Cantique des Cantiques et Annonciation

Cantique des Cantiques et Annonciation

La divine amante, jetant un profond soupir, se prit à dire :

« Qu'il me baise, ce cher Ami de mon âme, qu'il me baise d'un baiser de sa bouche, car tes mamelles sont meilleures que le vin, répandant des odeurs grandement agréables. Ton nom est comme une huile répandue, laquelle étant composée de tous les parfums les plus précieux, rend des odeurs souverainement délectables ; c'est pourquoi les jeunes filles t'ont aimé. » [Cant. I,1-3]

Les Pères, considérant cette parole du Cantique des Cantiques que l'Epouse adresse à son Epoux : « Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche » (Ct 1,1), disent que ce baiser qu'elle désire si ardemment n'est autre que l'exécution du mystère de l'Incarnation de Notre-Sei­gneur, baiser tant attendu et souhaité pendant une si longue suite d'années par toutes les âmes qui méritent le nom d'amantes.

Mais enfin ce baiser qui avait été si longtemps refusé et différé, fut accordé à cette Amante sacrée, Notre-Dame, laquelle mérite le nom d'Epouse et d'Amante par excellence au-dessus de toutes autres. Il lui fut donné par son céleste Epoux au jour de l'Annonciation que nous célébrons aujourd'hui, au même moment qu'elle élança ce soupir très amoureux : Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche ! Ce fut alors que cette divine union du Verbe éternel avec la nature humaine, représentée par ce baiser, se fit dans les entrailles sacrées de la glorieuse Vierge.

Voyez, de grâce, comme cette divine Amante exprime délicatement ses amours : Qu'il me baise, c'est-à-dire : Que ce Verbe qui est la Parole du Père, sortant de sa bouche, vienne s'unir à moi par l'entremise du Saint-Esprit, qui est le soupir éternel de l'amour du Père envers son Fils et du Fils réciproquement envers son Père.

Mais quand est-ce que ce divin baiser fut donné à cette Epouse incomparable ?

Au même instant qu'elle répondit à l'Ange cette parole tant désirée : Qu'il me soit fait comme vous dites. O consentement digne de grande réjouissance pour les hommes, d'autant que c'est le commencement de leur bonheur éternel. [...]

Or, dit la chère amante, tes amours qui sont tes mamelles, o mon Bien-aimé, produisent une certaine liqueur odoriférante qui recrée merveilleusement mon âme. [...]

Mais l'Epouse ne s'arrête pas là, car poursuivant elle dit que le nom de son Bien-aimé est comme une huile répandue, composée de plusieurs excellentes odeurs, les­quelles ne se peuvent imaginer, voulant signifier : Mon Bien-aimé n'est pas seulement parfumé, mais il est le parfum même ; c'est pourquoi, ajoute-t-elle, les jeunes filles t'ont aimé. Qu'est-ce que la divine amante désire que nous entendions par ces jeunes filles ? Les jeunes filles représentent en ce sujet certaines jeunes âmes qui n'ayant encore logé leur amour nulle part, sont merveilleusement propres à aimer le céleste Amant de nos cœurs, Notre-Seigneur Jésus-Christ. [...]

O Dieu, quelle grâce de réser­ver tout notre amour pour Celui qui nous récompense si bien en nous donnant le sien. [...]

Et il se rendit fils de celle qui se nommait sa servante.


Saint François de Sales, sermon du 25 mars 1621 pour l'Annonciation.

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