Marie Mère de Dieu (Theotokos). Mosaïque du XIIès, Torcello. Mosaïstes byzantins, Public domain, via Wikimedia Commons.
Il aura fallu à l’Église plusieurs siècles pour proclamer le mystère de la Maternité divine de Marie. La reconnaissance de cette Maternité divine est le premier et le fondement des quatre vérités dogmatiques mariales. Ce dogme s’est élaboré parallèlement à celui de l’Incarnation, dogme chrétien selon lequel le Verbe divin s'est fait chair en Jésus-Christ.
Le 1er janvier, soit huit jours après la fête de la Nativité de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, l’Église catholique fête Marie Mère de Dieu, Sa Mère, celle qui Lui a donné son être humain, son corps. Ce don de Marie a été réalisé conjointement avec l’Esprit Saint, qui est venu, comme le dit le Catéchisme de l’Église catholique, « sanctifier le sein de la Vierge Marie et la féconder divinement, Lui qui est le Seigneur qui donne la vie, en faisant qu’elle conçoive le Fils éternel du Père dans une humanité tirée de la sienne » (CEC, 485)) et avec la Trinité Sainte qui a formé son âme pour l’unir à ce corps, pris de la Vierge Marie. La conception de Jésus a eu lieu lors de l’Annonciation. C’est la raison pour laquelle on ne peut parler de la Maternité divine de Marie sans évoquer l’Incarnation de Jésus Christ, acte de la miséricorde divine.
Orazio Gentileschi. L'Annonciation v.1600. Peinture sur albâtre, coll. Alana. Annonciation trinitaire, avec la présence de Dieu le Père, du Fils portant sa croix et de l’Esprit Saint, sous la forme d’une colombe, représentant à la fois l’Annonciation et l’Incarnation du Christ.
La maternité divine de Marie débute lors de l’Annonciation. Comme le dit le Credo de Nicée Constantinople, « Par l'Esprit Saint, il [Jésus-Christ] a pris chair de la Vierge Marie, et s'est fait homme ». Marie est donc vraiment "Mère de Dieu", « puisqu'elle est la mère du Fils éternel de Dieu fait homme, qui est Dieu lui-même », comme l’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique (CEC509). Ce grand mystère de l’Incarnation du Christ s’est accompli dans un ineffable dialogue, que nous rapporte l’évangile de Luc : l’évangile de l’Annonciation. En outre, st Paul, dans la Lettre aux Galates, fait référence au mystère de la Maternité divine de Marie : « Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils né d’une femme, né sujet de la Loi » (Ga 4, 4). En peu de mots, il proclame ainsi le mystère de l’Incarnation du Verbe éternel et la divine maternité de la Vierge Marie, que l'on peut nommer Mère de Dieu. En outre, lors de la Visitation, Élisabeth, remplie de l’Esprit Saint, s’exclame : « D’où me vient-il que la Mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1,43).
Le dogme de la Maternité divine de Marie est le premier, la racine des quatre vérités dogmatiques mariales, avec la Virginité perpétuelle de Marie , la sainteté de Marie Immaculée et l’Assomption de Marie. Les deux premiers dogmes marials sont communs aux différentes confessions chrétiennes.
Le dogme de la Maternité divine de Marie s’est élaboré au fil du temps et a ainsi développé la place de Marie Mère de Dieu dans l’histoire du salut.
Il a été proclamé au Concile d’Éphèse (431), au cours duquel la Vierge fut appelée Theotokos, Mère de Dieu. Avant ce titre marial, les Pères avaient cependant longuement réfléchi à cette maternité, et combattu certaines hérésies concernant le Christ.
C’est en effet parce que le Christ a été reconnu dans sa double nature, à la fois divine et humaine, que l’on a pu donner à Marie le titre de Mère de Dieu. Elle n’est pas Mère de la divinité, c’est-à-dire de la nature divine, elle est Mère de Celui qui est Dieu. Ce dogme marial est donc intimement lié à celui de l’Incarnation du Fils de Dieu.
Avant le Concile de Nicée de 325, certains Pères de l’Église ont lutté pour défendre l’humanité du Christ contre le docétisme, hérésie des premiers siècles de l'Église, qui niait la réalité de l'Incarnation et n'attribuait à Jésus-Christ qu'une apparence humaine : déjà, au IIIès, la Tradition apostolique, document liturgique romain de l'an 215 environ, attribué à Hippolyte de Rome, fait mention de la Vierge Mère du Christ, Verbe de Dieu, Sauveur de l'homme . En outre, saint Ignace d’Antioche, mais aussi st Justin, st Irénée, Origène et Tertullien se sont penchés sur le mystère de la maternité de Marie.
L'empereur Constantin (au centre), avec les évêques du concile de Nicée (325), tenant anachroniquement le texte du « symbole de Nicée-Constantinople » dans sa forme liturgique grecque fondée sur le texte adopté au premier concile de Constantinople (381 apr. J.-C.). home.scarlet.be, home.scarlet.be, Public domain, via Wikimedia Commons.
Le concile de Nicée, premier des conciles œcuméniques, qui s’est tenu en 325, sous l’égide de l’empereur Constantin 1er, a eu pour objectif de résoudre les problèmes dogmatiques liés à l’hérésie de l’arianisme. Le concile affirma en effet, contre Arius et ses zélateurs, la consubstantialité du Fils avec le Père, c’est-à-dire l’unité et l’identité de substance ou de nature entre les personnes de la Trinité. Cette affirmation permit une profonde compréhension de la Maternité divine et élabora à cet effet le symbole de foi que nous appelons symbole de Nicée. St Athanase y prit part, et lutta contre la crise arienne.
Le premier concile de Constantinople, second concile œcuménique après celui de Nicée, fut convoqué en 381 par l’empereur Théodose, pour régler les deux grands problèmes dogmatiques qui infiltraient les églises grecques à la fin du IVe siècle : la question de la divinité du l'Esprit Saint et de son origine. Il établit à cet effet un symbole de foi désigné sous le nom de symbole ou Credo de Nicée-Constantinople, qui complète le symbole de foi proclamé à Nicée, en reconnaissant la pleine divinité de l’Esprit Saint, justifiant qu’il reçoive même honneur et même gloire que le Père et le Fils, et son origine : il procède du Père (et les latins ont ajouté : et du Fils). La formule mariale adoptée pour le symbole de la foi permit également d’exprimer solennellement la fonction maternelle de la Vierge Marie dans l’Incarnation du Fils de Dieu en tant que tel.
Le concile d’Éphèse (431).Mosaïque de Notre-Dame de Fourvières, Lyon. Au centre Saint Cyrille montre l'enfant et Marie, proclamant la maternité divine de la Vierge. Philippe Alès, CC BY-SA 3.0
Il a fallu attendre le concile d’Éphèse pour que l’expression Marie Mère de Dieu (Theotokos) soit adoptée, désignant la Vierge Marie dans sa Maternité divine. Nestorius, Patriarche de Constantinople, refusait que Marie puisse être appelée Theotokos, et acceptait seulement le titre de Christotokos, Mère du Christ. Il appuyait ce refus sur l’idée que Marie n’avait pas engendré la divinité, mais seulement l’humanité de Jésus. Sa thèse fut rejetée parce que cela divisait le Christ en deux natures, sans principe d’unité : ce qui fait l’unité des deux natures, dans le Christ, c’est sa Personne divine, la Personne du Fils, du Verbe de Dieu. Il unit en lui les deux natures et Marie est incontestablement la Mère de Celui qui unit en lui les deux natures. Il faudra attendre le Concile de Chalcédoine (451) pour mieux définir encore cette coexistence des deux natures dans le Christ et parvenir à une christologie équilibrée. Cette reconnaissance eut des conséquences immenses, tant pour la reconnaissance de la double nature du Christ que pour la représentation de la Vierge Marie dans l’art (la basilique de Sainte-Marie-Majeure de Rome, qui fut l'une des premières églises construites en l'honneur de la Vierge Marie, fut érigée au lendemain du concile d'Éphèse, pour commémorer et magnifier cette décision).
En résumé, il y eut sept conciles œcuméniques, au cours desquels la Maternité divine de Marie fut évoquée et servit de garantie pour définir et préserver l’identité du Christ.
Au fil des siècles, en dehors des conciles, de grands saints et théologiens orientaux et occidentaux ont apporté leur point de vue sur la maternité divine de Marie : on peut citer par exemple st Jean Damascène, au VIIIès, st Maxime le Confesseur, st Proclus, patriarche de Constantinople , le théologien anglais Alcuin , st Bernard de Clairvaux, docteur marial du XIIès, st Thomas d’Aquin au XIIIès, st Antoine de Padoue, Théophane de Nicée, auteur d'un Discours sur la Mère de Dieu au XIVès, st Louis-Marie Grignion de Montfort. En outre, lors des apparitions de Kibeho, en 1981, la Vierge Marie s’est révélée comme « Nyina wa Jambo », c'est-à-dire Mère du Verbe, ce qui est synonyme de « Umubyeyi w'Imana » c'est-à-dire Mère de Dieu, comme elle l'a elle-même indiqué.
Le concile Vatican II. Photo de Lothar Wolleh, CC BY-SA 3.0
Enfin, le concile Vatican II, réuni en 1962, a ajouté d’autres éléments très importants sur la Maternité divine de Marie : c’est dans la constitution dogmatique Lumen Gentium, au chapitre VIII, que le concile Vatican II a déployé toute la richesse théologique de la Maternité divine. Son titre est « Marie, la Vierge, la Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église».
Cette Maternité de Marie se déploie également envers les hommes : La Vierge Marie est ainsi Mère des hommes, mission qu’Elle a reçue à l’Annonciation et au Calvaire. L’appellation « Mère des hommes » dérive du titre « Marie Nouvelle Ève », connu depuis les premiers siècles de l'Église.
Vitrail de la Belle Verrière, cathédrale de Chartres, XIIès. Vassil, Public domain, via Wikimedia Commons.
On célèbre la fête liturgique de la Mère de Dieu en Orient comme en Occident. Le 1er janvier, c’est la Solennité catholique de sainte Marie Mère de Dieu, fête qui a remplacé l’ancienne fête de la circoncision de Jésus. L’Église catholique célèbre également en ce jour la Journée mondiale de la paix, journée de prière instituée par le pape Paul VI en 1968 (Vatican II, la paix). Le lien entre la Vierge Marie et la paix est ainsi mis en valeur. L’Église byzantine, elle, célèbre la Mère de Dieu le lendemain de Noël, le 26 décembre.
Il est d'ailleurs possible de prier Marie Reine de la Paix, sous la forme d'une neuvaine, accessible sous forme de livret ou en ligne.
Icône orthodoxe de la Prière du Theotokos, devant lequel les fidèles chantent parfois l'Akathistos. Domaine public, via Wikimedia Commons.
Plusieurs hymnes mariales évoquent clairement la Maternité divine de Marie, Mère de Dieu. On peut citer l’antienne mariale du temps de l’Avent et de Noël Alma Redemptoris Mater, dans laquelle il est dit : « Tu quae genuisiti, natura mirante, tuum sanctum Genitorem, Virgo prius ac posterius – Toi, dans l’émerveillement de toute la création, tu as engendré le Créateur, Mère toujours vierge ».
De même, l’hymne acathyste à la Mère de Dieu, cantique marial par excellence de la liturgie byzantine, est un chant d'action de grâces parfois attribué à st Romanos le Mélode, poète de la Vierge Marie. Cette magnifique prière en l'honneur de la Mère de Dieu affirme la foi commune et universelle de l’Église des premiers siècles au sujet de la Vierge Marie, parcourt les étapes de son existence, de sa conception virginale à sa maternité divine, ainsi que sa participation à la mission de son Fils.
Vierge en majesté, Riom (Auvergne), bois polychrome, 12ème siècle. Sylenius, CC BY-SA 3.0
La proclamation par le concile d’Éphèse de Marie Mère de Dieu, Theotokos, en 431, eut de grandes répercussions dans l’art marial. En Occident, on représenta de nombreuses Vierges en Majesté, portant l’Enfant sur ses genoux. Mais c’est surtout en Orient que de nombreux types iconographiques de la Mère de Dieu se sont multipliés, avec les titres de Kyriotissa, Hodiguitria, Orante, Blachernitissa, Eléousia, etc.
Icône de la Theotokos de type orante, appelée Notre-Dame du Signe. XIIIès.