L’Eglise en devenir (Newman)

L’Eglise en devenir (Newman)

Durant sa période anglicane, J.-H. Newman (1801-1890) développe l'idée d'une tradition prophétique distincte de la tradition épiscopale :

« Le Dieu tout-puissant a placé dans son Eglise les Apôtres, ou les évêques, en premier lieu ; puis les prophètes. Les apôtres commandent et annoncent ; les Prophètes expliquent. Ils sont les interprètes de la Révélation. Ils développent et précisent les mystères, ils éclairent les sources, harmonisent son contenu, appliquent ses promesses. Leur enseignement est un vaste système qui ne se réduit pas à quelques sentences, ne se condense pas dans un code ou un traité. [...] [Cette tradition prophétique] est notoirement d'une forme différente de la tradition épiscopale, pourtant équivalente par son origine apostolique. Considérée comme un tout, elle réclame autant notre zèle à la maintenir [...] Elle est particulièrement exposée à la corruption si l'Eglise manque de vigilance. »[1]

Une fois converti à l'Eglise de Rome, Newman n'utilise plus l'expression « tradition prophétique », mais l'idée reste présente quand il parle de la place des laïcs dans l'Eglise :

« Si même dans la préparation d'une définition dogmatique, les fidèles sont consultés, comme dans le cas récent de l'Immaculée Conception, il est au moins aussi naturel de s'attendre à un acte semblable de bienveillance et de sympathie dans de grandes questions pratiques [...] Le corps des fidèles est un des témoins de la tradition . » [2] Et, commentant la période historique du IV° siècle, « la tradition divine confiée à l'Eglise infaillible fut proclamée et maintenue beaucoup plus par les fidèles que par l'épiscopat. »[3]

N.B. Cette réflexion de Newman sur la place des laïcs dans l'Eglise a été suscitée par des discussions sur l'éducation et la mixité (anglicans-catholiques) des instituts.

Newman valorise la théologie :

« On a toujours besoin de théologie pour maintenir en de justes limites les éléments politiques et populaires qui font partie de la structure de l'Eglise. Ces éléments, beaucoup plus conformes à l'esprit humain que la théologie elle-même, sont beaucoup plus sujets aux excès et à la corruption. »[4]

Mais il est important de discerner le moment opportun :

« Si vous faites au mauvais moment ce qui en soi est juste, vous pouvez devenir hérétique ou schismatique. Mon but est peut-être vrai et bon ; mais dans la volonté de Dieu il se peut qu'il s'accomplira cent ans plus tard... Après moi, peut-être verra-t-on ceux là - qui m'en ont empêché - accomplir l'œuvre que j'aurais pu faire. »[5]

« Les intérêts de la paix et de l'unité sont une voie plus sûre pour parvenir à une décision doctrinale que les méthodes purement théologique. » [6]

Cette sagesse de Newman, ce respect de « l'heure de Dieu », ressemble à la sagesse de la Vierge Marie qui a respecté les trente années de vie « cachée » à Nazareth, et qui a accepté à Cana que son Fils lui dise « mon heure n'est pas encore venue » (Jn 2, 4-5). Marie a vécu son pèlerinage de la foi au rythme de Dieu.

Les réflexions de Newman sur la conscience le conduisent à défendre l'infaillibilité pontificale en même temps que le rôle des laïcs. Cf. article "Le pape (Newman)"


[1] J.-H. Newman, Via media, I, Lecture X, p. 250

[2] J.-H. Newman, dans la revue "Rambler" mai 1859. donné dans L&D XIX, p. 129, ou dans Pensées sur l'Eglise, Cerf, Paris, p. 402-439.

[3] Ibid.

[4] J.-H. Newman, Lettre à Lidon, dans Pensées sur l'Eglise, Cerf, Paris, p. 314-315

[5] J-H Newman, Lettre à Henry Wilberforce, 17 juillet 1659.

[6] J.-H. Newman, Lettre à Lidon, dans Pensées sur l'Eglise, Cerf, Paris, p. 339

Françoise Breynaert

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