L'islam et la loi naturelle

L'islam et la loi naturelle

1) Il existe dans le Coran des éléments de ce que les chrétiens appellent la loi naturelle (ressemblant au décalogue), citons par exemple :

« Ton Seigneur a décrété que vous n'adoriez que Lui. Il a prescrit la bonté à l'égard de vos père et mère. [...] Evitez la fornication. ; c'est une abomination ! Quel détestable chemin ! Ne tuez pas l'homme que Dieu vous a interdit de tuer, sinon pour une juste raison. [...]. Ne touchez pas à la fortune de l'orphelin, jusqu'à ce qu'il ait atteint sa majorité, que pour le meilleur usage. Tenez vos engagements, car les hommes seront interrogés sur leurs engagements. Donnez une juste mesure quand vous mesurez ; pesez avec la balance la plus exacte. [...]. Il sera sûrement demandé compte de tout : de l'ouïe, de la vue et du cœur. »[1]

A cela, nous pourrions ajouter

- la « vertu de religion », c'est-à-dire la piété, le désir de connaître et d'aimer Dieu,

- les conseils de droiture : Allah hait les traîtres (sourate 8,58),

- et les conseils d'humilité : Allah hait les orgueilleux (sourate 16,23), les arrogants (28,76), les présomptueux pleins de gloriole (31,18 ; 57,23).

La révélation chrétienne nous a enseigné ce qui est nécessaire à la vie éternelle : les vertus qui forment l'homme, ainsi que la foi et l'humilité qui l'ouvrent à la miséricorde et au salut. Ainsi, il est vrai que certains éléments de l'islam peuvent préparer à la vie éternelle.

2) L'islam : une loi non naturelle. L'islam n'arrive pas à penser l'Alliance.

L'islam pense que notre rapport à Dieu est réglé par la prophétie, et que Mahomet est le dernier des prophètes, le sceau de la prophétie. La loi est révélée par le prophète et l'auteur de la loi ne peut être que Dieu. Un auteur du XIX° siècle dit encore : « Personne qui professe l'islam ne serait aussi hardi que de considérer que la raison humaine est législatrice. »[2]. Ce qui exclut toute tentation d'associer à l'Unique quoi que ce soit d'autre, comme la nature ou la raison.

Farabi ou Al-Fârâbî (872-950) distingue bien entre les lois propre à une nation (exemple : ne pas manger de porcs) et des lois communes à tous (exemple : faire du bien à ses parents), il ne fait pas intervenir l'idée de nature[3].

L'école mou'tazilite, fondée par Wâsil Ibn Atâ ((700?-748) s'est rapprochée de l'idée d'un droit naturel[4], indépendant de la révélation, accessible par la raison. On y enseignait que la révélation divine était entièrement appréhendable par la raison humaine. Cette école fut rapidement considérés comme une secte et dominés par les ach'arites[5].

L'école ach'arites, fondée par Abû Al-Hasan Al-Ach'arî (873-935), domine dans l'orthodoxie sunnite. Elle enseigne que la loi est totalement définie par Dieu et sans aucune consistance à la nature[6]. Elle insiste sur la soumission de l'homme à Dieu. Certains ach'arites affirment même que les commandements n'ont d'autres buts que de réduire l'homme à l'obéissance[7].

Il est possible de faire le lien avec le fait que l'islam n'arrive pas à penser l'Alliance. Le Coran, qui évoque Moïse et la Vierge Marie n'a d'ailleurs repris ni le grand récit de l'Alliance au Sinaï (telle qu'elle est racontée en Exode 19), ni le consentement de Marie lors de l'Annonciation (Lc 1, 38) : dans le judéo-christianisme, la raison humaine et la révélation divine s'éclairent mutuellement, la liberté et l'obéissance se renforcent, loi et grâce marchent ensemble.

3) Il existe aussi dans l'islam des éléments très troublants.

Dans la sourate 6, l'idée de tuer côtoie celle d'aimer, dénaturant l'amour:

"Dieu aime [selon le verbe utilisé par les chrétiens] ceux qui vont jusqu'à tuer pour Lui, en rangs serrés comme s'ils étaient un édifice scellé de plomb." (Sourate 61,4).

(L'islam s'est formé comme un messianisme conquérant et guerrier, et post-chrétien. Il n'est pas donc pas rigoureux de considérer de telles sourates comme un équivalent à certains passages de l'Ancien Testament[8]).

De plus, le Coran interdit l'inceste et la pédophilie, mais il est obligé de préciser « exception faite pour le passé » (Sourate 4, 22-23) à cause de la vie de Muhammad !

Et que penser des qualités relationnelles avec les femmes (Sourate 2, 223 ; Sourate 4, 34)

4) Il existe enfin des éléments tout à fait anti-christiques, niant l'Incarnation et la rédemption par la croix. Les chrétiens sont voués à l'enfer : les chrétiens (Sourates 1, 7 ; 4,51.116 ; 5,33.72 ; etc.). Cet aspect est grave. Si une telle propagande pénètre profondément l'âme d'un musulman, saura-t-il recevoir la révélation de la Bonne nouvelle du salut quand il rencontrera le Christ à l'heure de la mort (1P 4) ?


[1] Coran, Sourate 17, 22-38 (traduction de D. Masson, Paris, 1967, p. 343-345)

[2] Abd al-Alî Muhammad al Ansarî, cité par Rémi Brague, La Loi de Dieu. Gallimard, Paris 2005, p. 271

[3] Farabi, dans Ibn al-Djawzi, Muntazam, éd. . Krenkow, Hyderabad, 1938-1940, t. VIII, p. 109-111. cité par Rémi Brague, Ibid., p. 272

[4] Cf. Cf. Commission Théologique Internationale, A la recherche d'une éthique universelle : Nouveau regard sur la loi naturelle, 20 mai 2009, § 33

[5] Rémi Brague, La Loi de Dieu. Gallimard, Paris 2005, p. 279

[6] Cf. Commission théologique internationale, A la recherche d'une éthique universelle : Nouveau regard sur la loi naturelle, 20 mai 2009, § 17

[7] Rémi Brague, La Loi de Dieu. Gallimard, Paris 2005, p. 281

[8] Quand les tribus hébraïques, semi-nomades, s'installaient progressivement en terre de Canaan, mais refusaient les rites cananéens (prostitutions sacrées, sacrifices d'enfants), il en résultait des guerres tribales menées « au nom de YHWH », et après chaque victoire, un Credo plus fort.


Françoise Breynaert