L'aumône légale (zak?t)

L'aumône légale (zak?t)

Généralités

Le Coran encourage l'aumône :

"Donne leur ce qui leur est dû, au parent, au pauvre, au voyageur. C'est un bien pour ceux qui recherchent la face de Dieu." (Coran 30, 38)

"Si vous donnez vos aumônes de façon apparente, c'est bien. Si vous les cachez pour les donner au pauvres, c'est préférable pour vous. Elles effacent en partie vos mauvaises actions. - Dieu est bien informé de ce que vous "faites." (Coran 2, 271)

L'aumône se dit zak?t ou zakât, un mot dont la racine signifie « purifier » : en donnant une proportion des biens ou des bénéfices aux pauvres, le reste est purifié. C'est une notion que l'on retrouve dans le judaïsme et dans l'évangile (Lc 11, 41).

En terre d'islam, l'aumône était parfois collectée comme une sorte d'impôt. Aussi, actuellement, beaucoup de musulmans ont tendance à penser que l'impôt remplace la zak?t. L'aumône est remise en valeur par les mouvements fondamentalistes.

Pour en comprendre la signification religieuse, nous suivrons R. ARNALDEZ, directeur de l'institut des langues orientales de Beyrouth.

L'aumône (zak?t) est liée à la prière.

Selon un ?ad?h, le prophète a dit : « Il n'y a pas de prière valide pour celui qui ne donne pas la zak?t, et il n'y pas de zak?t valide pour celui qui ne fait pas la prière.

Ce n'est pas à proprement parler que les devoirs envers Dieu soit mis au même plan que les devoirs envers les hommes : la transcendance divine s'y oppose. C'est moins encore parce que l'aumône est comparable à ce qu'elle est dans le christianisme, un signe de la charité qui identifie l'amour du prochain et l'amour de Dieu. C'est plutôt que la prière loue Dieu pour tous les biens qu'il envoie à l'homme : Il est le donateur par excellence qui pourvoit à tout ; et cette louange ne peut être sincère de la part d'un homme qui thésaurise. »[1]

L'intériorisation de l'aumône.

« Al Makk? dit qu'il faut donner l'aumône avec bonté d'âme, avec gaieté de cœur, avec sincérité envers le Seigneur, avec le désir de voir sa Face, non pas hypocrisie de m'as-tu vu, ni par souci de la renommée ou du décor, ni par affectation, ni par l'espérance ou la crainte de quelque chose d'autre que Dieu. On doit, en faisant l'aumône, regarder Dieu, connaître le bien que constitue son assistance, croire à la supériorité des pauvres pour qui on donne, puisque c'est pour eux que Dieu a institué la zak?t symbole de leur pureté et qu'il leur a donné un rang élevé au Paradis.

La pratique de la zak?t est destinée à amener l'homme à se détacher de tout, biens matériels et qualités morales, devant le seul regard de Dieu et par égard pour lui seul ; elle purifie le cœur de toute présence qui ne serait pas celle du Seigneur. D'abord, simple obéissance au commandement divin, elle devient un témoignage vivant de l'unicité de Dieu qui n'a pas d'associés.

Mais il y a un sens plus profond encore de cette loi de la zak?t. On dit en effet qu'il faut cacher à la main gauche ce que donne la main droite. Il faut que l'âme ne se voit pas au principe du don ; il faut que la vaine pensée n'effleure pas le cœur. L'âme et le cœur doivent être occultés à eux-mêmes pour ne plus rechercher, ne plus contempler que Dieu. Et cet état constitue le secret du royaume. »L'aumône légale (zak?t)

Comment l'aumône obtient le pardon.

« Dieu n'apparaît plus comme le maître qui commande du haut de sa transcendance, mais comme la vérité de sa Loi, vivant dans le cœur purifié de l'homme qui a renoncé à lui-même, à son âme. Ainsi l'aumône légale se prolonge pratiquement dans les aumônes charitables qu'on fait dans le secret.

Donner de plein gré est le signe qu'on donne pour Dieu et sous le seul regard de Dieu ; c'est pourquoi il pardonne, et l'apaisement de la colère qu'exprime ce pardon, signifie spirituellement que Dieu cesse d'être pour le croyant le Seigneur qui juge et sanctionne et qu'il devient l'ami qui parle au cœur. »[3]

Pour un dialogue avec le christianisme, notre attention peut se porter sur trois points :

1) L'aumône fait partie de l'enseignement de l'Evangile (Lc 11, 41). L'aumône s'intériorise comme un don de soi en réponse au don de Dieu. En cela, islam et christianisme se ressemblent. La très Vierge Marie a reçu de Dieu le don de son Immaculée conception ; elle a répondu par le don d'elle-même que la tradition fête lors de « Présentation de Marie ». La Vierge Marie a reçu de Dieu le don d'être la mère de son Fils, et elle a répondu par le don d'elle-même, fidèle jusqu'à la croix. En tout cela, elle ne s'est pas regardée, mais elle a regardé Dieu seul.

2) A la suite du Christ et de Marie, les mystiques chrétiens enseignent à vivre le don de soi d'une manière pure et radicale. Ce don, qui peut s'exprimer dans un langage extrême (« en qualité d'esclave d'amour »), est un hommage au Créateur qui nous a créés, réellement, comme des êtres subsistants.

3) L'aumône chrétienne est amour du prochain. Par révélation divine en Jésus-Christ, le commandement de l'amour du prochain est devenu un seul commandement avec celui de l'amour de Dieu, et cela ne diminue pas la transcendance de Dieu puisque c'est lui qui l'a révélé.


[1] R. ARNALDEZ, « La mystique musulmane », dans Aa Vv, La mystique et les mystiques, DDB, Paris 1965, p. 571-648, p. 609-611, p. 595

[2] Ibid., p. 609-610

[3] Ibid., p. 611

Synthèse F. Breynaert