La synergie des deux volontés dans le Christ (Benoît XVI)

La synergie des deux volontés dans le Christ (Benoît XVI)

[Les questions qui restaient ouvertes après les grands conciles de Nicée à Chalcédoine (Absorption dans le divin ? Schizophrénie ?)] :

Dans les grandes luttes qui se sont développées après Chalcédoine spécialement dans le milieu byzantin, il s'agissait essentiellement de la question suivante : si en Jésus il n'y a qu'une unique personne divine qui embrasse deux natures, qu'en est-il alors de la nature humaine ? Est-ce qu'elle peut, soutenue par l'unique personne divine, subsister vraiment comme telle dans sa particularité et dans son essence ? Est-ce qu'elle ne doit pas nécessairement être absorbée par le divin, au moins dans sa partie la plus élevée, dans sa volonté ?

Ainsi, la dernière grande hérésie christologique s'appelle "monothélisme". En s'en tenant à l'unité de la personne - affirme-t-on - il ne peut exister qu'une unique volonté; une personne avec deux volontés serait schizophrène : la personne, en fin de compte, se manifeste dans la volonté, et il n'y a qu'une seule personne, alors il ne peut n'y avoir qu'une seule volonté. Contre cette affirmation surgit cependant cette question : quel genre d'homme est celui qui ne possède pas une volonté humaine propre ? Un homme sans volonté est-il véritablement un homme ? Dieu s'est-il fait homme en Jésus si cet homme n'avait pas une volonté?[1]

[Le Christ :]

Le grand théologien byzantin Maxime le Confesseur († 662) a élaboré la réponse à cette question aux cours des controverses pour la compréhension de la prière de Jésus sur le Mont des Oliviers. Maxime est avant tout et surtout un adversaire acharné du monothélisme : la nature humaine de Jésus n'est pas amputée à cause de l'unité avec le Logos, mais elle demeure complète. Et la volonté fait partie de la nature humaine.

Cette dualité irrécusable en Jésus d'un vouloir humain et d'un vouloir divn ne doit pas, toutefois, conduire à la schizophrénie d'une double personnalité. C'est pourquoi nature et personne doivent être considérées chacune selon le propre mode d'être. Ce qui veut dire qu'il existe en Jésus la "volonté naturelle" de la nature humaine, mais qu'il n'y a qu'une seule "volonté de la personne", qui accueille en elle la "volonté naturelle".

Et cela est possible sans destruction de l'élément essentiellement humain, parce que, à partir de la création, la volonté humaine est orientée vers la volonté divine. Dans l'adhésion à la volonté divine, la volonté humaine trouve son achèvement et non sa destruction.

Dans l'adhésion à la volonté divine, la volonté humaine trouve son achèvement et non sa destruction[2].

[Le péché brise la synergie de la volonté humaine avec la volonté divine :]

Maxime dit à ce propos que la volonté humaine, selon la création, tend à la synergie (la coopération) avec la volonté de Dieu, mais à cause du péché, cette synergie s'est transformée en opposition. L'homme qui trouve l'accomplissement de sa volonté dans son adhésion à la volonté de Dieu, sent alors sa liberté compromise par la volonté de Dieu.

Il voit dans le "oui" à la volonté de Dieu non pas la liberté d'être pleinement lui-même, mais une menace pour sa liberté, et il y oppose alors sa résistance.

Le drame du mont des Oliviers consiste en ce que Jésus ramène la volonté naturelle de l'homme de l'opposition à la synergie et rétablit ainsi l'homme dans sa grandeur. Dans la volonté humaine naturelle de Jésus est en quelque sorte présente en Jésus lui-même toute la résistance de la nature humaine contre Dieu. Notre obstination à tous, toute l'opposition à Dieu est là, et Jésus entraîne dans son combat la nature récalcitrante vers le haut.

[Le salut en Jésus-Christ :]

Christophe Schönborn dit à ce propos que " le passage de l'opposition entre les deux volontés vers leur communion se réalise par la Croix de l'obéissance. Dans l'agonie de Gethsémani ce passage s'accomplit"[3]. Ainsi la prière "non pas ma volonté, mais la tienne" (Lc 22, 42) est vraiment une prière du Fils au Père, dans laquelle la volonté humaine naturelle a été totalement attirée à l'intérieur du "Je" du Fils, dont l'essence s'exprime justement par ce " non pas moi, mais toi" dans l'abandon total du "Moi" au "Toi" de Dieu le Père. Ce "Moi", toutefois, a accueilli en lui l'opposition de l'humanité et l'a transformée, si bien que maintenant dans l'obéissance du Fils, nous sommes tous présents, nous sommes entraînés dans la condition de fils. [4]


[1] BENOIT XVI, JOSEPH RATZINGER, Jésus de Nazareth, tome II, Le Rocher (Parole et Silence), Paris 2011, p. 185-186

[2] BENOIT XVI, JOSEPH RATZINGER, Jésus de Nazareth, tome II, Le Rocher (Parole et Silence), Paris 2011, p. 186

[3] Christophe SCHÖNBORN, Die Christus Ikone. Eine theologische Hinführung, Novalis, CH-Quern-Neukirchen, 1984, p. 107-138.

Lire aussi : François-Marie LETHEL, Théologie de l'agonie du Christ ; La liberté humaine du Fils de Dieu et son importance sotériologique mise en lumière par saint Maxime le confesseur, Beauchene, Paris 1979.

[4] BENOIT XVI, JOSEPH RATZINGER, Jésus de Nazareth, tome II, Le Rocher (Parole et Silence), Paris 2011, p. 187


BENOIT XVI, JOSEPH RATZINGER, Jésus de Nazareth, tome II,

Le Rocher (Parole et Silence), Paris 2011, p. 185-187

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