La Vierge Marie est représentée 175 fois dans la cathédrale de Chartres qui lui est dédiée, dans la statuaire comme dans les vitraux. C’est notamment la vertu de Sagesse de Marie qui est exaltée. Marie, en ce lieu, nous présente son fils. La cathédrale tout entière célèbre ainsi l'incarnation, par une catéchèse mariale que l’on peut qualifier de christocentrique.
Les trois façades de la cathédrale de Chartres aux neuf portails entièrement sculptés, constituent une véritable illustration de la statuaire romane et gothique, notamment dans la représentation de la Vierge Marie. La répartition des sculptures est directement liée à l’architecture, comme c’est toujours le cas dans l’art monumental des XII et XIIIe siècles. Dans les cathédrales du XIIIe siècle, lorsqu’il y a trois portes, c’est sur l’ouverture centrale que sont représentés les thèmes les plus importants. En outre, les églises sont orientées et le programme iconographique tient compte de cette orientation.
Le portail nommé “royal”, portail Ouest, par lequel entra saint Louis lors de la dédicace de la cathédrale en 1260, représente le Sauveur bénissant les fidèles à la fin des temps (Apocalypse), conformément au symbolisme du soleil couchant. C’est sur le tympan de la porte de droite, ou porte du Midi, dite porte de la Vierge, que la Vierge est représentée en majesté (siège de la sagesse)[1]. En dessous, sur les parties supérieures et inférieures du linteau, la sculpture raconte l’avènement de Jésus sur terre : Annonciation, Visitation, Nativité, Annonce aux bergers, Présentation au Temple. La Vierge est donc glorifiée par l’Incarnation du Christ.
Portail Nord, tympan de la porte principale : le couronnement de Marie par Jésus.
Le portail Nord appelé aussi portail de la sagesse, est entièrement consacré à l’Ancien Testament et à la Vierge, conformément au symbolisme traditionnel du Moyen Age :
« Le Nord, région où la clarté est plus pâle et le soleil moins ardent est, nous disent les docteurs, celle qui convient à l’Ancienne Loi.»[2]
Il représente le couronnement de Marie par Jésus en sa partie centrale[3]. En dessous, sur le linteau, on peut voir la mort de la Vierge pleurée par les apôtres, (à gauche), et son Assomption (à droite), dans un voile soulevé par des anges. Les patriarches et prophètes de l’Ancien Testament représentés préfigurent Jésus.
Sur la porte de gauche, dans le tympan, on voit l’Adoration des mages et l’Annonce aux mages (qui dorment et sont réveillés par l’étoile de Bethléem). En dessous, le trumeau est divisé en deux : on retrouve la Vierge avec son enfant (à gauche) et à droite St Joseph et l’Annonce aux bergers.
Enfin, dans les ébrasements de la porte de gauche, on retrouve deux scènes de la vie de Marie: l’Annonciation (à gauche), avec, sous la statue, le buisson ardent, et la Visitation, avec, sous la statue, le serpent de l’Éden[4]. La Vierge est donc glorifiée par l’intermédiaire de l’Incarnation du Christ[5].
Comme l’écrit E. Mâle[6],
« Les voussures de ce portail glorifient, par des allusions ou des symboles, les perfections de la Vierge. Les Vierges sages s’y opposent aux Vierges folles, et les douze vertus, « fruits du Saint-Esprit », énumérées par saint Paul, sont représentées ici comme parure de Notre-Dame. Un cordon des voussures est consacré au triomphe des Vertus sur les Vices[7] ».
Tympan du portail sud de Chartres.
« Le Midi, où rayonnent la chaleur et la lumière, est la région de l’Évangile. Aussi, est-ce à la diffusion de l’Évangile que la façade méridionale de Chartres est en partie consacrée.[8] »
Comme les deux autres (portail royal et portail du transept nord), ce portail est divisé en 3 entrées : L’entrée centrale se réfère au Jugement Dernier ; l’entrée droite se rapporte aux Saints confesseurs[9] ; l’entrée de gauche aux saints martyrs. La pensée déployée dans ce portail concerne le salut de l’âme. Pour se préparer au Jugement dernier, on peut donc compter sur les saints confesseurs (porte de droite) qui aideront à reconnaître ses fautes, et sur les saints martyrs (porte de gauche) qui sont des modèles pour affermir sa foi.
Sur la porte centrale est représentée le Jugement dernier. Le Christ a les bras levés (il montre ses stigmates), entouré de Marie et St Jean Baptiste, qui intercèdent pour les morts. À ses pieds au linteau, Saint Michel sépare les élus des damnés. Marie est donc glorifiée dans ce portail dans son pouvoir d’intercession.
La crypte, édifiée par saint Fulbert à partir de 1020, contient une galerie dédiée à la Vierge Marie.
La statue de Notre-Dame de Sous-Terre se trouve au côté d’un puits appelé Puits des Saints-Forts[10]. Son culte remonte au haut Moyen Âge, et il est en lien avec ce qu’a rapporté la tradition : le fameux culte de la Vierge qui doit enfanter, qui, dès avant la manifestation du Christianisme, fut vénérée par les druides eux-mêmes, qui avaient connu la prophétie d’Isaïe 7, 14. La statue actuelle est une copie de celle qui a été brûlée en 1793 par les révolutionnaires.
Statue de Notre-Dame du Pilier. GO69, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.
Cette appellation de Notre-Dame du Pilier, qui ne date que du siècle dernier, désigne une image de la Vierge à l’Enfant, en bois, sculptée peu après 1500, et couronnée en 1855. Elle a été restaurée en 2013. La Vierge Marie tient dans sa main droite une pomme, pour rappeler qu’elle est la Nouvelle Ève, et l’Enfant Jésus bénir de la main droite. Elle est située près de la rose Nord.
Ainsi, la Vierge est omniprésente dans le programme iconographique dédié à la cathédrale de Notre-Dame de Chartres. Ce choix témoigne de manière claire la dévotion portée à la mère du Christ en ces lieux.
La clôture du chœur, appelée à Chartres tour du chœur, est une œuvre réalisée à partir du XVIe siècle en pierre par différents artistes, dont Jehan Soulas. Elle se dresse à plus de 6 m de hauteur sur une longueur d'environ cent mètres, ayant pour objet d’isoler le chœur liturgique auquel les laïcs n’avaient pas accès.
Quarante groupes sculptés mettant en scène la vie de Marie et de Jésus sont visibles dans les niches, au-dessus de la claire-voie. Le cycle narratif de la vie de la Vierge et du Christ, qui se déroule du Sud au Nord, débute par l’Annonce de la naissance de Marie faite à ses parents pour s’achever par son Couronnement au ciel et son triomphe aux côtés de la Sainte Trinité.
Source :
-E. Mâle. Notre-Dame de Chartres. Paris : Flammarion, 1994, p.93.
-W. Sauerlander & M. Hirmer « La sculpture gothique en France » Flammarion, 1969.
- Merveilleuses cathédrales de France. Paris : Paris : ed. Princesse, 1981.
Françoise Jaouanneaux. Le tour du chœur de la cathédrale de Chartres/Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Région Centre. Orléans : Association Régionale pour l’Étude du Patrimoine de la Région Centre (AREP-Centre), 2020.
[1] Cette Vierge en majesté est l’une des premières statues de ce type, qui date de 1145. La Vierge est assise sur un trône et sert elle-même de trône à son Fils, lui qui est la Sagesse du Père. Ce motif s'est d'abord développé en Orient dans l'art byzantin, à la suite du concile d'Éphèse en 431, qui a permis de reconnaître la Vierge Marie comme mère de Dieu. Mais il faut attendre le XIIe siècle pour qu'il s'étende de manière significative en Occident, avec l'essor du culte voué à la Vierge Marie. E. Mâle. Op.cit, p.93.
[2] E. Mâle. Notre-Dame de Chartres. Paris : Flammarion, 1994, p.93.
On y voit entre autres Fulbert, évêque de Chartres qui construisit la grande cathédrale romane, mais aussi saint Nicolas, saint très populaire dans le royaume à cette époque.
[3]C’est le portail de Senlis qui servit de modèle aux sculpteurs de Chartres. La baie centrale est également nommée baie du triomphe de la Vierge.
[4] Les thèmes de l’Annonciation et de la Visitation, qui figurent également au portail royal, sont traités au portail Nord de façon plus solennelle. Ils sont ici mis en valeur dans l’histoire du salut.
[5]Ce que l’on retrouve dans les vitraux de la rose du portail Ouest.
[6] E. Mâle, op.cit. p.124.
[7] Conformément à l’œuvre de Prudence, du IVe s. intitulée Psychomachie.
[8] E. Mâle. Op.cit, p.93.
[9] On y voit entre autres Fulbert, évêque de Chartres qui construisit la grande cathédrale romane, mais aussi saint Nicolas, saint très populaire dans le royaume à cette époque.
[10]Ce puits a été retrouvé en 1902. Les premiers chrétiens y furent plongés, et les pèlerins affluaient pour prier ces martyrs au Moyen Age.
-sur la cathédrale de Chartres, dans l’Encyclopédie mariale
-sur l'art marial gothique, dans l’Encyclopédie mariale
-sur la vie de la Vierge, dans l’Encyclopédie mariale
-sur Marie, trône de la Sagesse, dans l’Encyclopédie mariale
-sur le site officiel de la cathédrale
-sur les visites panoramiques de la cathédrale de Chartres
Isabelle Rolland.