Un papyrus très ancien, une prière à la 'Theotokos'


 

La prière du ‘Sub tuum praesidium’ (Sous l’abri de ta miséricorde) est la plus ancienne prière dédiée à la Vierge Marie : un papyrus, découvert par un archéologue en 1917, près d’Alexandrie en Égypte, contenant cette prière en grec, a permis de la dater de façon précise et de la caractériser comme la plus ancienne prière mariale connue. L’analyse de son contenu révèle d’autre part que de grandes vérités doctrinales étaient déjà présentes à l’époque sur la Vierge Marie. 

 

***

 

La prière Sub tuum praesidium (Sous l'abri de ta miséricorde)

La prière 'Sub tuum praesidium' était récitée depuis l’Antiquité avec de nombreuses variantes. On a retrouvé en 1917, près d’Alexandrie, un papyrus[1]qui contenait cette prière en langue grecque, dont voici la traduction :

« Sous ta miséricorde, nous nous réfugions, Mère de Dieu.

Ne repousse pas nos prières dans la nécessité,

Mais du danger, libère-nous :

Ô toi seule chaste, toi seule bénie. »

Un papyrus daté du IIIès

La paléographie nous fournit de précieux renseignements, grâce à l’étude du type de papyrus, de la forme des lettres, etc. Ces critères, dits ‘externes ‘, ainsi que des critères internes, fondés sur le contenu de la doctrine mariale, ont permis à l'un des plus grands spécialistes, G. Giamberardini , de dater précisément le papyrus:

« La critique ne semble plus rétive à accepter comme date de composition les dernières décennies du IIIe siècle (c'est à dire vers 280). Le jugement des experts est que le papyrus ne peut pas être postérieur au IIIe siècle[2] » (…)

« À une telle datation ne s'opposent plus de motifs d'ordre terminologique ou doctrinal, car il apparaît suffisamment prouvé que l'usage du terme ‘Theotokos ‘ dans le milieu alexandrin existait déjà au IIIe siècle[3]. »

Le contexte de cette prière

Adressé directement à la Vierge Marie, cette prière est un appel pressant à la Mère de Jésus, émanant d'une communauté chrétienne qui traversait une période de tentations et de graves dangers.

La région d’Alexandrie était l’une des régions les plus évangélisées de cette époque , avec l’évangéliste Marc et la tradition de Pierre, la Didachè, la Tradition apostolique… Le ‘Sub tuum praesidium ‘n'est probablement pas apparu à l'improviste mais il est le fruit d’une foi déjà mûre et de la piété de l'Église égyptienne, au sein de laquelle la figure d'Origènese détache († 253/254). C’est en effet Origène qui a attribué le titre de "Mère de Dieu" à la Vierge Marie, et son disciple Denys d’Alexandrie utilise lui aussi le terme de 'Theotokos', aux alentours de l’an 250, dans une épître à Paul de Samosate. Ce tropaire[4] n'est donc pas isolé dans le contexte du IIIe siècle[5]. En outre, il serait anachronique de vouloir distinguer pour cette époque la liturgie de la piété populaire. Cette prière est donc née dans la vie et a été écrite pour être incorporée à la liturgie.

Ce qui est extraordinaire, c’est le fait que cette communauté égyptienne se tourne vers Marie.

Le contenu de la prière : des vérités doctrinales sur la Vierge Marie

Grâce à l’existence de cette prière, on voit que la communauté percevait déjà le rapport entre Marie de Nazareth, ‘Theotokos’ (Mère de Dieu), et Jésus.

En outre, on comprend que les auteurs avaient conscience de la proximité de la Vierge Marie dans le danger. La nature du danger auquel était affronté la communauté n’est pas spécifiée, mais certains pensent qu’il s’agirait des persécutions auxquelles ont été soumis les Chrétiens : celles de Dèce, qui date de 250, ou celles de Valérien (257)). Le texte prendrait donc valeur historique.

Enfin, de grandes vérités doctrinales y sont exprimées :sur la personne de la Vierge Marie: Sa maternité divine (la Vierge Marie est appelée "Mère de Dieu"), et virginale (la Vierge Marie est invoquée ainsi : " Ô seule chaste"), ainsi que l'élection particulière de Dieu ("Ô seule bénie").

L’affirmation de l'intercession miséricordieuse de la Vierge Marie ("sous ta miséricorde nous nous réfugions,... sauve-nous" et la fonction de la Vierge Marie dans un contexte liturgique sont également des signes de la précocité de la foi envers la Vierge Marie et des vérités dogmatiques déjà élaborées dès cette époque.

Le fondement biblique de cette prière

L’expression « bénie » se trouve dans l’évangile de st Luc, lors de l’épisode de la Visitation. La demande de « délivrer du danger », qui, dans la version ambroisienne, devient « ne soumets pas nos prières à la tentation » sont inspirées du Notre Père. Être sous l'abri de la miséricorde, "comme sous les ailes", évoque également les ailes de l’aigle divin qui porte (Dt 32,11 ; Ex 19,4) et qui abrite (Ps 91, 4). Ici, c'est Marie qui abrite : n’oublions jamais qu’il y a dans la Bible le principe de l’assimilation à Dieu, tel qu’il est exprimé dans le Lévitique: "Soyez saints comme Je suis saint" (Lv 19)…

Une prière liturgique d'invocation confiante en  Marie, Mère de Dieu

Cette prière est une invocation collective, à caractère liturgique, envers la Vierge Marie Mère de Dieu. On peut donc en déduire que la communauté chrétienne avait déjà l’habitude de s'adresser directement à la Vierge Marie, en invoquant son aide dans les heures difficiles: "[...] Ne repousse pas nos prières dans la nécessité, mais du danger, libère-nous."

Le texte du ‘Sub tuum praesidium ‘exprime donc avec une rare efficacité la confiance dans l'intercession de la Vierge Marie : elle qui est la "Mère de Dieu", la "seule pure", la "seule bénie", et qui est pour la communauté chrétienne un "refuge de miséricorde". Grâce à elle, la communauté se sent protégée[6].

Une prière ancrée dans la tradition liturgique

Plus tard, au Moyen Age, on trouve cette prière dans la liturgie, comme antienne du Benedictus, ou associée comme tropaire à l’office des Complies. Elle fut largement diffusée dans les rites occidentaux comme orientaux. Dans la version latine de cette prière, l’invocation « seule chaste » est devenue « Vierge glorieuse ». Dans le rite byzantin, on chante le Sub tuum praesidium lors de l’office des Vêpres pendant le Carême.


 

***

Pour en savoir plus

 

-Sur Origène et la Maternité divine de la Vierge Marie, dans l’Encyclopédie mariale

-Pour entendre l’antienne mariale du Sub Tuum en grégorien, en ligne 

 

A. Gila, I. Calabuig et l’équipe de MDN.