302 - Avant d’envoyer les apôtres en famille pour les Encénies (jeudi 9 novembre 28)

Evangiles

Pas de correspondance

Date :

Jeudi 9 novembre 28

Lieu :

Vers Tarichée, Magdala

 

Vision de Maria Valtorta : 

302.1 De l’eau, de l’eau, de l’eau… Les apôtres, découragés de cette marche sous la pluie, insinuent à Jésus qu’il vaudrait mieux s’abriter à Nazareth, qui n’est pas loin… et Pierre dit :

« On pourrait ensuite en repartir avec l’enfant… »

Le « non » de Jésus est tellement tranchant que personne n’ose insister. Jésus marche en avant, tout seul… Les autres derrière, en deux groupes, l’air renfrogné.

Puis Pierre ne peut y résister et rejoint Jésus.

« Maître, tu m’en veux ? demande-t-il, l’air quelque peu désolé.

– Tu m’es toujours cher, Simon. Viens. »

Pierre se rassérène. Il trottine aux côtés de Jésus qui, avec ses longs pas, fait aisément beaucoup de chemin. Après un moment, il dit :

« Maître… ce serait beau d’avoir l’enfant pour la fête… »

Jésus ne répond pas.

« Maître, pourquoi ne me fais-tu pas plaisir ?

– Simon, tu cours le risque que je t’enlève l’enfant.

– Non ! Seigneur ! Pourquoi ? »

Pierre est épouvanté par la menace et navré.

« Parce que je veux que rien ne te retienne. Je te l’ai dit quand je t’ai accordé Marziam. Toi, au contraire, tu t’enlises dans cette affection.

– Ce n’est pas un péché d’aimer, et d’aimer Marziam. Tu l’aimes, toi, aussi…

– Mais cet amour ne m’empêche pas de me donner tout entier à ma mission. Tu ne te rappelles pas mes paroles sur les affections humaines ? Mes conseils, si clairs qu’ils sont déjà des ordres, sur celui qui veut mettre la main à la charrue ? Es-tu en train de te lasser, Simon, d’être héroïquement mon disciple ? »

La voix de Pierre est devenue rauque par les larmes quand il répond :

« Non, Seigneur. Je me rappelle tout, et je ne suis pas lassé. Mais j’ai l’impression que c’est le contraire… Que c’est toi qui te fatigues de moi, du pauvre Simon qui a tout quitté pour te suivre…

– Qui a tout trouvé en me suivant, veux-tu dire.

– Non… Oui… Maître… Je suis un pauvre homme, moi…

– Je le sais. C’est précisément pour cela que je te travaille. C’est pour faire d’un pauvre homme un homme fort, et de celui-ci un saint, mon Apôtre, ma Pierre. Je suis dur pour te rendre dur. Je ne veux pas que tu sois mou comme cette boue. Je veux que tu sois un bloc taillé, parfait : la Pierre de base. Ne comprends-tu pas que cela, c’est de l’amour ? Tu ne te souviens pas du Sage[13] ? Il dit que celui qui aime est sévère.

302.2 Mais comprends-moi ! Comprends-moi, toi, au moins ! Ne vois-tu pas comme je suis accablé, consterné par tant d’incompréhensions, par trop de feintes, par de nombreux manques d’amour et par des déceptions encore plus nombreuses ?

– Tu es… tu l’es, Maître ? Ah ! Miséricorde divine ! Et moi, je ne m’en apercevais pas ! Grand bêta que je suis !… Mais depuis quand ? Mais par qui ? Dis-le moi…

– Inutile. Tu n’y pourrais rien faire. Je n’y puis rien, moi non plus…

– Je ne pourrais réellement rien pour te soulager ?

– Je te l’ai dit : comprendre que ma sévérité est de l’amour. Voir dans toute ma conduite à ton égard l’amour.

– Oui, oui. Je ne parle plus, mon Maître bien cher ! Je ne parle plus. Et toi, pardonne à cet abruti que je suis. Donne-moi la preuve que tu me pardonnes…

– La preuve ! Vraiment ma parole devrait te suffire, mais je te la donne. Ecoute : je ne peux pas aller à Nazareth, car à Nazareth il y a Jean d’En-Dor et Syntica, en plus de Marziam. Et cela ne doit pas être su.

– Même de nous ? Pourquoi ?… Ah !… Maître ? ! Maître ? ! Tu te méfies de l’un de nous ?

– La prudence enseigne que lorsqu’une chose doit être tenue secrète, c’est déjà trop que deux soient au courant. On peut faire du mal même à cause d’une parole qui échappe. Et vous n’êtes pas tous réfléchis, ni toujours.

– Vraiment… je ne le suis pas moi non plus. Mais quand je le veux, je sais garder le silence. Et maintenant, je me tairai. Ah ! Oui, je me tairai ! Je ne serais plus Simon, fils de Jonas, si je ne sais pas me taire. Merci, Maître, de ton estime. C’est une grande preuve d’amour… 302.3 Alors, maintenant, on va à Tarichée ?

– Oui. De là, en barque à Magdala. Je dois recevoir l’or des joyaux.

– Tu vois que je sais me taire : je n’ai jamais rien dit à Judas, tu sais ? »

Jésus ne commente pas l’interruption. Il poursuit :

« Une fois que j’aurai l’or, je vous laisse tous libres jusqu’au lendemain des Encénies. Si je veux l’un de vous, je l’appellerai à Nazareth. Les Judéens, excepté Simon le Zélote, accompagneront les sœurs de Lazare et leurs servantes, et en plus Elise de Béthsur, à la maison de Béthanie. Puis ils iront dans leurs foyers pour les Encénies. Il me suffira qu’ils soient de retour pour la fin de Shebat quand nous reprendrons les voyages. Cela, tu es seul à le savoir, n’est-ce pas, Simon-Pierre ?

– Moi seul le sais. Mais… tu devras pourtant le dire…

– Je le ferai au moment voulu. Maintenant, va rejoindre tes compagnons et sois assuré de mon amour. »

Pierre, content, obéit et Jésus se plonge de nouveau dans ses pensées.

302.4 Les vagues se brisent sur la petite plage de Magdala quand les deux barques y abordent à la fin d’un après-midi de novembre. Les vagues ne sont pas fortes, mais elles sont toujours désagréables pour ceux qui débarquent, car leurs vêtements se mouillent. Mais la perspective de se trouver bientôt dans la maison de Marie de Magdala fait supporter sans murmurer ce bain indésirable.

« Mettez à l’abri les barques et rejoignez-nous » dit Jésus aux employés.

Puis il se met aussitôt en chemin le long de la côte, car ils ont débarqué dans une petite cale en dehors de la ville, là où se trouvent d’autres barques de pêcheurs de Magdala.

« Judas et Thomas, venez ici, avec moi » appelle Jésus.

Les deux hommes accourent.

« J’ai décidé de vous confier une charge importante qui sera aussi une joie. Cette charge sera d’accompagner les sœurs de Lazare à Béthanie et, avec elles, Elise. Je vous estime assez pour vous confier les femmes disciples. En même temps, vous porterez une lettre de moi à Lazare. Puis, après vous être acquittés de cette charge, vous irez chez vous pour les Encénies… Ne m’interromps pas, Judas. Nous fêterons tous les Encénies dans nos maisons, cette année. C’est un hiver trop pluvieux pour pouvoir voyager. Vous voyez aussi que les malades se font rares. Nous en profiterons donc pour nous reposer et faire plaisir à nos familles. Je vous attends à Capharnaüm pour la fin de Shebat.

– Mais toi, tu restes à Capharnaüm ? demande Thomas.

– Je ne suis pas encore sûr du lieu où je resterai. Ici ou là, pour moi, c’est égal. Il me suffit que ma Mère soit proche.

– Je préférerais faire les Encénies avec toi, dit Judas.

– J’en suis sûr. Mais obéis, si tu veux me faire plaisir. D’autant plus que votre obéissance vous donnera la possibilité d’aider les disciples retournés à s’éparpiller un peu partout. Il faut bien que vous m’aidiez en cela ! Dans les familles, ce sont les aînés qui aident les parents à former les plus jeunes enfants. Vous êtes les frères aînés des disciples qui sont vos cadets, et vous devez être heureux que je vous fasse confiance. Cela prouve que je suis content de votre récent travail. »

302.5 Thomas dit simplement :

« Tu es trop bon, Maître. Mais quant à moi, je chercherai à faire encore mieux désormais. Il me déplaît pourtant de te quitter… Mais cela passera vite… Et mon vieux père sera heureux de m’avoir pour la fête… et aussi mes sœurs… Et ma sœur jumelle !… Elle doit avoir eu un enfant, ou est sur le point de l’avoir… Mon premier neveu… Si c’est un garçon et s’il naît pendant que je serai là, quel nom lui donner ?

– Joseph.

– Et si c’est une fille ?

– Marie. Il n’y a pas de noms plus doux. »

Mais déjà Judas, fier de la charge, se pavane et fait projets sur projets… Il a absolument oublié qu’il s’éloignait de Jésus et que peu de temps avant, vers la fête des Tentes, si je m’en souviens bien, il avait renâclé comme un poulain sauvage, à l’ordre de Jésus de se séparer de lui pendant quelque temps. Il perd aussi absolument de vue le soupçon, qu’il avait eu alors, que c’était un désir de Jésus de l’éloigner. Il oublie tout… et il est heureux d’être considéré comme quelqu’un à qui on peut confier des missions délicates. Il promet :

« Je t’apporterai beaucoup d’argent pour les pauvres. »

Il sort sa bourse et dit :

« Voilà, prends. C’est tout ce que nous avons. Je n’ai rien d’autre. Donne-moi le viatique pour notre voyage de Béthanie à la maison.

– Mais nous ne partons pas ce soir, objecte Thomas.

– Peu importe. Chez Marie, l’argent n’est plus nécessaire et donc… Bienheureux de ne plus avoir à en manier… A mon retour, j’apporterai à ta Mère des graines de fleurs. Je me les ferai donner par ma mère. Je veux apporter aussi un cadeau à Marziam… »

Il est exalté. Jésus le regarde…

302.6 Les voilà arrivés à la maison de Marie de Magdala. Ils se font reconnaître et entrent tous. Les femmes accourent joyeusement à la rencontre du Maître, venu s’abriter dans leur foyer…

Et c’est après le souper, une fois que les apôtres, fatigués, se sont retirés, que Jésus, assis au milieu d’une salle dans le cercle des femmes disciples, leur fait part de son désir qu’elles partent au plus tôt. Aucune d’elles ne proteste, au contraire des apôtres. Elles inclinent la tête pour marquer leur assentiment, puis sortent préparer leurs bagages. Mais Jésus rappelle Marie-Madeleine qui est déjà sur le seuil.

« Eh bien, Marie, pourquoi m’as-tu dit tout bas à mon arrivée : “ Je dois te parler en secret ” ?

– Maître, j’ai vendu les pierres précieuses. A Tibériade. C’est Marcelle qui les a vendues avec l’aide d’Isaac. J’ai la somme dans ma chambre. J’ai préféré que Judas n’en sache rien… »

Elle rougit vivement. Jésus la regarde fixement, mais sans rien dire. Marie-Madeleine sort pour revenir avec une lourde bourse qu’elle remet à Jésus :

« Voici » dit-elle. « Elles ont été bien payées.

– Merci, Marie.

– Merci, Rabbouni, de m’avoir demandé ce service. As-tu autre chose à me demander ?…

– Non, Marie. Et toi, as-tu autre chose à me dire ?

– Non, Seigneur. Bénis-moi, mon Maître.

– Oui. Je te bénis… 302.7 Marie… Es-tu contente de retourner vers Lazare ? Imagine que je ne sois plus en Palestine. Tu retournerais volontiers à la maison, alors ?

– Oui, Seigneur. Mais…

– Achève, Marie. N’aie jamais peur de me dire ta pensée.

– Mais j’y serais retournée plus volontiers si, à la place de Judas de Kérioth, il y avait Simon le Zélote, grand ami de notre famille.

– J’en ai besoin pour une mission importante.

– Alors tes frères, ou bien Jean au cœur de colombe. Tous, voilà, sauf lui… Seigneur, ne me regarde pas sévèrement… Qui a goûté à la débauche en sent le voisinage… Je ne la crains pas. Je sais remettre en place de bien pires que Judas. Et c’est ma terreur de n’être pas pardonnée, et c’est mon moi, et c’est Satan qui certainement me tourne autour, et c’est le monde… Mais si Marie, fille de Théophile, n’a peur de personne, Marie de Jésus a le dégoût du vice qui l’avait subjuguée, et la… Seigneur… L’homme qui se livre à la sensualité me dégoûte…

– Tu n’es pas seule à faire ce voyage, Marie. Et avec toi, je suis certain qu’il ne reviendra pas en arrière… Rappelle-toi que je dois faire partir Syntica et Jean pour Antioche, et qu’il ne faut pas que l’affaire soit connue par un imprudent…

– C’est vrai. Alors, j’irai… Maître, quand nous reverrons-nous ?

– Je ne sais pas, Marie. Peut-être seulement à la Pâque. Maintenant, va en paix. Je te bénis ce soir et chaque soir et avec toi, ta sœur et le bon Lazare. »

Marie se penche pour baiser les pieds de Jésus et sort, le laissant seul, dans la pièce silencieuse.

 

[13] Sage, Salomon, qui parle de la sévérité comme signe d’amour en Pr 3, 12 ; 13, 24.