Rue du Bac - Marie écrasant le serpent - le contexte de 1830

Rue du Bac - Marie écrasant le serpent - le contexte de 1830

Quand Satan est applaudi...

Les progrès scientifiques du XIX° siècle ont sans doute tenté les hommes de cette époque, avec la parole que le Serpent adressa à Adam et Ève : "Vous serez comme des dieux" (Gn 3, 5). Le tentateur, parlant à leur orgueil, les avait portés à élever leur liberté au-dessus de la volonté du Créateur. Cette tentation a été particulièrement forte dans le spiritisme et le romantisme.

Patrick Sandrin résume :

« Mêlant quête spirituelle, rejet des dogmes chrétiens et refus des conventions, le romantisme ne pouvait manquer de s'emparer de la figure de l'ange rebelle. Son mythe grandit notamment sous l'influence des Anglais John Milton (1608- 1674), Matthew Gregory Lewis (1775-1818) et Lord Byron (1788-1824). Milton magnifie sa rébellion, Lewis en fait le pilier d'une puissante dramaturgie tandis que Byron le dépeint comme le défenseur de la justice et de la liberté. Applaudi à l'opéra, célébré par les poètes, réhabilité dans les romans, loué dans les illustrés, l'ange déchu est au sommet de sa popularité.

L'époque n'hésite pas à afficher sa fascination pour celui qui dépasse toute norme. Sa valeur de scandale permet de provoquer le bourgeois, d'édifier une contre-culture. Le Satan romantique est moins criminel que victime, moins haïssable que digne de compassion. On se souvient de son premier nom, Lucifer, qui signifie le Porteur de lumière, et on lui prête le dessein d'avoir voulu éclairer l'homme pour briser la toute- puissance d'un Dieu qui voulait maintenir l'humanité en sujétion. La figure de Satan gagne en sympathie face à un Créateur accusé de tyrannie et de malveillance. »[1]

Dans ce contexte, la vision du 27 novembre 1830 à la rue du Bac, prend un relief impressionnant :

Marie apparait debout sur un globe, les pieds posés sur un serpent (symbole du diable) et portant dans sa main un autre globe surmonté d'une croix, symbole du monde sauvé par le Christ.

Cette vision est en référence directe à la promesse de la Genèse : « Je mettrai l'hostilité entre toi et la femme, entre sa descendance et la tienne. Elle t'écrasera la tête, tandis que tu la mordras au talon. » (Gn 3, 14-15).

Comme l'ont enseigné les pères de l'Eglise depuis les premiers siècles, la postérité de la femme aboutit, au temps fixé par Dieu, à la Vierge Marie, « la Nouvelle Ève », mère du Christ rédempteur, Femme de l'Apocalypse (Ap 12) enveloppée du soleil.

Le dogme de l'Immaculée conception, défini en 1854, manifestera plus clairement comment Marie a écrasé en elle-même Satan, avec la grâce du Christ, et de là le rôle de Marie dans les luttes de l'histoire contre les forces du Mal.

A notre époque aussi.

Notre époque prolonge et amplifie ce que le XIX° avait semé. « Si Satan cesse d'être un héros romantique, il se voit maintenant récupéré par la sphère du marketing. C'est dorénavant au tour de Marie-Madeleine de se voir élever au statut beaucoup plus romanesque d'épouse du Christ. Sur cette lancée, le phénomène ne pouvait laisser de côté Judas, le disciple le plus décrié des Évangiles. Suite à la redécouverte de L'Évangile de Judas, il n'est plus présenté comme le traître, mais comme le seul qui ait vraiment compris le message du Christ. » [2] A ces phénomènes culturels d'ajoutent bien d'autres combats spirituels, et dans tous les domaines, politiques, économiques, écologiques, familiaux, etc.

Ainsi, nous pouvons affirmer que la vision de la rue du Bac continue d'être un message important pour notre temps.

Il est important aussi, par fidélité à Marie immaculée, d'avoir des idées claires concernant Satan et l'enfer.


[1] Patrick SANDRIN, A ciel ouvert, EDB, Nouan 2013, p. 62

[2] Patrick SANDRIN, A ciel ouvert, EDB, Nouan 2013, p. 71

Synthèse F. Breynaert