170 - Deuxième sermon sur la Montagne : le don de la grâce et les Béatitudes. (lundi 14 fébrier 28)

Evangiles

Date :

Lundi 14 février 28

Lieu :

Cornes d'Hattin

 

Vision de Maria Valtorta :

170.1 Jésus s’adresse aux apôtres en leur assignant à chacun une place pour diriger et surveiller la foule qui monte dès les premières heures de la matinée, avec des malades portés sur les bras ou sur des brancards, ou qui se traînent avec des béquilles. Dans la foule, il y a Etienne et Hermas.

L’air est pur et un peu frais, mais le soleil a vite fait de tempérer cet air de montagne un peu vif. C’est tout avantage, car le soleil donne à l’air une pureté, une fraîcheur qui n’est pas désagréable.

Les gens s’assoient sur des pierres ou des rochers épars dans le vallon entre les deux crêtes. Certains attendent que le soleil ait séché l’herbe humide de rosée pour s’asseoir à même le sol. Il y a une foule nombreuse – de toutes conditions –, venue de toutes les régions de Palestine. Les apôtres sont perdus dans la foule, mais telles des abeilles qui vont et viennent des prés à la ruche, ils reviennent de temps à autre auprès du Maître, pour le renseigner, le questionner, ou pour avoir le plaisir que le Maître les regarde de près.

Jésus monte un peu plus haut que le pré qui s’étend au fond du vallon, s’adosse à la paroi d’un rocher et commence à parler.

170.2 « Plusieurs m’ont demandé pendant une année de prédication : “ Mais, toi qui te dis le Fils de Dieu, dis-nous ce qu’est le Ciel, ce qu’est le Royaume, qui est Yahvé, car nous avons des idées confuses. Nous savons que le Ciel existe, avec Dieu et les anges. Mais personne n’est jamais venu nous dire comment il est, puisqu’il est fermé aux justes. ”

On m’a même demandé ce qu’est le Royaume et qui est Dieu. Et je me suis efforcé de vous l’expliquer. Je dis “ efforcé ”, non parce qu’il m’était difficile d’en parler, mais parce qu’il est compliqué, pour tout un ensemble de raisons, de vous faire accepter une vérité qui se heurte, en ce qui concerne le Royaume, à tout un édifice d’idées accumulées au cours des siècles, et en ce qui concerne Dieu à la sublimité de sa nature.

D’autres encore m’ont demandé : “ D’accord pour ce qui est du Royaume et de Dieu. Mais comment les conquérir ? ” Là encore, j’ai cherché à vous expliquer inlassablement l’esprit véritable de la Loi du Sinaï. Celui qui fait sien cet esprit s’approprie le Ciel. Or pour vous expliquer la Loi du Sinaï il faut aussi faire entendre le ton sévère du législateur et de son prophète : s’ils promettent des bénédictions à ceux qui l’observent, ils menacent de peines terribles et de malédictions ceux qui désobéissent. La manifestation du Sinaï fut terrible et cette terreur se reflète dans toute la Loi, dans tous les siècles et dans toutes les âmes.

Mais Dieu n’est pas seulement législateur. Il est Père. Et un Père d’une immense bonté.

Peut-être, et même sans aucun doute, vos âmes affaiblies par le péché originel, par les passions, les péchés, les égoïsmes de toutes sortes en vous et chez les autres – les vôtres vous ferment l’âme et ceux des autres vous l’irritent –, ne peuvent s’élever à la contemplation des infinies perfections de Dieu, et de la bonté encore moins que de toute autre, car c’est, avec l’amour, la vertu qui est le moins le partage des mortels. La bonté ! Ah ! Quelle douceur d’être bon, sans haine, sans envie, sans orgueil ! Avoir des yeux qui ne regardent que pour aimer, des mains qui ne se tendent que pour des gestes d’amour, des lèvres qui ne profèrent que des mots d’amour, et surtout un cœur, un cœur uniquement rempli d’amour qui force les yeux, les mains, et les lèvres à des actes d’amour !

170.3 Les plus savants d’entre vous savent de quels dons Dieu avait doté Adam, pour lui-même et pour ses descendants. Même les fils d’Israël les plus ignorants savent que nous possédons une âme. Seuls les pauvres païens ignorent cet hôte royal, ce souffle de vie, cette lumière céleste qui sanctifie et vivifie notre corps. Mais les plus savants savent quels dons avaient été accordés à l’homme, à l’esprit de l’homme.

Dieu n’a pas été moins généreux pour l’âme que pour la chair et le sang de la créature qu’il avait faite avec un peu de boue et avec son souffle. Il a attribué les dons naturels de beauté et d’intégrité, d’intelligence et de volonté, la capacité de s’aimer soi-même et d’aimer les autres ; pareillement, il a accordé les dons moraux et la soumission des sens à la raison. Ainsi, le pervers esclavage des sens et des passions ne s’insinuait pas dans la liberté et la maîtrise de soi et de la propre volonté dont Dieu avait doté Adam : libre était l’amour de soi, libre la volonté, libre une juste jouissance qui ne vous rend pas esclaves en vous faisant sentir la morsure de ce poison que Satan a répandu et qui déborde, en vous détournant du lit limpide pour vous mener sur des terrains fangeux, dans des marais malsains où fermentent les fièvres des sens charnels et des sens moraux : cela, pour que vous sachiez que la concupiscence de la pensée provient aussi de la sensualité. Qui plus est, ils reçurent des dons surnaturels, à savoir la grâce sanctifiante, le destin supérieur, la vision de Dieu.

170.4 La grâce sanctifiante est la vie de l’âme, cette greffe de vie surnaturelle déposée dans notre âme spirituelle. La grâce vous rend enfants de Dieu car elle vous préserve de la mort du péché, et celui qui n’est pas mort “ vit ” dans la maison du Père – le Paradis –, dans mon Royaume – le Ciel –. Qu’est-ce que cette grâce qui sanctifie et qui procure Vie et Royaume ? N’employez pas une foule de mots : la grâce, c’est l’amour. Par conséquent, la grâce, c’est Dieu. C’est Dieu qui s’admire dans la créature qu’il a créée parfaite, et ce faisant s’y aime, s’y contemple, s’y désire, se donne ce qui est sien pour multiplier ce qu’il a, pour jouir de cette multiplication, pour s’aimer en tant d’êtres qui sont d’autres lui-même.

Ah ! Mes enfants, ne frustrez pas Dieu de ce qui est son droit ! Ne dépouillez pas Dieu de son bien ! Ne décevez pas le désir de Dieu ! Pensez qu’il agit par amour. Même si vous n’existiez pas, il serait toujours l’Infini et sa puissance n’en serait pas diminuée. Mais, bien qu’étant complet dans une mesure infinie, sans mesure, il veut, non pas pour lui ni en lui – il ne le pourrait pas puisqu’il est déjà l’Infini – mais c’est pour le créé, pour sa créature, qu’il veut augmenter l’amour, et cela bien que ce créé contienne déjà ce qui permet de donner la grâce : l’Amour, pour que vous le portiez en vous à la perfection des saints et pour que vous reversiez ce trésor, tiré du trésor que Dieu vous a accordé avec sa grâce et augmenté de toutes vos œuvres saintes, de toute votre vie héroïque de saints, dans l’océan infini où Dieu se trouve : au Ciel.

Divines, trois fois divines citernes de l’Amour ! Voilà ce que vous êtes. Et votre être ne connaît pas la mort car, étant dieux[10], vous êtes éternels comme Dieu. Vous existerez et votre être ne con­naîtra pas de fin, parce que vous êtes immortels comme les esprits saints qui vous ont suralimentés, en revenant en vous enrichis de vos propres mérites. Vous vivez et nourrissez, vous vivez et enrichissez, vous vivez et formez cette très sainte chose qu’est la communion des âmes, depuis Dieu, Esprit très parfait, jusqu’au bébé qui vient de naître et prend pour la première fois le sein maternel.

Vous qui êtes savants, ne me jugez pas mal au fond de votre cœur ! Ne dites pas : “ C’est un fou ! C’est un menteur ! Il faut qu’il soit fou pour parler de la grâce en nous, puisque la Faute nous en a privés ; il ment quand il prétend que nous sommes déjà unis à Dieu. ” Oui, la Faute existe ; oui, la séparation existe. Mais devant la puissance du Rédempteur, la Faute, cette séparation cruelle survenue entre le Père et ses enfants, croulera comme une muraille ébranlée par le nouveau Samson. Déjà je l’ai saisie, je l’ébranle et elle vacille. Satan tremble de colère et d’impuissance, car il ne peut rien contre mon pouvoir et se voit arracher de nombreuses proies ; il se rend compte qu’il lui est plus difficile d’entraîner l’homme au péché. Car lorsque, par mon intermédiaire, je vous aurai amené à mon Père, et que grâce à l’effusion de mon sang et à ma douleur vous serez devenus purs et forts, la grâce reviendra en vous, vivante, vive, puissante et, si vous le voulez, vous serez des triomphateurs.

Dieu ne vous fait pas violence, ni sur le plan de votre pensée ni sur celui de votre sanctification. Vous êtes libres. Mais il vous rend la force. Il vous délivre de la domination de Satan. A vous de reprendre le joug infernal, ou de donner à votre âme des ailes d’ange. Tout dépend de vous pour me prendre comme frère afin que je vous guide et vous nourrisse d’une nourriture immortelle.

170.5 Vous dites : “ Comment conquérir Dieu et son Royaume en suivant une autre voie plus douce que la voie sévère du Sinaï ? ”

Il n’y a pas d’autre chemin que celui-là. Néanmoins, ne le regardons pas sous le jour de la menace, mais sous le jour de l’amour. Ne disons pas : “ Malheur à moi si je ne fais pas ceci ! ” en restant tremblants dans l’attente du péché, que nous pensons inévitable. Mais disons : “ Bienheureux serai-je si je fais ceci ! ” Dans un élan de joie surnaturelle, joyeux, élançons-nous vers ces béatitudes qui naissent de l’observation de la Loi, comme les roses naissent dans un buisson épineux.

“ Bienheureux si je suis pauvre en esprit : le Royaume des Cieux est à moi !

Bienheureux si je suis doux : j’obtiendrai la terre en héritage !

Bienheureux si je suis capable de pleurer sans me révolter : je serai consolé !

Bienheureux si j’ai faim de justice, plus que du pain et du vin qui rassasient la chair : la Justice me rassasiera !

Bienheureux si je suis miséricordieux : la miséricorde divine s’appliquera à moi !

Bienheureux si je suis pur de cœur : Dieu se penchera sur mon cœur pur, et je le verrai !

Bienheureux si j’ai l’esprit de paix : Dieu m’appellera son fils ; car je serai dans la paix et l’amour, et Dieu est l’Amour qui aime ceux qui lui sont semblables !

Bienheureux si, par fidélité à la justice, je suis persécuté : pour me dédommager des persécutions de la terre, Dieu, mon Père, me donnera le Royaume des Cieux !

Bienheureux si je suis outragé et accusé à tort pour savoir être ton fils, ô Dieu ! Ce n’est pas la désolation, mais la joie que cela doit m’apporter, car cela me mettra au niveau de tes meilleurs serviteurs, les prophètes, qui furent persécutés pour la même raison et avec lesquels je crois fermement que je partagerai la même récompense, grande, éternelle, dans le Ciel qui m’appartient ! ”

Tel est le regard que nous devons porter sur le chemin du salut, à travers la joie des saints.

170.6 “ Bienheureux serai-je si je suis pauvre en esprit. ”

Ah ! Fièvre satanique des richesses, à quels délires tu conduis les hommes ! Les riches comme les pauvres : le riche qui vit pour son or, idole infâme de son âme en ruines ; le pauvre qui vit dans la haine du riche qui possède l’or : même s’il ne se rend pas matériellement homicide, il profère ses anathèmes contre les riches, leur souhaitant toutes sortes de maux. Il ne suffit pas de ne pas commettre le mal, il faut encore ne pas désirer le faire. Celui qui maudit en souhaitant malheurs et mort n’est pas bien différent de celui qui tue matériellement, car il porte en lui le désir de voir périr celui qu’il hait. En vérité, je vous dis que le désir n’est qu’un acte que l’on retient, comme le fruit d’une conception, déjà formé mais pas encore expulsé. Le désir mauvais empoisonne et corrompt, car il dure plus longtemps que l’acte violent et s’enracine donc plus profondément.

Même si l’homme pauvre en esprit est matériellement riche, il ne pèche pas à cause de son or, mais grâce à lui, il réalise sa sanctification parce qu’il le transforme en amour. Il est aimé et béni : il ressemble à ces sources qui sauvent les voyageurs dans les déserts et qui s’offrent sans avarice, heureuses de pouvoir se donner pour soulager ceux qui désespèrent. S’il est réellement pauvre, il est heureux dans sa pauvreté et trouve son pain agréable. Il est joyeux car il échappe à la fièvre de l’or, son sommeil ignore les cauchemars et il se lève frais et dispos pour se mettre tranquillement à son travail, qui lui est léger parce qu’il le fait sans avidité ni envie.

Ce qui enrichit l’homme, c’est matériellement son or, moralement ses affections. Sous le terme “ or ”, on comprend non seulement les ressources pécuniaires, mais aussi les maisons, les terres, les bijoux, les meubles, les troupeaux, en somme tout ce qui rend la vie matériellement aisée. Les richesses morales consistent dans les liens de parenté ou de mariage, les amitiés, les richesses intellectuelles, les charges publiques. Comme vous le voyez, pour la première catégorie le pauvre peut dire : “ Oh, pour moi, il me suffit de ne pas envier celui qui possède et je me contente de la situation de pauvreté qui m’est imposée ” ; pour la seconde, le pauvre doit encore se surveiller, car le plus misérable des hommes peut devenir coupable si son esprit n’est pas détaché. Celui qui s’attache immodérément à quoi que ce soit pèche.

Vous direz : “ Dans ce cas, devons-nous haïr le bien que Dieu nous a accordé ? Pourquoi donc ordonne-t-il d’aimer son père, sa mère, son épouse, ses enfants et pourquoi dit-il : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’ ? ”

Il faut distinguer. Nous devons aimer notre père, notre mère, notre épouse et notre prochain, mais dans la mesure que Dieu nous a fixée : “ comme nous-mêmes ”. Tandis que Dieu doit être aimé par-dessus tout et de tout notre être. Nous ne devons pas aimer Dieu comme nous aimons ceux qui nous sont les plus chers : une telle parce qu’elle nous a allaités, telle autre parce qu’elle dort sur notre poitrine et nous donne des enfants, mais nous devons l’aimer de tout notre être, en d’autres termes avec toute la capacité d’aimer qui existe en l’homme : amour de fils, amour d’époux, amour d’ami et – ne vous scandalisez pas – amour de père. Oui, nous devons prendre le même soin des intérêts de Dieu qu’un père de ses enfants, pour lesquels il veille avec amour sur ses biens et les accroît, et s’occupe et se soucie de sa croissance physique et culturelle ainsi que de sa réussite dans le monde.

L’amour n’est pas un mal et ne doit pas le devenir. Les grâces que Dieu nous accorde ne sont pas un mal et ne doivent pas le devenir. Elles sont amour. C’est par amour qu’elles sont données. C’est avec amour qu’il faut user de ces richesses d’affections et de biens que Dieu nous accorde. Et seul celui qui ne s’en fait pas des idoles, mais des moyens pour servir Dieu dans la sainteté, montre qu’il n’a pas d’attachement coupable à ces biens. Il pratique alors la sainte pauvreté d’esprit qui se dépouille de tout pour être plus libre de conquérir le Dieu saint, la suprême richesse. Or conquérir Dieu, c’est posséder le Royaume des Cieux.

170.7 “ Bienheureux serai-je si je suis doux. ”

Cela peut sembler contraster avec les exemples que nous donne la vie quotidienne. Ceux qui manquent de douceur semblent triompher dans les familles, dans les villes et les nations. Mais est-ce là un vrai triomphe ? Non. C’est la peur qui tient soumis en apparence les hommes accablés par un despote, mais, en réalité, ce n’est qu’un voile qui dissimule le bouillonnement de la révolte contre le tyran. Les coléreux et les dominateurs ne possèdent pas le cœur de leurs proches, ni de leurs concitoyens, ni de leurs sujets. Les maîtres du “ je l’ai dit, point final ” ne soumettent pas les intelligences et les esprits à leurs enseignements : ils ne forment que des autodidactes, des gens qui recherchent une clé qui puisse ouvrir les portes closes d’une sagesse ou d’une science dont ils soupçonnent l’existence et qui est opposée à celle qu’on leur impose.

Les prêtres n’amènent personne à Dieu si, au lieu d’aller à la conquête des âmes avec une douceur patiente, humble et aimante, ils ressemblent à de féroces guerriers armés qui partent à l’attaque, tant ils marchent avec violence et intransigeance contre les âmes… Pauvres âmes ! Si elles étaient saintes, elles n’auraient pas besoin de vous, prêtres, pour trouver la Lumière. Elles l’auraient déjà en elles. Si elles étaient justes, elles n’auraient pas besoin de vous, juges, pour être retenues par le frein de la justice. Elles l’auraient déjà en elles. Si elles étaient en bonne santé, elles n’auraient besoin de personne pour les soigner. Soyez donc doux. Ne mettez pas les âmes en fuite. Attirez-les par l’amour, car la douceur c’est de l’amour, tout comme la pauvreté d’esprit.

Si vous êtes doux, vous obtiendrez la terre en héritage. Vous amènerez à Dieu ce domaine qui appartenait à Satan. Car votre douceur, qui est aussi amour et humilité, aura vaincu la haine et l’orgueil en tuant dans les âmes le roi abject de l’orgueil et de la haine ; alors le monde vous appartiendra et donc appartiendra à Dieu, car vous serez les justes qui reconnaissent Dieu comme le Maître absolu de la création, à qui l’on doit adresser louange et bénédiction et rendre tout ce qui lui appartient.

170.8 “ Bienheureux serai-je si je sais pleurer sans me révolter. ”

La souffrance existe sur terre, elle arrache des larmes à l’homme. La souffrance n’existait pas. Mais l’homme l’a apportée sur la terre et, par la dépravation de son intelligence, il s’efforce de la faire croître de toutes les façons. Il y a déjà les maladies, les malheurs qu’amènent la foudre, la tempête, les avalanches, les tremblements de terre ; mais voilà que l’homme, pour souffrir et surtout pour faire souffrir – car nous voudrions que ce soient les autres et non pas nous-mêmes qui pâtissent des moyens étudiés pour faire souffrir –, voilà donc que l’homme invente des armes meurtrières toujours plus terribles et des tortures morales toujours plus astucieuses. Que de larmes l’homme n’arrache-t-il pas à l’homme à l’instigation de son roi secret, Satan ! Et pourtant, en vérité je vous dis que ces larmes n’amoindrissent pas l’homme, mais le perfectionnent.

L’homme est un enfant distrait, un étourdi superficiel, un être d’intelligence tardive jusqu’à ce que ses épreuves en fassent un adulte, réfléchi, intelligent. Seuls ceux qui pleurent ou ont pleuré savent aimer et comprendre : aimer ses frères qui pleurent comme lui, comprendre leurs douleurs, les aider avec une bonté qui a éprouvé comme cela fait mal d’être seul quand on pleure. Et ils savent aimer Dieu, car ils ont compris que tout est souffrance excepté Dieu, que la douleur s’apaise si on pleure sur le cœur de Dieu, et que les larmes résignées qui ne détruisent pas la foi, qui ne rendent pas la prière aride et qui ne connaissent pas la révolte, changent de nature et cessent d’être douleur pour devenir consolation.

Oui : ceux qui pleurent en aimant le Seigneur seront consolés.

170.9 “ Bienheureux serai-je si j’ai faim et soif de justice. ”

De sa naissance à sa mort, l’homme est avide de nourriture. Il ouvre la bouche à sa naissance pour prendre le sein, il ouvre les lèvres pour absorber de quoi se restaurer dans les étreintes de l’agonie. Il travaille pour se nourrir. La terre est pour lui comme un sein gigantesque auquel il demande incessamment sa nourriture pour ce qui meurt. Mais qu’est-ce que l’homme ? Un animal ? Non, c’est un fils de Dieu. En exil pendant des années plus ou moins nombreuses, mais sa vie n’est pas finie quand il change de demeure.

Il y a une vie à l’intérieur de la vie comme le cerneau dans une noix. Ce n’est pas la coque qui est la noix, mais c’est le cerneau intérieur. Si vous semez une coque de noix, rien ne pousse, mais si vous semez la coque avec la pulpe, il naît un grand arbre. Ainsi en est-il de l’homme. Ce n’est pas la chair qui devient immortelle, mais l’âme. Et il faut la nourrir pour l’amener à l’immortalité à laquelle, par amour, elle peut amener la chair à la résurrection bienheureuse. La nourriture de l’âme, c’est la sagesse et la justice. On les absorbe comme un liquide et un mets fortifiants. Et plus on s’en nourrit, plus augmente la sainte avidité de posséder la Sagesse et de connaître la Justice.

Mais il viendra un jour où l’âme, insatiable de cette sainte faim, sera rassasiée. Ce jour viendra. Dieu se donnera à son enfant, il l’attachera directement à son sein, et l’enfant au paradis se rassasiera de cette Mère admirable qui est Dieu lui-même ; il ne connaîtra jamais plus la faim, mais se reposera, bienheureux, sur le sein divin. Aucune science humaine n’atteint cette science divine. La curiosité de l’intelligence peut être satisfaite, pas les besoins de l’âme. Mieux, à cause de la différence de saveur, l’âme éprouve du dégoût et détourne sa bouche du sein amer, préférant souffrir de la faim qu’absorber une nourriture qui ne provienne pas de Dieu.

N’ayez aucune crainte, vous qui êtes assoiffés ou affamés de Dieu ! Restez fidèles et vous serez rassasiés par celui qui vous aime.

170.10 “ Bienheureux serai-je si je suis miséricordieux. ”

Quel homme pourrait dire : “ Je n’ai pas besoin de miséricorde ” ? Personne. Or, s’il est dit[11] dans l’ancienne Loi : “ Œil pour œil et dent pour dent ”, pourquoi ne devrait-on pas dire dans la nouvelle : “ Qui aura été miséricordieux obtiendra miséricorde ” ? Tous ont besoin de pardon.

Eh bien, ce n’est pas la formule et la forme d’un rite qui obtiennent le pardon, car ce ne sont que des symboles extérieurs accordés à l’esprit humain opaque. Mais c’est le rite intérieur de l’amour, ou encore de la miséricorde. Car si l’on a imposé le sacrifice d’un bouc ou d’un agneau et l’offrande de quelques pièces de monnaie, c’était dû au fait qu’à la base de tout mal on trouve toujours deux racines : la cupidité et l’orgueil. La cupidité est punie par la dépense qu’il faut faire pour l’offrande, l’orgueil par la confession publique du rite : “ Je célèbre ce sacrifice parce que j’ai péché. ” Et cela se fait aussi pour annoncer les temps et les signes des temps, et le sang répandu est la figure du Sang qui sera répandu pour effacer les péchés des hommes.

Bienheureux donc celui qui sait être miséricordieux à l’égard de ceux qui sont affamés, nus, sans toit, et de ces personnes encore plus misérables dont le mauvais caractère fait souffrir à la fois elles-mêmes et ceux qui vivent avec elles. Faites preuve de miséricorde. Pardonnez, compatissez, secourez, instruisez, soutenez. Ne vous enfermez pas dans une tour de cristal en disant : “ Moi, je suis pur, et je ne descends pas parmi les pécheurs. ” Ne dites pas : “ Je suis riche et heureux et je ne veux pas entendre parler des misères d’autrui. ” Pensez que, plus vite que de la fumée dispersée par un grand vent, votre richesse, votre santé ou votre aisance familiale peuvent se dissiper. Et rappelez-vous que le cristal fait office de loupe et que ce qui serait passé inaperçu en vous mêlant à la foule, vous ne pourrez plus le tenir caché si vous vous établissez dans une tour de cristal, seuls, à l’écart, éclairés de tous côtés.

Miséricorde pour accomplir un sacrifice d’expiation secret, continuel, saint, et obtenir miséricorde.

170.11 “ Bienheureux serai-je si j’ai le cœur pur. ”

Dieu est pureté. Le Paradis est le royaume de la pureté. Rien d’impur ne peut entrer au Ciel où est Dieu. Par conséquent, si vous êtes impurs, vous ne pourrez entrer dans le Royaume de Dieu. Mais, ô joie ! Joie anticipée que Dieu accorde à ses fils ! L’homme pur possède dès cette terre un commencement de Ciel, car Dieu se penche sur celui qui est pur, et l’homme qui vit sur la terre voit son Dieu. Il ne connaît pas la saveur des amours humaines, mais il goûte, jusqu’à l’extase, la saveur de l’amour divin. Il peut dire : “ Je suis avec toi et tu es en moi. Je te possède donc et je te connais comme l’époux très aimable de mon âme. ” Et, sachez-le bien, celui qui possède Dieu subit de substantiels changements, inexplicables à lui-même, qui le rendent saint, sage, fort. Sur ses lèvres s’épanouissent des paroles, et ses actes acquièrent une puissance qui n’est pas celle de la créature, mais celle de Dieu qui vit en elle.

Qu’est la vie de celui qui voit Dieu ? Béatitude. Et vous voudriez vous priver d’un pareil don par une fétide impureté ?

170.12 “ Bienheureux serai-je si j’ai un esprit pacifique. ”

La paix est l’une des caractéristiques de Dieu. Dieu n’est que dans la paix. Car la paix est amour, alors que la guerre est haine. Satan, c’est la Haine. Dieu, c’est la Paix. Personne ne peut se dire enfant de Dieu, et Dieu ne peut reconnaître pour fils un homme s’il a un esprit irascible, toujours prêt à déchaîner des tempêtes. Plus encore, ne peut se dire enfant de Dieu celui qui, sans les déchaîner personnellement, ne contribue pas par sa grande paix à calmer les tempêtes suscitées par d’autres.

Le pacifique répand la paix, même s’il se tait. Maître de lui-même et, j’ose le dire, maître de Dieu[12], il la porte comme une lampe diffuse sa clarté, comme un encensoir répand son parfum, comme une outre épanche son précieux contenu. Et il produit la lumière parmi les nuées fumantes des rancœurs, il purifie l’air des miasmes des aigreurs, il calme les flots furieux des querelles par cette huile suave qu’est l’esprit de paix qui émane des enfants de Dieu.

Faites en sorte que Dieu et les hommes puissent vous appeler ainsi.

170.13 “ Bienheureux serai-je si je suis persécuté à cause de mon amour de la justice. ”

L’homme est tellement “ satanisé ” qu’il hait le bien partout où il se trouve, il hait l’homme bon, comme si celui-ci, jusque par son silence, l’accusait et lui faisait des reproches. En effet, la bonté d’une personne fait paraître encore plus noire la méchanceté du méchant. La foi du vrai croyant fait ressortir encore plus vivement l’hypocrisie du faux croyant. Celui qui, par sa manière de vivre, témoigne sans cesse en faveur de la justice ne peut pas ne pas être détesté par ceux qui sont injustes. C’est alors qu’on se déchaîne contre ceux qui aiment la justice.

Il en va comme pour les guerres. L’homme progresse dans l’art satanique de persécuter plus qu’il ne progresse dans l’art saint de l’amour. Mais il ne peut que persécuter ceux dont la vie est brève. La partie éternelle de l’homme échappe aux pièges et acquiert ainsi une vitalité encore plus vigoureuse du fait de la persécution. La vie s’enfuit par les blessures qui saignent ou sous les privations qui épuisent le persécuté, mais le sang fait la pourpre du futur roi et les privations sont autant d’échelons pour s’élever jusqu’aux trônes que le Père a préparés pour ses martyrs, auxquels sont réservés les sièges royaux du Royaume des Cieux.

170.14 “ Bienheureux serai-je si on m’outrage et me calomnie. ”

Ne faites que ce qui peut mériter l’inscription de votre nom dans les livres célestes, là où les noms ne sont pas notés en fonction des mensonges des hommes et les louanges décernées à ceux qui les méritent le moins. En revanche, les œuvres des bons y sont inscrites avec justice et amour pour qu’ils puissent recevoir la récompense promise à ceux qui sont bénis de Dieu.

Jusqu’à présent, on a calomnié et outragé les prophètes. Mais quand s’ouvriront les portes des Cieux, ils entreront comme des rois imposants dans la Cité de Dieu et les anges s’inclineront devant eux en chantant de joie. Vous aussi, vous aussi, outragés et calomniés pour avoir appartenu à Dieu, vous parviendrez au triomphe céleste et quand le temps sera fini et le Paradis rempli, alors toute larme vous sera chère parce que, par elle, vous aurez conquis cette gloire éternelle qu’au nom du Père je vous promets.

Allez. Demain, je vous parlerai encore. Que restent seulement les malades pour que je les secoure de leurs peines. Que la paix soit avec vous, et que la méditation du salut par le moyen de l’amour vous mette sur la route qui aboutit au Ciel. »

 

[10] étant dieux : sur une copie dactylographiée, Maria Valtorta renvoie à Ps 82, 6 ; Rm 8, 16 ; 2P 1, 4. Elle explique par la note suivante l’expression tant d’êtres qui sont d’autres lui-même employée un peu plus haut : « Saint Thomas d’Aquin dit justement que Dieu n’aurait pu faire de plus grandes œuvres divines que les trois qu’il a faites : l’incarnation de son Fils, la Maternité de la Vierge et la déification de l’âme humaine. Et saint Augustin écrit : “ Les âmes sont divinement associées, par l’intermédiaire du Père, au mystère de la génération éternelle, et par le Père et le Fils, à la spiration de l’Esprit Saint. ” Par conséquent, l’âme déifiée par la grâce est divinisée par participation aux trois Personnes divines : c’est là le chef-d’œuvre de l’Amour infini qui nous élève de l’état de créature à celui de créatures divinisées. »

[11] il est dit : voir Ex 21, 24-25 ; Lv 24, 19-20 ; Dt 19, 21. C’est ce que l’on appelle la “ loi du talion ”, qui sera citée à d’autres reprises, de 171.4 à 566.9.

[12] maître de Dieu, parce que, comme Maria Valtorta explique dans une note sur une copie dactylographiée, Les pacifiques sont tout amour, car l’amour inspire des sentiments de paix, et la paix rétablit l’amour entre les frères que leurs égoïsmes ont troublés. Dieu aime donc tellement les pacifiques qu’il paraît réellement se mettre à leur service pour les aider dans ce ministère de paix qui répand entre les hommes l’un de ses attributs les plus doux.