Le soufisme

Le soufisme

Al-Husayn Ibn Mansûr AL-HALLÂJ (858-922)

Al-Hallaj est né et il mort à Bagdad. Il devint prédicateur en Iran, puis en Inde et jusqu'aux frontières de la Chine. Rentré à Bagdad, il est suspecté aussi bien par les sunnites que par les chiites pour ses idées mystiques et son influence sur les foules.

Il est faussement accusé d'avoir participé à la révolte des Zanj, mais sa condamnation proprement dite résulte du fait qu'il avait proclamé publiquement "Je suis la Vérité (Dieu)" ("Ana al haqq"), ce qui était vu comme une hérésie, aussi bien dans le Sunnisme que dans le Chiisme. Cette affirmation, si elle ne doit théoriquement pas être publique, n'est pas incongrue dans le milieu soufi dans lequel le mystique étant "fondu" dans l'"océan de la divinité".

Al-Hallaj parle aussi du rôle des purifications actives (détachement, obéissance à la loi, exercices spirituels) et passives (épreuves et souffrances), c'est un héritage chrétien.

Le soufisme est donc une forme de la gnose (donc un monisme) qui a pris des couleurs islamiques pour subsister et se maintient vaille que vaille à cause de la terrible sécheresse de l'islam. Il fut accusé d'hérésie par l'islam officiel qui le condamna à mort.

Al Ghazâli (1058-1111) (Algazel)

Après une carrière brillante de professeur, il se retire dans la solitude. Il veut redonner une vie nouvelle aux dogmes classiques grâce à la contribution des mystiques et spirituels. Il étudie les techniques de recueillement, respiration, attitude corporelle, répétition des noms divins, dhikr*, etc. Al Ghazâli reconnaît l'échange d'amour mutuel entre Dieu et l'homme, mais cela ne peut aller au-delà de la proximité : il n'y a pas d'union avec Dieu.

C'est pourquoi son accueil dans le milieu soufi reste mitigé, tandis l'orthodoxie musulmane l'accepte assez souvent.

A partir du XIII° siècle

Ibn 'Arabî (1165-1240) n'a pas dit expressément la formule "Wahdat al-Wujûd" (Unicité de l'Être)[1], mais il a laissé entendre dans plusieurs textes de son œuvre[2], que "la réalité de l'Être est unique". La notion de "Wahdat al-Wujûd" n'est que l'interprétation emphatique et hyperbolique de l'unicité (tawhîd), un pilier de l'islam.

Par ailleurs, d'autres adeptes du soufisme donnent de l'importance aux techniques et forment des confréries. Ils se rassemblent pour vivre ensemble une répétition rythmique et parvenir à un état de recueillement, d'extase ou de transe. L'influence d'Ibn 'Arabî s'étend à de nombreuses confréries soufies telles que la Mawlawiya (les fameux Derviches tourneurs).

L'école d'Ibn 'Arabî lui-même finira par travailler conjointement avec l'école de Sohrawardi (ce dernier a vécu en 1155-1195 et a fondé une école qui synthétise l'héritage zoroastrien, la philosophie platonicienne et la révélation islamique) et avec la théosophie chiite. Leur point commun est une tendance moniste et ésotérique.

Malgré un aussi grand nombre d'adeptes et de défenseurs prestigieux aussi bien sunnites que chiites, elle fut l'objet de violentes critiques tout au long de l'histoire.

Notamment, pour Ibn Taymiyya (théologien et jurisconsulte, †1328 à Damas), Al-Ghazâlî et Ibn Arabi sont des mécréants : le but de l'homme n'est pas l'absorption en Dieu, qui assimile le créateur à sa créature, mais l'obéissance à sa volonté révélée.[3]

Dialogue interreligieux :

La mystique musulmane oscille entre deux tendances :

- Soit, avec le soufisme, nier progressivement l'idée de création par les doctrines monistes qui culminent dans la formule "Wahdat al-Wujûd".

- Soit, avec l'islam officiel, l'insistance sur la transcendance du Créateur avec le déterminisme, l'obéissance aveugle.

Un chrétien discerne qu'à l'origine de ce paradoxe, il y a la déformation de l'idée biblique de l'Alliance que l'islam situe de manière pré-éternelle, avant que ne soit posée l'existence de chacun.

Les dérives gnostiques existent aussi dans le christianisme, comme par exemple en réaction contre certaines visions trop extrinsèques de la Rédemption.


[1] Cette théorie a été systématisée pour la première fois par son disciple et gendre Sadr al-Dîn al-Qûnawî

[2] Ibn 'Arabî, "Futûhât" et "Fusûs al-Hikam".

[3] Cf. Mourad Faher, Approche critique des représentations de l'Islam contemporain, éd. L'Harmattan, p. 29

Synthèse par Françoise Breynaert