Il est tout à fait compréhensible que l'Église de Jérusalem, puis l'Église universelle, ait honoré et pris soin des souvenirs matériels de la mère de Jésus, le Rédempteur. Il est possible qu’un peu de légende se soit mélangée à l'histoire. L'histoire des reliques vestimentaires a commencé en Orient, et a gagné ensuite l'Occident.
Le pape Gélase 1er, dans l’une de ses lettres, au Ve siècle, mentionne le fait que le Saint Voile de la Vierge Marie est vénéré. De même, saint Jean Damascène (675-749), dans sa "Deuxième homélie sur la Dormition de Marie", explique qu’au milieu du V° siècle,
« Les souverains [de Constantinople] demandèrent à l'archevêque [de Jérusalem] Juvénal de leur envoyer lui-même, dûment scellé, ce saint cercueil avec les vêtements funèbres de la glorieuse et toute Theotokos Marie, qui s'y trouvaient. L'ayant reçu, ils le déposèrent dans le sanctuaire élevé aux Blachernes en l'honneur de la Theotokos. »[1]
C'est ainsi que le sanctuaire Marie de Blacherne (Constantinople) conserva les reliques du manteau de Marie jusqu'au sac de la ville par les Croisés, en l'an 1204.
Le sanctuaire de Chalcoprateia (Constantinople) conserva les reliques de la ceinture de Marie[2] jusqu'à l'arrivée des Turcs en l'an 1453. Actuellement, c’est à la cathédrale de Prato près de Florence en Toscane (Italie) que l’on conserve une partie de la ceinture. Trois autres morceaux de cette ceinture sont conservés dans un coffret en argent du monastère de Vatopedi au mont Athos.
Bien avant la chute de Constantinople, Charlemagne, au moment où l’on pensait qu’il allait épouser l’impératrice byzantine Irène, reçut d'Orient trois reliques du voile de Marie, qu’il conserva dans on palais d’ Aix -la-Chapelle.
Son petit-fils Charles le Chauve (823-877) les distribua ainsi :
Au X° siècle, on ne parlait pas d'un voile, mais de la Tunique ou, mieux, de la Chemise, la tradition voulant que la Vierge l'ait portée le jour de l'Annonciation, lorsque le Verbe fut conçu[3].
Au XVIIe siècle, le chapitre avait coutume d'offrir aux reines de France et aux dauphines enceintes une chemise posée sur la châsse pendant une neuvaine faite à leur intention.
En 1194, le brasier qui anéantit la plus grande partie de la cathédrale fit craindre, pendant trois jours, pour la précieuse relique. Soudain, on vit surgir dans le chœur, par un escalier venant de la crypte où ils avaient survécu, des clercs portant la châsse. Cet événement fut interprété comme un miracle et fut peut-être à l'origine de l'enthousiasme avec lequel la reconstruction de la cathédrale fut entreprise.
Pendant la révolution française, en l'an 1793, le reliquaire fut ouvert, le voile coupé en petit morceaux. Certains sont vénérés à Rouen et en d'autres lieux.
La Sainte Chemise est une étoffe de soie, tissée en Orient à une époque sans doute très ancienne. La Vierge Marie était humble (cf. le Magnificat), elle était aussi l'épouse de Joseph, humble lui aussi (charpentier) mais fils de David et donc de la tribu royale, et on ne peut exclure qu'elle ait pu posséder de telles étoffes.
À l'abbaye de Saint-Corneille, au centre du retable inférieur de l'autel, et dans une magnifique chasse en émaux champlevés se trouve, enroulé, notre trésor inestimable, le « Voile de la Vierge », appelé aussi "Voile de Compiègne".
La châsse actuelle date de 1930. Mais un inventaire de l'an 1666 affirme que le voile fut donné à l'abbaye par l'empereur Charles le Chauve.
Le voile est décrit comme un linge de toile fort claire, façon toile de lin, avec les quelques tâches anciennes et les lettres I. P. M. I. N. I. R. V. -(Id Proprium Matris Jesu Nazareni Judaeorum Regis Velum : C'est le propre voile de la Mère de Jésus de Nazareth, roi des Juifs.). Il est long de 4m 20[4].
Actuellement, nous pouvons encore l'observer. Une lisière, qui mesure effectivement 4m20 de long, n'a ni bout, ni couture, montrant ainsi, que le voile devait avoir la forme d'un cylindre et devait se porter double, ou bien, une partie reposant sur la tête, et, l'autre, sur les épaules. Et
"Se voient, très nettement, les deux taches brunes "que l'on a toujours cru être du sang de Jésus, tombé sur le voile de Marie, aux pieds de la Croix"[5].
Chaque année la précieuse relique est portée solennellement en procession, le jour de l'Assomption, et chaque jour de nombreux fidèles viennent efficacement se mettre sous sa protection.
Source :
-André Trintignac. Découvrir Notre-Dame de Chartres .Paris : Cerf, 1988.
-Jacques Le Goff. Saints and relics : the power of Holy objects in the Middle Ages. Paris : Gallimard, 1984.
[1] Saint Jean Damascène, Extraits de la "Deuxième homélie sur la Dormition de Marie".
[2] La ceinture de Marie est également liée à st Thomas l’apôtre. Selon un texte apocryphe des Ve et VIe siècles, elle aurait été reçue par saitn Thomas, qui, ne voulant pas croire à l’Assomption de la Vierge, aurait fait ouvrir son tombeau, l’aurait trouvé plein de fleurs, et aurait aperçu la Vierge qui lui tendait sa ceinture en levant les yeux.
[3] Cf Trintignac (André) Découvrir Notre-Dame de Chartres - Ed. du Cerf, Paris 1988.
[4] Archives de l'Oise. H.2168 : "Procès-verbal de la translation du Voile de la Vierge, 15 août 1666" -et- Chanoine Morel : "Les Saintes Reliques vénérées dans l'église Saint-Jacques de Compiègne", p. 21.
[5] Archives de l'Oise. Ibid.
-sur miracles et pèlerinages marials au X°-XII° siècle, dans l’Encyclopédie mariale
-sur la ceinture ou le maphorion de la Vierge, dans l’Encyclopédie mariale
-sur 1 octobre (gréco-catholique) : Le Voile, la Protection de la sainte Mère de Dieu, dans l’Encyclopédie mariale
-sur Compiègne : l’abbaye Saint-Corneille (collégiale Sainte-Marie), l’église Saint-Jacques et le voile de la Vierge, dans l’Encyclopédie mariale
Françoise Breynaert et l’équipe de MDN.