Légendes, miracles et mariales (littérature médiévale)

Légendes, miracles et mariales (littérature médiévale)

Longtemps les pèlerinages se faisaient au tombeau de saint Pierre, et c'était les saints (dont on possédait des reliques bien réconfortantes) qui soutenaient l'intercession.

Mais à partir du X° siècle, les pèlerinages marials commencèrent, et c'est à la Vierge Marie que l'on s'adressait.

La société du Moyen âge était une société qui priait et bâtissait avec ferveur des églises, des cathédrales et des abbayes, et il ne faut pas s'étonner qu'une telle ferveur obtint des miracles.

De là, toute une littérature...

Légendes, recueils de miracles, mariales.

On se rendait en pèlerinage, par exemple à Chartres, ou encore à Rocamadour qui attirait les soldats de cette région très féodale, ou à Arras qui attirait les paysans malades de l'ergot du seigle sur les nouvelles terres cultivées... Et les miracles étaient enregistrés dans les archives du sanctuaires.

Les recueils de miracles étaient commandités par des évêques, et très prisés par les chanoines (ceux qui officient dans les cathédrales et les basiliques). Par exemple, Geoffroy, évêque de l'église de Coutances, « ordonna de confectionner un livre d'or serti de pierres précieuses venues de loin pour l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie. »[1].

Le clergé utilisait les récits de miracles dans sa pédagogie[2]. Les « Mariales » sont à la fois instructifs et riches en récits de miracles.

C'est ainsi qu'autour des cathédrales et des basiliques, toute une littérature est née...

Il y a donc partout dans l'Europe de la fin du Moyen Age, des recueils de légendes et de miracles. Il y en a de bien naïfs ; il y en a de tendres ; il y en a aussi de fort mauvais goût et de tout à fait invraisemblables. Mais en général il s'en dégage un charme d'une foi simple et confiante auquel même les lecteurs modernes ne résistent point.

Par exemple le recueil de Jacques de Maerlant (XIII° siècle au Pays-Bas), qui traduit en grande partie le recueil de Vincent de Beauvais (XII° siècle en France).

Certains miracles sont des guérisons physiques, d'autres sont des miracles de la grâce, le repentir et le salut de quelqu'un, par exemple la légende de Beatrijs ou le miracle de Théophile[3].

Quelques dérives de cette littérature.

En général, cette littérature est conforme à l'enseignement chrétien, mais on lit parfois des récits faits par des clercs peu formés et encore proches du paganisme de sorte que l'évangélisation est encore superficielle, confuse.

Parfois, la Vierge Marie est montrée en colère d'une manière très frustre, et il faut l'apaiser[4].

Parfois, sa miséricorde est amorale[5], c'est-à-dire sans référence ni au décalogue, ni à la nécessité de réparer, et totalement déconnectée de la miséricorde de Dieu le Père (que le Moyen âge avait sans doute de la difficulté à se représenter).

Parfois, les protagonistes expriment une sentimentalité quelque peu ambiguë (tout en restant contenue) par exemple l'apparition invite le dévot à rêver d'épouser Marie (après la mort tout de même...)[6] ou encore, l'apparition découvre son sein et invite le malade à boire de son lait[7].

Certes, Marie nous aime d'un amour tendre, mais c'est la tendresse forte de celle qui est l'épouse (de Dieu), la mère (du Christ, vrai Dieu, vrai homme), la mère des hommes que Jésus sauve moyennant la foi (et les œuvres de la foi...), c'est une tendresse virginale, invitant aux béatitudes, un amour béatifiant pour l'esprit !

Ainsi, n'insistons pas sur de telles pages et de tels fiorettis, le site contient suffisamment de très belles pages écrites au Moyen-Age, et suffisamment de miracles authentiques !


[1] Jean de Coutance, Miracula Sanctae Mariae Constantiae, éd. E.-A. Pideon, dans Histoire de la cathédrale de Coutance, Coutances, 1876, pp. 367-383

[2] Gabriela Signori, « La bienheureuse polysémie », dans Marie, le culte de la Vierge dans la société médiévale, Beauchêne, Paris 1996, p. 612.

[3] Hubert du Manoir, Maria, tome 2, Beauchêne, Paris 1952, p. 204

[4] Cf. G. DUBY, L'Europe au Moyen Age, Paris 1984, p.32.

[5] cf. Miracle 36 de la collection de Bernard PEZ, Liber miraculis Sanctae Mariae Dei genitix, 1731, réédité aux éditions Crâne, Ithaca 1925, pp. 51-55

[6] Miracle 27 de la collection de Jean Herolt (1468) intitulée « Promptuarium demiraculis Beatae Mariae Virginis »

[7] Miracle 6 de la collection de Jean Herolt (1468) Ibid. Cf. Guy Philippart, Le récit miraculaire marial dans l'Occident médiéval, dans Marie, le culte de la Vierge dans la société médiévale, Beauchêne, Paris 1996, p. 578


Synthèse Françoise Breynaert