Marie Hélène Mathieu, Foi et lumière

Marie Hélène Mathieu, "Foi et lumière"

L’expérience de cette grande dame, qui reçut une formation d’éducatrice spécialisée, l’a conduite à être en toutes circonstances le porte-parole des familles touchées par le handicap, afin qu’elles ne connaissent plus le drame trop fréquent de la solitude.

« Le sens de toute vie, dit-elle, c’est de donner vie. Peu importe la forme que prend ce don, il implique des détachements, des souffrances qu’on ne peut nier. »

« Mieux vaut mourir usé que rouillé », confiait le Père Henri Bissonnier, professeur d’orthopédagogie, à son élève Marie-Hélène Mathieu. Il mourut à 93 ans, au terme d’une vie ô combien généreuse. Après des années d’une existence marquée par une intrépidité hors norme, elle fait, elle aussi, un excellent usage de cet adage.

   Femme debout, passionnée par les autres, et dont la foi transparente se communique aussi simplement que vous éclaire une bougie, elle serait plutôt du genre inoxydable, tant il est vrai que « lorsqu’on aime, il n’y a pas de peine, et s’il y a de la peine, on aime cette peine », une parole qu’elle a faite sienne. Alors, oui, la fatigue apparaît secondaire. Et si usure il y a, celle-ci concerne rarement l’état de l’âme. Dans son bureau parisien de l’Office chrétien des personnes handicapées (OCH), qu’elle a fondé en 1963 et qu’elle a dirigé jusqu’en 1996, la voici, comme elle dit joliment, « au service... ».

   Au service des personnes handicapées... et des parents de ces enfants blessés dans leur corps ou dans leur intelligence : « Je n’ai pas connu dans ma chair la douleur d’avoir un enfant handicapé, mais j’ai essayé de la rejoindre, de la partager, de l’alléger par la compassion, la consolation. Souvent, j’ai admiré le courage parfois héroïque, la fidélité, la tendresse de nombreux parents. »

   Avec eux, pour eux, elle a suscité tour à tour la revue Ombres et Lumière, les permanences d’accueil de Paris et de Lourdes, le mouvement « Relais d’amitié et de prière » pour les proches de malades psychiques et bien d’autres initiatives, essayant à chaque détresse de donner une réponse, si petite soit-elle. Mieux vaut allumer une lampe que maudire l’obscurité, c’est le titre de son premier ouvrage. […]

   Dans les communautés Foi et lumière qu’elle fonde avec Jean Vanier en 1971, elle découvre à quel point s’impose, pour le bien de tous, « un climat de simplicité, de dignité, de communion et d’intérêt pour chaque personne ». L’éducatrice spécialisée, entendant parler de « cet officier qui abandonne la marine pour faire de la philosophie et vivre avec des personnes handicapées mentales », en bonne professionnelle, se montre plutôt sceptique.

   Puis elle se laisse convaincre d’aller le rencontrer à l’Arche (à Trosly-Breuil, près de Compiègne) :

« J’ai tout de suite été touchée par la simplicité de ce petit foyer où l’on ne distinguait pas au premier coup d’oeil qui était handicapé et qui ne l’était pas, où l’on faisait la vaisselle ensemble. J’ai vite perçu que la vision et l’action de Jean Vanier étaient essentielles. »

   De la rencontre de ces deux assoiffés de l’Évangile, certains que le don de l’amour est le premier besoin des plus petits, ont éclos aujourd’hui quelque 1 500 communautés Foi et Lumière, présentes dans 75 pays.

   N’empêche : même si, depuis les années 1960, de considérables avancées ont été réalisées, reconnaît Marie-Hélène Mathieu qui évoque notamment la loi du 11 février 2002 sur « l’indépendance et l’égalité des chances, des droits et de la citoyenneté des personnes handicapées », « leur plus grand besoin, ce n’est pas d’être autonomes, mais de se savoir aimées, de pouvoir aimer et de se sentir utiles ». […]

LOUIS DE COURCY, La Croix du 23 décembre 2006