Quelques traits de la vie de Catherine

Quelques traits de la vie de sainte Catherine Labouré

Une vaillante petite fermière : Catherine Labouré (1806-1876) est née de Pierre Labouré (1787-1844) et de Madeleine Gontard (1769-1815), huitième de dix enfants. Le 9 octobre 1815, sa mère meurt subitement. Le premier soir sans sa maman, elle grimpe sur une chaise vers la statue de la Vierge pour embrasser ses pieds. Il y a trop d’enfants à la maison, avec le petit Augustin, infirme par accident.

Le père envoie Catherine et Tonine chez sa sœur Marguerite, mariée au vinaigrier Antoine Jeanrod, à Saint-Rémi, à neuf kilomètres de Fain.

La voilà orpheline de père et de mère, et sa ferme natale lui manque. Deux ans après, en janvier 1818, le père s’ennuie de Catherine et rappelle les deux petites.

C’est une fête, car elle rentre aussi pour faire sa première communion, le 25 janvier. Pour elle, c’est une joyeuse et profonde étape spirituelle. Sa grande sœur, Marie-Louise, vingt-trois ans, dont les circonstances ont fait retarder le départ chez les Filles de la Charité à Langres, inspire à Catherine, douze ans, en bonne entente avec Tonine, neuf ans et demi, une grande décision : « Vas-y ! A nous deux, nous ferons l’ouvrage. » Elle se sent mûre pour prendre le fardeau. Elle sera une vaillante petite fermière avec les repas à servir ou à porter, le pigeonnier de 1121 cases, gloire de la maison, le poulailler et le reste. En outre, elle est illettrée.

Une vocation éprouvée : Pourtant, elle voudrait suivre Marie-Louise. C’est alors qu’au seuil de ses dix-huit ans elle a un songe, pour elle plein de sens : un vieux prêtre célèbre la messe ; il se retourne pour le Dominus vobiscum et la regarde. Le regard lui est resté : elle s’en souviendra toute sa vie. [...]

En allant un jour chez les Sœurs de la Charité, rue de la Juiverie, Catherine tombe en arrêt devant un portrait à l’entrée : « C’est le prêtre du songe ! Il existe bien ! Qui est-il ? – Notre père, saint Vincent de Paul », répondent les sœurs.

La décision de Catherine est maintenant prise, mais comment faire ? Le 2 mai 1827, Catherine a vingt et un ans. Elle connaît ses droits. Elle signifie sa résolution. Le père refuse : il a déjà donné une fille à Dieu, Marie-Louise. Deux, c’est trop. Il persévère.

L’année suivante, au printemps 1828, il change de méthode. Son fils Charles, établi à Paris comme les autres, a un restaurant de compagnons-ouvriers, tenu par sa femme. Elle vient de mourir, deux ans après leur mariage, le 21 février. Il a besoin d’aide ; eh bien, Catherine ira l’aider, et quelqu’un finira bien par s’éprendre de la jeune serveuse. Heureusement pour elle, cela ne dure pas ; le frère s’est consolé et se remarie le 3 février 1829. Catherine est libérée.

Chez les soeurs de la Charité, à Paris : Le 21 avril 1830, par la diligence, elle entre au "séminaire" des sœurs de la Charité
: "La formation sera dure", lui a-t-on dit, mais elle est formée à toute patience, toute discipline, toute disponibilité, à tout oubli d’elle-même, prête à tout. Rien ne lui pèse.

En 1930, à la messe, elle voit parfois le Seigneur dans le Saint Sacrement. Une fois, la vision semble annoncer le dépouillement du roi de France. Et c’est dans ce contexte qu’elle a des

apparitions de la Vierge Marie, d’avril à décembre 1930.


A Reuilly : Après les apparitions d’avril à décembre 1930, le 30 janvier 1831, Catherine prend l’habit et quitte le "séminaire". Elle est nommée à la maison de Reuilly, toute proche, pour qu’on puisse la tenir à l’œil : est-ce une religieuse à histoires ? Non. Elle sert dans la plus parfaite discrétion durant toute sa vie. Elle resta indéfectiblement une servante efficace et discrète des pauvres.

A Reuilly, elle redeviendra vite fermière, chargée du jardin et des bêtes.

La croix de 1848 : au seuil de la révolution de 1848, Catherine transmet à M. Aladel (son confesseur) une nouvelle demande : une grande croix à dresser dans Paris comme un paratonnerre spirituel : « Cette croix sera appelée la Croix de la Victoire. Elle sera en grande vénération. […] Sur le pied de la croix, il sera représenté toute cette révolution telle qu’elle s’est passée. Le pied de la croix m’a paru avoir 10 à 12 pieds en carré, et la croix de 15 à 20 pieds de hauteur. Et, une fois élevée, elle m’apparaissait, à peu près, à 30 pieds de hauteur » Dix mètres, ce n’est pas énorme. Catherine ne fut pas écoutée. La croix était très populaire en 1848. Des émeutiers portèrent en triomphe une

=details&tx_ifglossaire_list%5Bcontroller%5D=Glossaire" title="Deux pièces de bois croisées utilisées comme gibet. La croix était util..." class="definition_texte">croix qu’ils avaient sauvée du pillage des Tuileries, mais Aladel ne saisit pas cette occasion.

Lourdes – 1858 : Quand Catherine entendit parler de l’apparition, elle dit aussitôt : "C’est la même !". Dans sa pensée, la Vierge avait dû apparaître si loin parce que la chapelle communautaire des sœurs, essentielle à la communauté, n’était pas ouverte au public. Trois sœurs ont noté ses réflexions à ce sujet : "Dire que ces miracles pourraient avoir lieu dans notre chapelle !" (Témoignage de sœur Tranchemer.) Elle exprimait là son chagrin que la chapelle de la rue du Bac ne soit pas ouverte au public, ce qu’interdisait la prospérité même de la congrégation, la chapelle étant déjà trop petite pour les nombreuses sœurs et les 500 novices.

La Vierge au globe : Catherine était tourmentée du fait que la Médaille miraculeuse, alors parvenue au milliard d’exemplaires, ne représentait pas ce qu’elle avait vu en 1830 : la Vierge avec un globe dans ses mains rayonnantes.
"Mais qu’est devenue cette boule ? – Je ne vis plus que les rayons qui tombaient de ses mains, répond Catherine. – Mais que deviendra la Médaille si on publie cela ? – Oh ! il ne faut pas toucher à la Médaille miraculeuse. – Mais le globe de la terre est déjà sous ses pieds, il y aura donc un deuxième globe dans ses mains ?" Sœur Dufès est d’autant plus perplexe que Catherine n’était pas infaillible dans ses intuitions.[1] Le modèle fixé selon les indications de Catherine, toujours en réservant son incognito, fut finalement installé dans la chapelle de la rue du Bac.

Le jour de sa mort :
elle demanda que soixante-trois enfants récitent autour de son lit chacune des invocations des litanies de Notre-Dame. Elles sont dans l’Office de l’Immaculée Conception... Catherine voyait dans ce chiffre 63 l’illustration d’une tradition orale qui attribue à la Vierge, soixante trois ans : quinze de part et d’autre des trente-trois ans de la vie du Christ. Elle dédiait ainsi à Notre-Dame les soixante-dix ans de sa vie laborieuse qui faisaient d’elle l’aînée de Notre-Dame. Elle mettait là sa poésie, sa familiarité et son humour, mais aussi son bonheur de partir au ciel. "Pourquoi craindre d’aller voir Notre-Seigneur, sa Mère et saint Vincent ?" Ce fut une des dernières paroles de Catherine avant qu’elle fermât ses yeux bleus.


[1] Elle avait fait creuser la terre, à Reuilly, au lendemain de la Commune, pour découvrir à 1,50 m de profondeur « une pierre plate, comme une pierre tombale », et de quoi « faire bâtir une chapelle » ou plutôt « une église ». On avait fouillé, on n’avait rien trouvé : « Vous êtes dans l’erreur », avait conclu sœur Dufès. Catherine se rendit à l’évidence : « Eh bien, ma sœur, je me suis trompée. Je croyais avoir dit vrai. Je suis bien aise qu’on connaisse la vérité. »


R. Laurentin

Extraits de R. Laurentin, « Paris VII », dans : René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge. Inventaire des origines à nos jours. Méthodologie, prosopopée, approche interdisciplinaire, Fayard, Paris 2007.