur : « je me sens fort agité. »

- Théodore de Bussière : "De mon côté j’attendais M. Ratisbonne. Il allait être une heure, je me décidai à le trouver chez lui, je sortis et je le rencontrais dans la rue des Condotti. « Je vous cherchais, lui dis-je, pour vous proposer une promenade mais nous voici près d’une église où il me faut dire quelques mots ; je comptais m’y rendre plus tard, puisque nous y sommes, entrons-y, vous m’attendrez quelques minutes, ce ne sera pas long. » Il y consentit. Lorsqu’en ouvrant la porte, il aperçut les préparatifs (pour la cérémonie des funérailles qui aurait lieu le soir) il me demanda pour qui c’était : c’est, répondis-je, pour un homme qui vient de mourir et que j’aimais extrêmement.

Il tira de son cou la Médaille miraculeuse, la baisa et la rebaisa

Alors il se mit à se promener froidement dans la nef. Je suis monté à la tribune pour prendre quelques arrangements, je redescendis. Je le vois à genoux, la tête appuyée sur la balustrade de la chapelle de St Michel Archange et de St Raphaël, dans l’attitude d’un profond recueillement. (La chapelle est dédiée à l’ange gardien, et le petit tableau représente Raphaël conduisant Tobie… et Ratisbonne s’appelle Tobie de son nom hébraïque.) M’approchant de lui, je le secouai à diverses reprises sans qu’il changea de position ; enfin relevant le visage inondé de larmes il me dit : « Oh comme ce monsieur a prié pour moi ! ».

Puis dans la voiture où il continuait de prier abondamment disant d’une voix entrecoupée : « Combien je suis heureux ! Quelle abondance de grâces et de bonheur pour moi ! Et combien sont malheureux ceux qui ne savent pas. » … il tira de son cou la Médaille miraculeuse, la baisa et la rebaisa… Mais non je suis dans mon bon sens, mon Dieu, mon Dieu, je ne suis pas fou, tout le monde sait que je ne suis pas fou ! ». Lorsqu’il eut repris son calme il me serra dans ses bras en disant : « Conduisez-moi à un confesseur. Quand pourrai-je recevoir le baptême sans lequel je ne puis plus vivre ? Qu’ils furent heureux ces martyrs que j’ai vus sur les murs de St Etienne le rond ! ». Je lui demandais ce qu’il avait vu, et il me déclara ne pouvoir s’expliquer sur ce point sinon à un prêtre et à genoux. Je le conduisis au Gesu et fis appeler le père Villefort."

Pleine de majesté et de douceur, la Vierge Marie, telle qu’elle est sur ma médaille m’a fait signe de la main de m’agenouiller...

- Père Villefort : "Il me dit : « J’étais depuis un instant dans l’Eglise lorsque tout d’un coup, je me suis senti saisi d’un trouble inexprimable ; j’ai levé les yeux, tout l’édifice avait disparu à mes regards. Une seule chapelle avait pour ainsi dire concentré la lumière, et au milieu de ce rayonnement parut, debout, sur l’autel, grande brillante, pleine de majesté et de douceur, la Vierge Marie, telle qu’elle est sur ma médaille [1] ; elle m’a fait signe de la main de m’agenouiller, une force irrésistible m’a poussé vers elle ; la Vierge a semblé me dire : c’est bien ! Elle ne m’a point parlé, mais j’ai tout compris ».

(Extrait du récit )

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[1] Il s’agit d’une « médaille miraculeuse de la rue du Bac », offerte par Théodore de Bussière