St Samaan, le saint cordonnier du Caire (X° siècle)

St Samaan, le saint cordonnier du Caire (X° siècle)

Saint Samaan, le cordonnier tanneur, a vécu en Egypte vers la fin du dixième siècle après Jésus-Christ. Il était contemporain du Saint évêque Abram Ibn Zaraa le syrien qui occupa la chaire de Saint Marc en 975 ap. J-C et qui s'endormit en paix en 979 ap. J-C.

Saint Samann était borgne : un jour une femme entra dans sa boutique pour lui donner des chaussures à réparer. Quand elle les ôta pour les lui confier elle découvrit ses jambes. Samaan les regarda avec un esprit de luxure. Mais se reprenant il prit son poinçon et le plongea dans son oeil pour l'arracher prenant à la lettre le commandement du Seigneur :

"Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi ; car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier n'aille pas dans la géhenne." (Mt 5, 28-29)

Saint Samaan vivait en ascète et en homme de prière mangeant peu. Il dit de lui-même au Patriarche Abram qui l'interroge: "je mange un peu, juste pour conserver la vie"-, s'habillant de vêtements râpés et consacrant l'essentiel de son temps en prières. Au coucher du soleil il quitte son travail, mange frugalement et, dit-il, " retourne prier et reste toute la nuit en priant ".

Chaque jour saint Samaan s'occupait de personnes âgées et de malades à qui il apporte de l'eau. Il explique au Patriarche : "je me lève tôt chaque matin avant de partir travailler pour remplir ma jarre d'eau et la distribuer aux personnes âgées et aux malades qui n'ont pas la force d'aller se ravitailler et je distribue chaque jour du pain et de la nourriture aux ermites cloîtrés, hommes ou femmes".

En ce temps-là, il fut suggéré au calife Al-Mu'iz de mettre à l'épreuve les chrétiens sur un verset de l'évangile de Saint Matthieu (Mt 17, 20)

"Je vous le dit en vérité, si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Transporte-toi d'ici là, et elle se transporterait ; rien ne vous serait impossible."


Le calife Al-Mu'iz fit venir le patriarche Amba Abram le syrien et lui dit de prouver que les paroles du Christ étaient vraies et la religion chrétienne juste en déplaçant la colline du Mokattam vers l'est ce qui permettrait l'extension de la nouvelle ville du Caire. En cas de refus ou d'incapacité à réaliser cet exploit la communauté chrétienne aurait à choisir l'une des alternatives suivantes :

se convertir à l'Islam ou quitter l'Egypte.

Le patriarche atterré demanda et obtint du calife un délai de trois jours avant de lui donner sa réponse. Il pria Dieu de l'inspirer et appela le peuple copte et toute l'Eglise d'Egypte à jeûner avec lui les trois jours du lever au coucher du soleil et à prier avec ferveur pour écarter cette épreuve.

Le troisième jour à l'aube la Vierge Marie apparut au patriarche Amba Abram en songe et lui dit :

"N'aie pas peur, fidèle berger, les larmes que tu as versées dans cette église, les jeûnes et les prières que toi et ton peuple avez offerts ne l'auront pas été en vain. Lève-toi et va à la porte de fer qui donne accès à la place du marché. Tu y trouveras un homme borgne portant une jarre d'eau. C'est par lui que le miracle aura lieu."


Le patriarche trouva l'homme où la Vierge Marie le lui avait indiqué.

Lui ayant expliqué ce que lui avait dit Marie, saint Samaan lui répond : "Pardonnez-moi père, je ne suis qu'un homme pêcheur".

Amba Abram insiste "C'est l'ordre de la Mère de la Lumière !"

Saint Samaan alors se soumet et répond avec humilité : "Si la Mère de la Lumière a décidé de me charger de cette mission je me mets entièrement à votre service".

Le Patriarche qui ne le connaît pas l'interroge alors et lui demande son nom et la raison de sa présence sur la place du marché si tôt le matin quand tout le monde dort.

Saint Samaan lui dévoile sa vie en le pressant de ne la révéler à quiconque avant qu'il ait quitté cette terre. Ensuite il indique à Amba Abram dans quelles conditions le miracle pourra avoir lieu :

"Vous monterez sur la colline avec tes évêques, prêtres, diacres et archidiacres portant haut Bibles, croix, flambeaux et encensoirs allumés. Vous demanderez au calife de monter aussi sur la colline avec son cortège et de se mettre face à vous sur le côté opposé du sommet. Quant à moi, je serai parmi le peuple derrière vous où l'on ne me reconnaîtra pas. Célébrez les divins mystères et après la communion eucharistique répétez avec tout le peuple en esprit d'humilité et avec un cœur brisé cent fois à l'est, cent fois à l'ouest, cent fois au nord et cent fois au sud : Kyrie Eleison (Seigneur aie pitié de nous). Ensuite en silence toi et ton clergé adorez Dieu à genoux les mains tendues vers le Très Haut puis levez-vous et fais le signe de la croix sur la colline. Ainsi trois fois et tu verras la gloire de Dieu."

Le Patriarche s'en alla dire au calife Al-Mu'iz qu'il était prêt à réaliser sa demande avec la grâce de Dieu. Le calife se rendit au sommet de la colline sur son coursier suivi par sa cour, ses hauts dignitaires et ses soldats. En vis à vis se tenait le Patriarche Abram avec son clergé et nombre de ses fidèles et parmi eux Saint Samaan le tanneur. Les choses se passèrent comme Saint Samaan l'avait demandé et au premier signe de croix fait par le Patriarche sur la colline il se produisit un grand tremblement de terre et la colline se souleva puis retomba. Et ainsi à chaque signe de croix. Telle est la puissance de la foi comme l'a déclaré Saint Paul notre maître : "je puis tout par Celui qui me rend fort" (Phil 4 :13).


Le calife et son entourage furent saisis de peur et il s'écria : "Dieu est grand ; que Son nom soit bénit". Il supplia Amba Abram d'arrêter ce qu'il faisait de peur que la colline n'écrase la ville et quand tout s'arrêta il lui témoigna son respect et le droit de rester en Egypte en lui accordant l'autorisation de reconstruire ou de restaurer nombre d'églises dont celle de Saint Markorios Abu Sifein du Vieux Caire. Quand le Patriarche se retourna pour chercher Saint Samaan il ne le vit plus et plus personne n'entendit parler de lui jusqu'à ces dernières années.

On a cherché à savoir s'il pouvait exister des "preuves" historiques de ce miracle et de l'existence de Saint Samaan.

La colline a le nom de Mokattam qui veut dire "découpée". En effet elle présente trois failles qui la traversent.

Le pape Amba le syrien a décidé de faire des trois jours de jeûne accompli à cette occasion une règle définitive en les ajoutant aux 40 jours du jeûne de Noël.

Une icône ornant le mur nord de la cour de l'église de la Vierge Marie connue sous le nom de "l'église suspendue" du Vieux Caire et datant du XVème siècle représente Amba Abram, Saint Samaan et la Vierge Marie. Elle serait la copie d'une icône plus ancienne aujourd'hui disparue.


En tenant compte de la date connue de la rénovation de l'église d'Abu Sifein qui fut autorisée par décret en 979 ap. J.C. on considère que le miracle eu lieu la même année. L'ajout du jeûne de 3 jours à celui de Noël donne une indication sur le jour du miracle qui devrait avoir eu lieu le 17 novembre (18 Hatur 695 AM).

La colline de Mokattam devint par décret du gouverneur du Caire en 1969 le lieu où sont déposés les rebuts de la ville. C'est là que vinrent s'installer la communauté chrétienne des chiffonniers du Caire dont la principale activité est la collecte et le tri de ces rebuts. Depuis, de nombreux miracles se produisirent en ces lieux et la grande église de Saint Samaan fut creusée dans la colline dans les années 70 pour accueillir la ferveur de ce peuple pauvre mais qui a conservé la foi vivante de ses pères.


En 1989 des recherches furent entreprises avec la bénédiction de S.S. Shenouda III pour retrouver les reliques de saint Samaan. Des écrits laissaient entendre qu'au XIVème siècle les papes Amba Joannes X et Amba Ghobrial IV (Histoire des Patriarches par Anba Youssab) furent enterrés au côté de Samaan le tanneur à al-Habach dans le Vieux Caire. En 1991 le dimanche 4 août lors de la restauration de l'ancienne église de Marie à Babylone El-Darag on découvrit le squelette d'une personne "d'une cinquantaine d'année, de petite taille avec un reste de cheveux abondants sur la nuque et présentant une calvitie sur le front".
A peu de distance on trouva un pot de terre vieux de près de mille ans avec l'indication que le corps enterré était celui de Saint Samaan le tanneur. La présence à ses côtés des squelettes de patriarches était une preuve supplémentaire de l'importance accordée au fait d'être enterré près de lui. Les résultats d'une enquête approfondie convainquirent S .S. Shenouda III que les ossements appartenaient à Saint Samaan ce qu'il confirma officiellement le 7 juillet 1992 en attribuant à trois églises l'honneur du dépôt de ses reliques : l'église Marie à Babylone El-Darag, l'église suspendue de Marie et l'église de Saint Samaan le tanneur à Mokattam.


Pour en savoir plus : L'église de Saint Samaan, Mokattam, Le Caire Tel (202) 5123666/5124080 Fax (202) 5126150.
D'après "La biographie de Saint Samaan le cordonnier" publiée par L'église Saint Samaan, Mokattam, Le Caire. Extrait d'un article de Mohamed Salmawy paru dans AL-AHRAM Hebdo, semaine du 8 au 14 mars 2000.