Hortus Conclusus, Annonciation


 

L’expression ‘Hortus conclusus’, qui veut dire jardin enclos, est empruntée à la Bible. C’est en effet dans le Cantique des cantiques qu’elle est employée. Cette expression, symbolique, est devenue source d’inspiration pour les artistes, notamment dans les représentations de l’Annonciation.

 

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Une source biblique

« Tu es un jardin fermé, ma sœur, ma fiancée, Une source fermée, une fontaine scellée »,

dit le son dialogue amoureux du Cantique des cantiques (4, 12).

Cet imaginaire biblique crée ce qu’on appelle dans la tradition littéraire gréco-latine (chez Homère et Virgile par exemple) un locus amœnus , un lieu amène ou idyllique, qui, à partir du Moyen Age, va être « moralisé », c’est-à-dire revêtir une fonction symbolique orientée.

L’Hortus conclusus

L’Hortus conclusus est un jardin médiéval typique : créé dans les monastères, sa fonction consistait à cultiver de plantes alimentaires et médicinales.

Dans les grands monastères, l’hortus conclusus suivait la Règle de saint Benoît de Nursie du VIès. Elle prévoyait une zone dédiée aux jardins (horti), une dédiée aux vergers (pomaria), les jardins avec des arbres (viridaria) et enfin une partie consacrée aux herbes médicinales (herbaria).

Les cloîtres s’inspirent de cette même logique du jardin enclos.

Une symbolique mariale moralisée

Maître du Haut Rhin, La Vierge au Paradis avec les saints, vers 1410.Public domain, via Wikimedia Commons. 

Cette expression biblique du jardin fermé a pris une dimension allégorique, et le Jardin clos a été associé à la Vierge Marie, pour symboliser plusieurs aspects : au premier jardin de l’Éden, dont Adam et Ève ont été chassés, correspond le Nouveau jardin du Nouvel Adam et de la Nouvelle Ève. Ce jardin fermé symbolise également la virginité perpétuelle de la Vierge Marie (avant, pendant et après l’enfantement du christ), et l’on invoque bientôt la Vierge Marie sous ce vocable de « Jardin fermé ». C’est ainsi que l’Hymne acathiste s’exprime pour exalter la pureté de Marie :

« Réjouis-toi Épouse inépousée ! »

La pureté virginale de la Vierge Marie est ainsi magnifiée dans ce symbole du jardin clos, et l’Hortus conclusus devient ainsi, par extension, le symbole de l’humilité de Marie et de son obéissance à Dieu. Elle va donc être naturellement associée fréquemment à l’Annonciation, et célébrée dans de nombreuses hymnes liturgiques, dont vont s’inspirer les artistes.

L’Hortus conclusus dans l’Annonciation

La fête de l’Annonciation se situe le 25 mars, au moment du printemps. Il est donc, dans l’imaginaire, naturellement associé au jardin, et au renouveau du jardin.

Fra Angelico fut le premier, dans la peinture du Quattrocento, à représenter dans l’Annonciation le motif iconographique d’Adam et Ève chassés du Paradis. Cette représentation a permis de mettre en parallèle l’ancien jardin et le Nouveau jardin, emblème de la Vierge Marie, Nouvelle Ève.

L’Hortus conclusus est fréquemment utilisé dans les représentations de l’Annonciation. Le jardin enclos est représenté soit sur le côté, soit en arrière-plan, dans le fond du tableau.

Dès lors, plusieurs symboles iconographiques végétaux vont peupler ce jardin clos, d’autant plus nombreux que la littérature mariale les utilise fréquemment : la source d’eau vive, qui parfois est une source de lait, le Lis blanc, symbole de pureté virginale, le rosier ou la Rose, fleur des fleurs, symbole de la Conception immaculée de Marie, qui fera naître le motif iconographique de la Vierge à la Rose. D'autres fleurs vont symboliser les vertus de la Vierge Marie : l'Ancolie, dont les feuilles trilobées évoquent la Trinité, la Violette et le Muguet, symboles d’humilité, etc. D’autres fleurs enfin, comme la pivoine et le coucou, évoquent le pouvoir de guérison par la grâce reçue, conformément à leurs propriétés médicinales. La symbolique végétale est donc utilisée pour représenter les vertus de la Vierge Marie, conformément à la tradition médiévale des floraires et plantaires, qui établissent des liens constants entre le naturel et le surnaturel. Cette symbolique mariale végétale constitue ce qu’on appelle la botanique moralisée.

S’appuyant sur cette tradition née du croisement entre la poésie liturgique et mystique et la poésie courtoise, la représentation de l’Annonciation dans un Hortus conclusus est donc éminemment symbolique.

Le jardin idéalisé préfigure ainsi la tradition des mille-fleurs.

Les artistes italiens de la Renaissance, ainsi que les primitifs flamands ont fréquemment utilisé ce symbolisme moralisé, hautement chargé de signification.

 

Sources :

-Michel Feuillet. « Le jardin de l’Annonciation », In : Italies, 8, 2004. pp.89-106.

-M. Feuillet, Ante Legem, sub Lege, sub Gratia, L’histoire du Salut synthétisée dans la seule image de l’Annonciation de Montecarlo peinte par Fra Angelico, dans L’Histoire mise en œuvres, Actes du colloque des 2 et 3 mai 2000, Centre d’Études et de Recherches sur la Civilisation et la Littérature Italiennes, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2001, pp. 287-298.

-Gérard Gros. « Au jardin des images mariales : aspects du plantaire moralisé dans la poésie religieuse du xive siècle », In : Vergers et jardins dans l’univers médiéval. Presses universitaires de Provence, 1990. pp. 139-149.

 

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Pour en savoir plus

 

-Sur l’Annonciation, dans l’Encyclopédie mariale

 

-Sur l’Annonciation dans l’art, dans l’Encyclopédie mariale

www.mariedenazareth.com/encyclopedie-mariale/la-vierge-marie-dans-lart/panorama-artistique-de-la-vie-de-jesus-et-de-la-vierge-marie/lannonciation-dans-lart/