288 - Le discours aux habitants de Gérasa, et l’éloge d’une femme à la Mère de Jésus (vendredi 6 octobre 28)

Evangiles

Date :

Vendredi 6 octobre 28

Lieu :

Gérasa

 

Vision de Maria Valtorta :

288.1 Il croyait être inconnu ! Quand, le lendemain matin, il pose le pied hors du magasin d’Alexandre, il trouve déjà des personnes qui l’attendent. Jésus est avec les seuls apôtres : les femmes et les disciples sont restés à la maison à se reposer. Les gens le saluent et l’entourent en lui disant qu’ils le connaissent parce qu’ils ont entendu parler un homme guéri de la possession diabolique. Ce dernier est actuellement absent parce qu’il est parti avec deux disciples passés par là quelques jours auparavant.

Jésus écoute avec bienveillance tous ces discours, en marchant à travers la ville qui présente souvent des zones où l’on entend un furieux fracas de chantiers. Maçons, terrassiers, tailleurs de pierres, forgerons, menuisiers travaillent à construire, à aplanir ou à combler des terrains de niveaux différents, à dégrossir des pierres pour les murs, à travailler le fer pour différents usages, à scier, à raboter, à façonner des pieux avec des troncs robustes.

Jésus passe et regarde, il franchit un pont jeté sur un petit torrent bruyant qui passe juste au milieu de la ville ; les maisons se sont alignées sur les deux rives avec la prétention de former un quai. Il monte ensuite vers la partie haute de la cité qui est un peu en dénivellation, de sorte que le côté sud-ouest est plus élevé que le côté nord-est, mais tous deux sont plus hauts que le centre de la ville, coupée en deux par le petit cours d’eau.

La vue est belle à l’endroit où s’est arrêté Jésus. On voit toute l’agglomération, relativement grande ; par-derrière, à l’orient, au midi et à l’occident, se trouve un fer à cheval de collines en pente douce toutes vertes, alors qu’au nord la vue s’étend sur une plaine découverte et vaste qui présente à l’horizon un relief léger qu’on peut difficilement appeler collines, tout blondi par le soleil matinal. Il dore les pampres jaunâtres des vignes plantées sur cette vague de terrain comme s’il voulait adoucir la mélancolie des feuilles d’automne par le faste d’une couche de dorure.

288.2 Jésus s’émerveille et les habitants de Gérasa restent à le regarder. Jésus les conquiert en leur disant :

« Votre ville est très belle. Rendez-la belle aussi de justice et de sainteté. Les collines, le ruisseau, la verte plaine, c’est Dieu qui vous les a donnés. Rome vous aide maintenant à vous doter des maisons et de beaux édifices, mais il revient à vous seuls de donner à Gérasa le nom de ville sainte et juste.

Une ville est ce qu’en font ses habitants, parce qu’elle est une partie de la société enclose dans des murs, mais ce qui fait la ville, ce sont les habitants. La ville en elle-même ne pèche pas. Le ruisseau, le pont, les maisons, les tours ne peuvent pécher. C’est de la matière sans âme. Mais ceux qui peuvent pécher, ce sont ceux qui habitent à l’intérieur des murailles, dans les maisons, dans les boutiques, ceux qui passent sur le pont et ceux qui se baignent dans le ruisseau. On dit d’une ville san s foi ni loi : “ C’est une ville très mauvaise. ” Mais c’est une expression incorrecte : ce n’est pas la ville qui est mauvaise, ce sont ses habitants.

Ces individus qui forment, en s’unissant, une seule communauté, multiple et pourtant unique, c’est cela qui mérite le nom de ville. Maintenant, écoutez. Si dans une ville dix mille habitants sont bons et que mille seulement ne le sont pas, pourrait-on dire que cette ville est mauvaise ? Non. De même, si dans une ville de dix mille habitants, il y a beaucoup de partis et que chacun tend à faire prévaloir le sien, peut encore dire que cette ville est unie ? Non. Et pensez-vous que cette ville sera prospère ? Non, elle ne le sera pas.

Vous, habitants de Gérasa, vous êtes maintenant tous unis par le désir de faire de votre ville un chef d’œuvre. Et vous y parviendrez, parce que tous vous voulez la même chose et vous rivalisez entre vous pour atteindre ce but. Mais s’il s’élevait demain des partis différents parmi vous et que l’un vienne à dire : “ Non, il vaut mieux s’étendre vers l’occident ”, et un autre : “ Pas du tout ! Nous irons vers le nord du côté de la plaine ”, et un troisième : “ Ni ici, ni là. Nous voulons nous grouper au centre près du ruisseau ”, qu’arriverait-il ? Il arriverait que les travaux commencés s’arrêteraient, que ceux qui prêtent des capitaux les retireraient et que ceux qui ont l’intention de s’établir ici s’en iraient dans une autre localité plus unie, et ce qui est déjà fait tomberait en ruines parce que cela serait exposé aux intempéries sans être terminé à cause des divisions des habitants. C’est ainsi, oui ou non ? Vous dites que oui, et vous avez raison. Il faut donc l’entente de tous les habitants pour faire le bien de la ville et par conséquent des habitants, car dans une société son bien propre fait le bien-être de ceux qui la composent.

288.3 Mais il n’y a pas seulement la société à laquelle vous pensez, la société de ceux qui appartiennent à la même ville, ou au même pays, ou la petite et chère société de la famille. Il est une société plus vaste, infinie : celle des âmes.

Nous tous qui sommes vivants, nous avons une âme. Cette âme ne meurt pas avec le corps, mais lui survit éternellement. L’idée du Dieu Créateur, qui a donné une âme à l’homme, était que toutes les âmes humaines se rassemblent en un même lieu : le Ciel, qui constitue le Royaume des Cieux dont le monarque est Dieu et dont les sujets bienheureux auraient été les hommes, après une vie sainte et une paisible dormition. Satan est venu diviser et bouleverser, pour détruire et affliger Dieu et les âmes. Il a apporté le péché dans les cœurs et avec lui la mort pour les corps au terme de l’existence, espérant par là donner la mort aux âmes aussi. Leur mort, c’est la damnation, qui est encore existence, certes, mais une existence dépourvue de ce qui est la vraie vie et la joie éternelle, autrement dit la vision béatifique de Dieu et son éternelle possession dans la lumière éternelle. Et l’humanité se divisa dans ses volontés comme une société se divise en partis contraires. Et en agissant ainsi, elle alla à sa perdition.

Je l’ai dit[94] ailleurs à ceux qui m’accusaient de chasser les démons avec l’aide de Belzébuth : “ Tout royaume divisé en lui-même ira à sa ruine. ” En effet, si Satan se chassait lui-même, son royaume de ténèbres et lui iraient à leur ruine.

Moi, en raison de l’amour que Dieu a pour l’humanité créée par lui, je suis venu rappeler qu’un seul Royaume est saint : celui des Cieux. Je suis venu le prêcher pour que les meilleurs ac­courent vers lui. Ah ! Je voudrais que tous, même les plus mauvais, y viennent en se convertissant, en se délivrant du démon qui les tient manifestement esclaves, par les possessions, non seulement spirituelles mais aussi corporelles, ou secrètement dans celles qui ne sont que spirituelles. C’est pour cela que je vais, guérissant les malades, chassant les démons des corps possédés, convertissant les pécheurs, pardonnant au nom du Seigneur, instruisant en vue du Royaume, accomplissant des miracles pour vous persuader de mon pouvoir et de mon union avec Dieu. Car on ne peut faire des miracles si on n’a pas Dieu pour ami. C’est pourquoi, si je chasse les démons par le doigt de Dieu, si je guéris les malades, si je purifie les lépreux, si je convertis les pécheurs, si j’annonce le Royaume, si j’enseigne comment y parvenir, si j’y appelle au nom de Dieu, et si la bienveillance de Dieu est clairement et manifestement avec moi – seuls les ennemis déloyaux peuvent dire le contraire –, tout cela est le signe que le Royaume de Dieu est arrivé parmi vous et doit être construit, car voici venue l’heure de sa fondation.

288.4 Comment le Royaume de Dieu se fonde-t-il dans le monde et dans les cœurs ? Par le retour à la Loi mosaïque et par sa connaissance exacte si on l’ignore, et surtout par l’application totale de la Loi à soi-même, dans tout événement et à tout moment de la vie. Quelle est cette Loi ? Est-elle sévère au point d’en être impraticable ? Non. C’est un ensemble de dix préceptes saints et faciles que l’homme moralement bon, vraiment bon, a conscience qu’il faut observer, même s’il est enseveli sous l’inextricable toit végétal des forêts les plus impénétrables de l’Afrique mysté­rieuse. Elle dit :

“ Je suis le Seigneur ton Dieu et il n’y a pas d’autre Dieu que moi.

Ne prononcez pas le Nom du Seigneur inutilement.

Respectez le sabbat selon le commandement de Dieu et le besoin de la créature.

Honorez votre père et votre mère afin de vivre longuement et d’obtenir du bien sur la terre et dans le Ciel.

Ne tuez pas.

Ne volez pas.

Ne commettez pas d’adultère.

Ne portez pas de faux témoignages contre votre prochain.

Ne désirez pas la femme d’autrui.

N’enviez pas ce que possède autrui. ”

Quel est l’homme à l’âme bonne, même si c’est un sauvage, qui n’en vient pas à se dire à la vue de ce qui l’entoure : “ Tout cela n’a pu se faire tout seul. Il y a donc Quelqu’un de plus puissant que la nature et que l’homme lui-même, qui a fait cela ” ? Et il adore cet Etre puissant dont il connaît ou ne connaît pas le Nom très saint, mais dont il pressent l’existence. Il en a un tel respect que, en prononçant le nom qu’il lui a donné ou qu’on lui a appris à dire pour le nommer, il tremble de crainte et a conscience de le prier rien qu’à le nommer avec révérance. En fait, c’est une prière de prononcer le Nom de Dieu dans l’intention de l’adorer ou de le faire connaître à ceux qui l’ignorent.

De même aussi par simple prudence morale, tout homme sent qu’il doit accorder du repos à ses membres pour qu’ils résistent tant que dure la vie. Avec plus de raison, l’homme qui n’ignore pas le Dieu d’Israël, le Créateur et Seigneur de l’univers, a conscience qu’il doit consacrer ce repos animal au Seigneur pour ne pas être semblable à une bête de somme fatiguée, qui se repose sur sa litière en mâchant de l’avoine entre ses dents robustes.

Le sang lui-même crie amour pour ceux dont il est venu et nous le constatons dans ce petit âne qui court en ce moment en brayant à la rencontre de sa mère qui revient du marché. Il jouait dans le troupeau et, à sa vue, il se rappelle avoir été allaité, léché affectueusement, défendu, réchauffé par sa mère. Et vous voyez ? De son tendre naseau, il lui caresse le cou et saute de joie en frottant sa jeune croupe contre le flanc qui l’a porté. Aimer ses parents, c’est un devoir et un plaisir. Il n’y a pas d’animal qui n’aime celui qui l’a engendré. Eh quoi ? L’homme serait au-dessous du ver qui vit dans la boue ?

L’homme moralement bon ne tue pas. La violence lui inspire du dégoût. Il a conscience qu’il n’est pas permis d’ôter la vie à qui que ce soit, car Dieu seul, qui la lui a donnée, a le droit de l’enlever. Et il se refuse à l’homicide.

De même, l’homme moralement sain ne s’empare pas des biens d’autrui. Il préfère le pain mangé avec une conscience tran­quille auprès de la fontaine argentine à un succulent rôti qui est le produit d’un vol. Il préfère dormir sur le sol avec la tête sur une pierre et au-dessus de la tête, les étoiles amies qui pleuvent la paix et le réconfort sur une conscience honnête, au sommeil troublé sur un lit volé.

Et s’il est moralement sain, il ne désire pas d’autres femmes que la sienne, il n’entre pas lâchement dans le lit d’autrui pour le souiller. Mais dans la femme de son ami, il voit une sœur et n’a pas pour elle les regards et le désir que l’on n’a pas pour une sœur.

L’homme dont l’âme est droite, même seulement de par sa nature, sans autre connaissance du bien que celle que lui donne une conscience droite, ne se permet jamais de porter un témoignage qui lèse la vérité car cela lui paraît semblable à l’homicide et au vol, et il en est bien ainsi. Mais ses lèvres sont honnêtes comme son cœur et il n’a pas de regards pour désirer la femme d’autrui. Il n’en a même pas le désir, parce qu’il sait que le désir est ce qui pousse au péché. Et il n’a pas d’envie parce qu’il est bon. L’homme bon n’envie jamais. Il est content de son sort.

288.5 Cette loi avec ses exigences vous paraît-elle impraticable ? Ne vous faites pas tort ! Je suis certain que vous ne le ferez pas. Et si vous ne le faites pas, vous fonderez le Royaume de Dieu en vous et dans votre ville. Et vous vous retrouverez, un jour, heureux avec ceux que vous avez aimés et qui, comme vous, ont conquis le Royaume éternel dans les joies sans fin du Ciel.

Mais les passions se trouvent en vous comme des habitants renfermés dans les murs d’une ville. Il faut que toutes les passions de l’homme veuillent la même chose : à savoir la sainteté. Sinon, c’est en vain qu’une partie tendra au Ciel, si une autre laisse sans les garder les portes et y laisse pénétrer le séducteur ou neutralise par des discussions et de la paresse l’action d’une partie des habitants spirituels, en faisant périr l’intérieur de la ville et en l’abandonnant au royaume des orties, des herbes empoisonnées, du chiendent, des serpents, des scorpions, rats et chacals, des hiboux, c’est-à-dire aux mauvaises passions et aux anges de Satan. Il faut veiller sans cesse, comme des senti­nelles que l’on met sur les murs pour empêcher le Malin d’entrer là où nous voulons édifier le Royaume de Dieu.

En vérité, je vous dis que tant que l’homme fort garde en armes l’entrée de sa maison, tout ce qui s’y trouve est en sécurité. Mais s’il vient un homme plus puissant que lui, ou s’il laisse sa porte sans la garder, alors le plus fort en vient à bout et l’anéantit ; alors, privé des armes auxquelles il se confiait, il s’humilie et se rend, et le vainqueur le fait prisonnier en emportant les dépouilles de celui qu’il a vaincu. Mais si l’homme vit en Dieu, moyennant la fidélité à la Loi et à la justice saintement pratiquée, Dieu est avec lui, moi je suis avec lui, et rien de mal ne saurait lui arriver. L’union à Dieu est l’arme qu’aucune force ne peut vaincre. L’union à moi est certitude de victoire et d’un butin de vertus éternelles pour lesquelles une place dans le Royaume de Dieu lui sera éternellement attribuée. Mais celui qui se sépare de moi ou se fait mon ennemi, repousse en conséquence les armes et la sécurité de ma Parole. Celui qui repousse le Verbe repousse Dieu. Celui qui repousse Dieu appelle Satan. Celui qui appelle Satan détruit ce qu’il avait pour conquérir le Royaume.

Par conséquent, celui qui n’est pas avec moi est contre moi. Et celui qui ne cultive pas ce que j’ai semé, récolte ce qu’a semé l’Ennemi. Celui qui ne récolte pas avec moi dissipe et il paraîtra, pauvre et nu, devant le Juge suprême qui l’enverra au maître auquel il s’est vendu, en préférant Belzébuth au Christ.

Habitants de Gérasa, construisez en vous et dans votre ville le Royaume de Dieu. »

288.6 La voix perçante d’une femme, limpide comme un chant d’alouette, s’élève au-dessus du brouhaha de la foule pleine d’admiration, chantant la nouvelle béatitude, c’est-à-dire la gloire de Marie :

« Heureuse la mère qui t’a porté dans ses entrailles et qui t’a nourri de son lait ! »

Jésus se tourne vers la femme qui exalte la Mère par admiration pour le Fils. Il sourit, parce que cet éloge de sa Mère lui est doux. Mais il répond :

« Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. Fais cela, femme. »

Sur ce, Jésus bénit et se dirige vers la campagne, suivi des apôtres qui lui demandent :

« Pourquoi as-tu dit cela ?

– Parce que, en vérité, je vous dis qu’au Ciel on ne mesure pas avec les mesures de la terre. Et ma Mère elle-même sera heu­reuse, moins en raison de son âme immaculée que pour avoir écouté la Parole de Dieu et l’avoir mise en pratique par l’obéissance. Le “ que l’âme de Marie soit faite sans fautes ”, c’est un prodige du Créateur. C’est à lui donc qu’en va la louange. Mais le “ qu’il soit fait de moi selon ta parole ”, c’est un prodige de ma Mère. C’est donc en cela que son mérite est grand. Si grand que c’est seulement en raison de cette capacité à écouter Dieu parlant par la bouche de Gabriel, et pour sa volonté de mettre en pra­tique la parole de Dieu sans rester à soupeser les difficultés et les douleurs immédiates et futures qu’allait susciter son adhésion, qu’est venu le Sauveur du monde. Vous voyez donc qu’elle est ma bienheureuse Mère non seulement parce qu’elle m’a engendré et allaité, mais parce qu’elle a écouté la Parole de Dieu et l’a mise en pratique par l’obéissance.

288.7 Mais maintenant, rentrons à la maison. Ma mère savait que j’étais dehors pour peu de temps et pourrait s’inquiéter en voyant que je tarde. Nous sommes dans un pays à demi païen. Mais, en vérité, il est meilleur que les autres. Aussi partons, et tournons derrière les murs pour échapper à la foule qui me retiendrait encore. Allons, passons vite derrière ces bosquets touffus… »

 

[94] Je l’ai dit, en 269.6.