405 - le discours de Jésus devant Emmaüs de la plaine (dimanche 29 avril 29)

Evangiles

Pas de correspondance

Date

Dimanche 29 avril 29

Lieu : 

Emmaüs

 

 

Vision de Maria Valtorta :

405.1 Près de la porte d’Emmaüs se trouve une maison de paysans. Comme tout le monde travaille aux champs, elle est silencieuse. On voit déjà sur l’aire les tas de gerbes des jours précédents et les foins sont entassés dans des granges rustiques. Le soleil brûlant de midi dégage l’odeur chaude des bottes et des gerbes. On n’entend rien d’autre que le roucoulement des colombes et le piaillement des moineaux, toujours bruyants et querelleurs. Les uns et les autres volent sans arrêt du toit ou des arbres voisins aux tas de gerbes et de paille, et ils sont les premiers à goûter ces produits : ils becquettent les épis dressés, se battent à coups d’ailes, luttent pour prendre le plus de grains possible, pour s’emparer des brins de paille les plus soyeux, avides, batailleurs, sans scrupules.

Ce sont les uniques voleurs que l’on rencontre en Israël où, je l’ai remarqué, on a un très grand respect pour la propriété d’autrui. On laisse volontiers les maisons ouvertes et l’on ne garde pas les aires ou les vignobles ! A part les très rares voleurs de métier, les vrais brigands qui attaquent les gens dans les gorges des montagnes, il n’y a pas de petits larrons ou même simplement… de gourmands qui mettent la main sur les fruits des arbres ou sur le pigeonneau d’autrui. Chacun va son chemin, et même s’il traverse la propriété d’un autre, c’est comme s’il n’avait pas d’yeux ni de mains. Il est vrai que l’on pratique si largement l’hospitalité, qu’il n’est pas nécessaire de voler pour pouvoir manger. C’est seulement à l’égard de Jésus — en raison d’une haine si grande qu’elle fait négliger l’habitude séculaire de l’hospitalité due au pèlerin — que des maisons refusent d’offrir un toit et de la nourriture. Mais envers les autres, on fait généralement preuve de pitié, en particulier dans les classes les plus humbles.

C’est donc sans peur que les apôtres, après avoir frappé à la porte de la maison fermée et n’avoir trouvé personne, se sont mis à l’abri d’un hangar sous lequel se trouvent des outils agricoles et des jarres vides. Comme s’ils étaient les maîtres des lieux, ils ont pris comme sièges des bottes de foin, des seilles pour puiser de l’eau au puits, des cruches pour boire et pour tremper les bouchées de pain rassis et d’agneau froid qu’ils mangent presque en silence tant ils sont engourdis et abasourdis par le soleil. Et, aussi librement qu’ils ont utilisé les bottes de foin et les vases, ils s’allongent ensuite sur la paille odorante et c’est tout de suite un chœur de ronflements aux tons et aux rythmes variés.

Jésus lui-même est fatigué, ou plus exactement attristé. Il regarde un moment les douze dormeurs. Il prie, il pense. Il réfléchit en suivant machinalement des yeux les combats des moineaux et des colombes, et le vol en flèche des hirondelles sur l’aire ensoleillée. Les cris stridents de ces rapides maîtresses de l’air semblent apporter des réponses précises aux questions douloureuses que se pose Jésus. Puis lui aussi s’allonge sur la paille, et bientôt ses yeux tristes et doux de saphir se voilent sous ses paupières. Son visage s’immobilise dans le repos et, peut-être parce qu’il s’abîme dans le sommeil avec la tristesse au cœur, son visage rappelle beaucoup l’expression d’épuisement et de douleur qu’il aura dans la mort…

405.2 Puis les paysans propriétaires de la maison reviennent — hommes, femmes, enfants —, et avec eux les disciples vus auparavant. Ils se rendent compte que Jésus et ses apôtres dorment sur le foin, et leurs paroles s’éteignent en un murmure pour ne pas les éveiller. Quelque mère donne une gifle à son enfant qui ne veut pas se taire, ou, du moins, elle en esquisse le geste.

Un doigt dans la bouche, un petit garçon vient, de son pas de tourtereau, observer Jésus — “ le plus beau ”, dit-il —, qui dort, la tête appuyée sur son bras replié en guise d’oreiller. Tous, déchaussés, sur la pointe des pieds, finissent par l’imiter, et en premier Mathias et Jean qui s’émeuvent de le voir ainsi assoupi sur la paille.

Mathias observe :

« Notre Maître dort aujourd’hui comme dans son premier sommeil, mais il est moins heureux qu’à cette époque… Sa Mère aussi lui manque…

– Oui. Il n’a que la persécution, toujours proche. Mais nous, nous l’aimerons toujours, nous l’aimons toujours comme à ce moment-là… répond Jean.

– Davantage encore, Mathias. Alors, nous l’aimions seulement par notre foi et parce qu’il est doux d’avoir de l’affection pour un bébé. Mais actuellement, nous l’aimons aussi parce que nous avons la connaissance…

– Il a été haï depuis son tout jeune âge, Jean. Rappelle-toi ce qui est arrivé pour le frapper !… »

Mathias change de couleur à ce souvenir.

« C’est vrai… Mais qu’elle soit bénie, cette douleur ! Nous avons tout perdu, sauf lui. Et cela seul compte. A quoi nous aurait-il servi d’avoir encore nos parents, la maison, notre petit bien-être, si lui était mort ?

– C’est vrai, tu as raison, Mathias. Et à quoi nous servira-t-il d’avoir le monde entier quand il ne sera plus au monde ?

– Ne m’en parle pas… Alors, nous serons vraiment abandonnés… Partez, vous autres, nous allons rester auprès du Maître, dit ensuite Jean en congédiant les paysans.

– Nous regrettons de n’avoir pas pensé à leur donner la clé. Ils auraient pu entrer dans la maison et être mieux installés… dit l’homme le plus âgé.

– Nous le lui dirons… Mais votre amour suffira à le réjouir. Allez, allez… »

Les paysans retournent à la maison, et bientôt une fumée qui s’élève de la cheminée annonce qu’ils sont en train de préparer un repas. Mais ils le font avec délicatesse, en retenant les enfants, en s’efforçant d’être discrets… et c’est toujours sans bruit qu’ils apportent ensuite la nourriture aux disciples et murmurent :

« Nous l’avons mise de côté pour eux… Pour quand ils s’éveilleront… »

Puis le silence enveloppe la maison. Peut-être les moissonneurs, au travail depuis l’aube, se sont-ils jetés sur leur lit en ces heures où il serait impossible de rester dans les champs sous le soleil brûlant.

Les disciples aussi sommeillent… Même les colombes et les moineaux restent tranquilles. Seul le vol en flèche des hirondelles écrit inlassablement des paroles d’azur dans l’espace et des paroles d’ombre sur l’aire blanche…

405.3 Le petit garçon de tout à l’heure, très beau dans la courte tunique qu’il porte pour tout vêtement à cette heure torride, passe sa petite tête brune par l’ouverture de la cuisine, jette un coup d’œil, avance avec précaution de ses pieds délicats qui souffrent sur le sol que le soleil rend brûlant. Sa tunique décolletée glisse presque en bas de son épaule potelée. Il rejoint les disciples, et essaie de les enjamber pour aller de nouveau regarder Jésus. Mais ses jambes sont trop courtes pour passer au-dessus des corps musculeux des adultes et il bute en tombant sur Mathias, qui s’éveille et voit le petit visage attristé presque aux larmes. Il sourit et, comprenant la manœuvre de l’enfant, il lui dit :

« Viens ici, je vais te mettre entre Jésus et moi. Mais reste silencieux et ne bouge pas. Laisse-le faire dodo, car il est fatigué. »

Et le petit bonhomme, heureux, s’assied et reste en admiration devant le beau visage de Jésus. Il le regarde, l’étudie et il a bien envie de lui faire une caresse, de toucher ses cheveux d’or. Mais Mathias veille en souriant et ne le lui permet pas. Alors l’enfant demande doucement :

« Il fait toujours dodo comme ça ?

– Toujours, répond Mathias.

– Il est fatigué ? Pourquoi ?

– Parce qu’il marche beaucoup, et il parle beaucoup.

– Pourquoi est-ce qu’il parle et marche ?

– Pour apprendre aux enfants à être gentils, à aimer le Seigneur pour aller avec lui au Ciel.

– Là-haut ? Comment on fait ? C’est loin…

– L’âme, tu sais ce qu’est l’âme ?

– Non !

– C’est la chose la plus belle qu’il y a en toi, et…

– Plus belle que les yeux ? Maman dit que mes yeux sont deux étoiles. Elles sont belles les étoiles, tu sais ! »

Le disciple sourit :

« Elle est plus belle que les petites étoiles de tes yeux, car l’âme bonne est plus belle que le soleil.

– Oh ! Et où est-elle ? Où est-ce que je l’ai ?

– Ici, dans ton petit cœur. Elle voit et entend tout, elle ne meurt jamais. Et quand quelqu’un n’est jamais méchant et meurt en étant toujours gentil, son âme s’envole là-haut, avec le Seigneur.

– Avec lui ? demande le petit garçon en montrant Jésus.

– Avec lui.

– Mais lui, il en a une, d’âme ?

– Il a une âme et aussi la divinité, car cet homme que tu regardes est Dieu.

– Comment tu le sais ? Qui te l’a dit ?

– Les anges. »

L’enfant, qui était complètement assis sur Mathias, ne peut entendre tranquillement cette nouvelle, et il se lève vivement en disant :

« Tu as vu les anges ? »

Il regarde Mathias, les yeux écarquillés. Si étonnante est la nouvelle qu’un instant il oublie Jésus, de sorte qu’il ne le voit pas entrouvrir les yeux, reveillé par le léger cri de l’enfant, puis, avec una sourire, les refermer en détournant la tête.

« Tais-toi ! Tu vois ? Tu le réveilles… Je vais te renvoyer.

– Je reste tranquille. Mais comment sont les anges ? Tu les as vus quand ? »

La petite voix est devenue un murmure et Mathias, patiemment, raconte la nuit de Noël à l’enfant, qui est revenu s’asseoir sur sa poitrine, extasié. Il répond avec la même patience à tous ses pourquoi :

« Pourquoi est-il né dans une étable ? Il n’avait pas de maison ? Il était tellement pauvre qu’il n’a pas pu en trouver une ? Et maintenant, il n’a toujours pas de maison ? Il n’a pas sa mère ? Où est sa mère ? Pourquoi est-ce qu’elle le laisse seul, si elle sait qu’on a déjà voulu le tuer ? Elle ne l’aime pas ?… »

Une pluie de questions et une pluie de réponses !

Mathias dit :

« Cette Mère sainte aime beaucoup son divin Fils, mais elle fait le sacrifice de sa douleur de le laisser partir pour que les hommes soient sauvés. Pour se consoler, elle pense qu’il y a encore des hommes bons capables de l’aimer. »

Cette réponse suscite de nouvelles questions :

« Et elle ne sait pas qu’il y a de bons enfants qui l’aiment ? Où est-elle ? Dis-le-moi, pour que j’aille lui dire : “ Ne pleure pas. Moi, je donne de l’amour à ton Fils. ” Qu’est-ce que tu en dis ? Elle va être contente ?

– Très contente, mon petit, dit Mathias en l’embrassant.

– Et lui aussi ?

– Oui, vraiment. Tu vas le lui dire quand il se réveillera.

– Oh, oui ! Mais quand est-ce qu’il va se réveiller ? »

Le petit garçon est impatient.

405.4 Jésus n’y tient plus. Il se tourne, les yeux grands ouverts et avec un sourire lumineux sur les lèvres :

« Tu me l’as déjà dit, car j’ai tout entendu. Viens ici, mon enfant. »

Ah ! il ne se le fait pas dire deux fois ! Il se renverse sur Jésus, le caresse, lui donne des baisers, touche son front du doigt et aussi ses sourcils, ses cils blonds, en se regardant dans les yeux bleus, en caressant sa barbe et ses cheveux soyeux, et en disant à chaque découverte :

« Comme tu es beau ! Beau ! Beau ! »

Jésus sourit et Mathias aussi.

Et puis, à mesure que les autres s’éveillent — parce que maintenant le petit ne prend plus beaucoup de précautions —, les disciples et les apôtres sourient à la vue de cet examen attentif, répété, de l’homme en miniature, à moitié nu, potelé, qui prend plaisir à passer sur le corps de Jésus pour l’observer de la tête aux pieds. Il finit par lui dire : « Tourne-toi ! », et explique ensuite : « Pour voir tes ailes », et demande, déçu :

« Pourquoi est-ce que tu n’en as pas ?

– Je ne suis pas un ange, mon enfant.

– Mais tu es Dieu ! Comment fais-tu pour être Dieu, si tu n’as pas plein d’ailes ? Comment tu vas faire pour monter au Ciel ?

– Je suis Dieu. Et justement parce que je suis Dieu, je n’ai pas besoin d’ailes. Je fais ce que je veux et je peux tout.

– Alors fais-moi des yeux comme les tiens. Ils sont si beaux !

– Non. Ceux que tu as, c’est moi qui te les ai donnés, et ils me plaisent ainsi. Demande-moi plutôt de te faire une âme de juste pour que tu m’aimes de plus en plus.

– Elle aussi, c’est toi qui me l’as donnée, alors elle te plaira comme elle est, dit le petit avec sa logique enfantine.

– Oui. Elle me plaît maintenant parce qu’elle est innocente. Mais alors que tes yeux seront toujours de cette couleur d’olive mûre, ton âme, qui est blanche, peut devenir noire si tu deviens méchant.

– Méchant, non. Je t’aime bien et je veux faire comme le disaient les anges quand tu es né : “ Paix à Dieu au Ciel, et gloire aux hommes de bonne volonté ”, » dit l’enfant en se trompant. Cela provoque un bruyant éclat de rire chez les adultes, ce qui le vexe et le rend muet.

Mais Jésus le console tout en rectifiant :

« Dieu est toujours Paix, mon enfant. Il est la Paix. Mais les anges lui rendaient gloire pour la naissance du Sauveur, et ils apprenaient aux hommes la première règle pour obtenir la paix qui provienne de ma naissance : “ avoir de la bonne volonté ”. Celle que tu veux.

– Oui. Alors donne-la-moi. Mets-la à l’endroit où cet homme dit que j’ai l’âme. »

Et, de ses deux index, il frappe plusieurs fois sa poitrine.

« Oui, mon petit ami. Comment t’appelles-tu ?

– Mikaël !

– C’est le nom du puissant Archange. Alors, fais preuve de bonne volonté, Mikaël. Et sois un confesseur du Dieu vrai, en disant aux persécuteurs, comme ton angélique patron : “ Qui est comme Dieu ? ” Sois béni, maintenant et toujours. »

Et il lui impose les mains. Mais l’enfant n’est pas convaincu. Il dit :

« Non. Fais un baiser ici, sur l’âme. Et c’est à l’intérieur qu’entrera ta bénédiction et elle y restera enfermée. »

Il découvre alors sa poitrine pour que Jésus la baise, afin qu’aucun obstacle ne s’interpose entre son petit corps et les lèvres divines.

Ceux qui sont là sourient et en même temps sont émus. Et il y a de quoi ! La foi merveilleuse de l’innocent qui est allé vers Jésus — par instinct, diraient certains, mais moi je dis sous la poussée de l’esprit —, est vraiment émouvante et Jésus le fait remarquer :

« Ah ! si tous avaient le cœur des enfants !… »

405.5 Pendant ce temps, les heures ont passé. La maison se ranime : des voix de femmes, d’enfants, d’hommes se font entendre. Et une mère crie :

« Mikaël ! Mikaël ! Où es-tu ? »

On la voit regarder d’un air apeuré le puits profond avec une atroce pensée dans le cœur.

« N’aie pas peur, femme. Ton fils est avec moi.

– Oh ! je craignais… Il aime tant l’eau…

– Effectivement, il est venu à l’Eau vive qui descend du Ciel pour donner la Vie aux hommes.

– Il t’a dérangé… Il m’a échappé si doucement que je ne m’en suis pas aperçue… dit la femme pour s’excuser.

« Non, il ne m’a pas dérangé. Il m’a consolé ! Les enfants ne font jamais de peine à Jésus. »

Les hommes s’approchent, suivis des autres femmes. Le chef de famille dit :

« Entre, viens te restaurer. Et pardonne-nous si nous n’avons pas fait de toi le maître de la maison à partir du moment où nous t’avons vu…

– Je n’ai rien à pardonner. J’étais bien installé, ici. Ton respect me fait tout honneur. Nous avions de la nourriture et ton puits est frais, le foin est moelleux. C’est plus qu’il n’en faut pour le Fils de l’Homme. Je ne suis pas un satrape syrien… »

Et Jésus, suivi des apôtres, pénètre dans la vaste cuisine pour y prendre quelque nourriture, pendant que, sur l’aire, les hommes s’occupent à faire de la place pour ceux qui arrivent déjà de toutes parts pour entendre le Maître. D’autres se hâtent de préparer des boissons, des vivres et de dépouiller un agnelet afin de donner une provision de voyage aux évangélisateurs. Les femmes, elles, apportent des œufs et du beurre. Le beurre provoque les protestations de Pierre, qui déclare à juste titre qu’on ne peut emporter dans les besaces un aliment qui fond si facilement par ces chaleurs. Mais ce n’est pas pour rien qu’il y a des cruches… Et elles en emplissent une de beurre, la ferment et la descendent dans le puits pour la refroidir le plus possible.

Jésus remercie et voudrait limiter ces offrandes. Mais oui ! C’est peine perdue. D’autres dons arrivent de tous côtés, et tous s’excusent de donner si peu de chose…

Pierre murmure :

« On voit bien que les bergers sont venus ici. C’est une terre amendée… de la bonne terre. »

La cour est pleine de gens, impassibles, bien que la fraîcheur ne soit pas encore arrivée et qu’un dernier rayon de soleil l’effleure encore.

405.6 Jésus prend la parole :

« Que la paix soit avec vous ! Comme je vois que la doctrine du Maître d’Israël vous est déjà connue par les soins de mes bons disciples, je n’ai pas l’intention de répéter ce que vous savez déjà. Je leur laisse la gloire et le soin de vous avoir instruits et de poursuivre, jusqu’à vous donner la parfaite assurance que je suis le Promis de Dieu et que ma Parole vient de Dieu.

– Et tes miracles viennent de Dieu ! Béni es-tu ! » crie une voix de femme du milieu de la foule.

Beaucoup se retournent pour regarder dans cette direction. La femme tend à bout de bras un enfant rieur à la mine florissante, et s’écrie :

« Maître, c’est le petit Jean que tu as guéri[81] à “ La Belle Eau ” : l’enfant aux hanches brisées que nul médecin ne pouvait soulager, que je t’ai apporté avec foi et que tu as sauvé, en le tenant sur ton sein.

– Je m’en souviens, femme. Ta foi a mérité ce miracle.

– Elle s’est renforcée, Maître. Toute ma famille croit en toi. Va, mon fils, remercier le Sauveur. Laissez-le parvenir auprès de lui… » prie la femme.

La foule s’écarte pour laisser passer l’enfant, qui s’avance vivement vers Jésus en lui tendant les bras pour pouvoir l’embrasser. Cela se produit au milieu des hosannas et des commentaires des gens de la ville ou des environs, car les habitants de la campagne connaissent déjà le fait et n’en sont pas surpris.

Jésus reprend la parole en tenant le petit garçon par la main.

« Et voici confirmée ma Nature par une mère reconnaissante, ainsi que le pouvoir de la foi sur le cœur de Dieu, qui ne déçoit jamais les confiantes et justes demandes de ses enfants.

405.7 Je vous invite à vous rappeler ceci : Judas Maccabée[82] se présenta sur cette plaine pour étudier le formidable campement de Gorgias, fort de cinq mille fantassins et de mille cavaliers exercés à la bataille, bien pourvus de cuirasses, d’armes et de tours de guerre. Judas, avec ses trois mille fantassins sans boucliers ni épées, regardait ; il sentait la crainte s’insinuer dans le cœur de ses soldats. Alors il parla, fort de son bon droit que Dieu approuvait parce qu’il ne cherchait pas l’injustice, mais la défense de sa patrie envahie et profanée. Et il dit : “ Ne vous laissez pas effrayer par leur nombre, et ne redoutez pas leur attaque. Rappelez-vous comment nos pères furent sauvés au passage de la Mer Rouge, quand le Pharaon les poursuivait avec sa grande armée. ” Après avoir ranimé la foi en la puissance de Dieu, qui est toujours du côté des justes, il enseigna à ses soldats le moyen d’obtenir de l’aide. Il dit : “ Crions vers le Ciel et le Seigneur aura pitié de nous, il se souviendra de son alliance avec nos pères, et il écrasera aujourd’hui cette armée que voici devant nous. Alors toutes les nations reconnaîtront qu’il y a un Sauveur qui délivre Israël. ”

Voilà : je vous indique deux éléments capitaux pour avoir Dieu avec soi pour nous aider dans nos justes entreprises.

En voici le premier : pour qu’il soit notre allié, il faut avoir l’âme juste de nos pères. Rappelez-vous la sainteté, la promptitude des patriarches à obéir au Seigneur, que la grâce demandée soit de faible ou de très grande importance. Rappelez-vous de quelle fidélité ils ont fait preuve envers le Seigneur. Nous nous plaignons beaucoup, en Israël, que le Seigneur ne soit plus bienveillant avec nous comme il l’était autrefois. Mais Israël a-t-il encore l’âme de ses pères ? Qui a rompu et ne cesse de rompre l’alliance avec le Père ?

Second moyen capital pour avoir Dieu de son côté : l’humilité. Judas Maccabée était un grand Israélite et un grand soldat, mais il ne dit pas : “ Aujourd’hui, je vais détruire cette armée et les nations sauront que je suis le sauveur d’Israël. ” Non. Il déclare : “ Et le Seigneur détruira cette armée que voici devant nous, qui sommes incapables de le faire, faibles comme nous le sommes. ” Car Dieu est Père et il prend soin de ses enfants. Afin qu’ils ne périssent pas, il envoie ses puissantes armées combattre leurs ennemis avec des armes surnaturelles. Si Dieu est avec nous, qui peut nous vaincre ? Répétez-vous cela sans cesse, dès maintenant et encore davantage à l’avenir, quand on voudra vous abattre ; or ce ne sera plus pour une question d’importance relative comme une lutte nationale, mais pour quelque chose de bien plus essentiel dans le temps et par ses conséquences, comme ce l’est pour votre âme. Ne vous laissez pas dominer par la frayeur ou l’orgueil, car tous deux sont préjudiciables.

Dieu sera avec vous si vous êtes persécutés à cause de mon Nom et il vous donnera la force dans les persécutions. Dieu sera avec vous si vous êtes humbles, si vous reconnaissez que, par vous-mêmes, vous n’êtes capables de rien, mais que vous pouvez tout si vous restez unis au Père.

Judas ne s’est pas fait valoir en se parant du titre de Sauveur d’Israël, mais c’est au Dieu éternel qu’il l’a l’attribué. Car les hommes s’agitent en vain si Dieu n’est pas présent à leurs efforts. Au contraire, l’homme qui fait confiance au Seigneur est victorieux sans avoir à se démener. Lui sait quand il est juste de récompenser par des victoires ou de punir par des défaites. Bien sot est l’homme qui veut juger Dieu, le conseiller ou le critiquer. Vous imaginez une fourmi qui, en observant le travail d’un sculpteur, dirait : “ Tu ne sais pas t’y prendre, je ferais mieux et plus vite que toi ” ? L’homme lui ressemble vraiment quand il veut faire la leçon à Dieu. Et à sa figure ridicule, il unit celle d’un ingrat et d’un prétentieux, oublieux de ce qu’il est : une créature, et de ce qu’est Dieu : le Créateur. Donc, puisque le Père a si bien créé un être qui peut se croire capable de conseiller Dieu lui-même, quelle sera la perfection de l’Auteur de toute créature ? Cette seule pensée devrait suffire à rabaisser l’orgueil, à détruire cette plante mauvaise et satanique, ce parasite qui, en s’insinuant dans une intelligence, l’envahit, la supplante, l’étouffe, tue tout arbre bon, toute vertu qui, sur terre, rend l’homme grand, vraiment grand, non par la richesse ou les couronnes, mais par la justice et la sagesse surnaturelles, et bienheureux dans le Ciel pour l’éternité.

405.8 Considérons maintenant un autre conseil que nous donnent le grand Judas Maccabée et les événements de ce jour-là, dans cette plaine.

S’étant engagées dans la bataille, les troupes de Judas avec lesquelles Dieu était, vainquirent et mirent en déroute les ennemis. Ils les poursuivirent jusqu’à Gazara, Azôtos, Idumée et Iamnia — dit l’histoire —, et en passèrent une partie au fil de l’épée, laissant sur les champs plus de trois mille cadavres. Mais Judas dit à ses soldats, que la victoire avait enivrés : “ Ne restez pas là à engranger du butin, car la guerre n’est pas finie : Gorgias et son armée sont dans la montagne tout près de nous. Il nous faut encore combattre maintenant nos ennemis et les vaincre complètement. Après cela, vous ramasserez votre butin en sécurité. ” Ils agirent ainsi et obtinrent une victoire assurée, de grandes richesses, ainsi que la délivrance, et en rentrant ils chantaient des bénédictions à Dieu car “ il est bon et sa miséricorde est éternelle. ”

De même, l’homme, quel qu’il soit, est comme les champs qui entourent la cité sainte des juifs : entouré d’ennemis extérieurs et intérieurs, cruels, qui espèrent tous livrer bataille à la cité sainte de chaque homme — à son âme —, et de le faire à l’improviste pour la prendre par surprise avec mille ruses et la détruire. Les passions, que Satan cultive et excite, et que l’homme ne veille pas à refréner de toute sa volonté, sont dangereuses s’il n’arrive pas à les maîtriser, mais inoffensives si elles sont surveillées comme un voleur enchaîné. De l’extérieur, le monde les utilise pour comploter au moyen de toutes les séductions de la chair, de l’argent, de l’orgueil. Passions et monde ressemblent aux puissantes armées de Gorgias, cuirassées, pourvues de tours de guerre, d’archers, excellents tireurs, de cavaliers rapides, toujours prêts à partir à l’attaque sur les ordres du Mal.

Mais que peut le Mal si Dieu est avec l’homme qui veut être juste ? L’homme souffrira, sera blessé, mais sauvera sa liberté et sa vie, et il connaîtra la victoire après la bataille favorable. Mais celle-ci n’a pas lieu une fois seulement : elle est sans cesse à livrer, tant que dure la vie, ou tant que l’homme ne se dépouille pas suffisamment de son humanité et ne devient pas esprit plus que chair, esprit uni à Dieu. Alors les flèches, les morsures, les feux de guerre ne peuvent plus le blesser profondément et tombent après l’avoir frappé superficiellement comme peut le faire une goutte d’eau qui glisse sur un jaspe dur et brillant.

Ne vous arrêtez pas à engranger votre butin, ne vous distrayez pas tant que vous n’êtes pas au seuil de la vie, non pas de cette vie de la terre, mais de la vraie Vie des Cieux. Alors, victorieux, rassemblez vos prises de guerre et entrez, avancez glorieux devant le Roi des rois et dites : “ J’ai remporté la victoire. Voici mon butin. Je l’ai fait avec ton aide et ma bonne volonté, et je te bénis, Seigneur, parce que tu es bon et que ta miséricorde est éternelle. ”

405.9 Cela, c’est pour la vie en général, pour tout le monde. Mais pour vous qui croyez en moi, une autre bataille vous guette, et même plusieurs : la lutte contre le doute, contre les paroles que l’on viendra vous dire, contre les persécutions.

Moi, je vais être élevé au lieu pour lequel je suis descendu du Ciel. Ce lieu vous fera peur, il vous semblera démentir mes paroles. Mais non : regardez cet événement avec les yeux de l’âme et vous verrez que ce qui arrivera sera la confirmation de ce que je suis réellement : non pas le pauvre roi d’un misérable royaume, mais le Roi annoncé par les prophètes. Toutes les nations de la terre viendront aux pieds de son trône unique, immortel, comme les fleuves vont à l’océan, et elles s’exclameront : “ Nous t’adorons, ô Roi des rois et Juge éternel, parce que, par ton saint Sacrifice, tu as racheté le monde. ”

Résistez au doute. Moi, je ne mens pas. Je suis Celui dont parlent les prophètes. Comme la mère de Jean il y a un instant, gardez le souvenir de ce que j’ai fait pour vous, et dites : “ Ce sont les œuvres de Dieu. Il nous les a laissées en guise de souvenir, de confirmation, d’aide pour croire, et en particulier à cette heure-ci. ” Luttez et vous vaincrez le doute qui étrangle la respiration de l’âme. Luttez contre ce qu’on allèguera. Rappelez-vous les prophètes et mes œuvres, et répondez aux paroles hostiles en citant les prophètes et en racontant les miracles que vous m’avez vu faire. Ne craignez rien, et ne soyez pas ingrats par peur, en taisant les miracles que j’ai accomplis pour vous. Luttez contre les persécutions, non pas en persécutant ceux qui vous persécutent, mais en apportant un témoignage héroïque à ceux qui voudront, par des menaces de mort, vous persuader de me renier. Combattez sans cesse tous vos ennemis : votre humanité, vos peurs, les compromissions indignes, les alliances intéressées, les pressions, les menaces, les tortures, la mort.

405.10 La mort ! Je ne suis pas un chef de peuple qui impose ceci : “ Souffrez pour moi, pendant que moi, je profite de mon bien-être. ” Non : je suis le premier à souffrir pour vous montrer l’exemple. Je ne suis pas un chef d’armée qui ordonne : “ Combattez pour me défendre, mourez pour me donner la vie. ” Non : je suis le premier à combattre et je mourrai le premier pour vous apprendre à mourir. De la même façon, j’ai toujours accompli ce que j’ai demandé aux autres de faire, je suis resté pauvre en prêchant la pauvreté, chaste en exigeant la continence, tempérant en prônant la tempérance, juste en demandant la justice. De même que j’attends que vous pardonniez, j’ai pardonné et je pardonnerai. Comme j’ai fait tout cela, je vous laisserai encore un dernier enseignement : je vous apprendrai à racheter, non pas en paroles mais en actes, tout en vous apprenant à obéir, en me soumettant moi-même à l’obéissance la plus dure : celle de ma mort…

Je vous apprendrai à pardonner, en le faisant dans les derniers tourments, comme j’ai pardonné sur la paille de mon berceau à l’humanité qui m’avait arraché au Ciel. Je pardonnerai comme j’ai toujours pardonné. A tous. Pour ce qui me concerne, à tous. A mes petits ennemis, à ceux qui sont passifs, indifférents, changeants, comme aux grands ennemis qui, non seulement m’affligent en restant de marbre devant mon pouvoir et mon désir de les sauver, mais qui me causent et me causeront la douleur d’être les déicides. Je pardonnerai. Et comme je ne pourrai donner l’absolution aux déicides impénitents, je prierai encore le Père pour eux, lors de mes derniers spasmes de douleur… pour qu’il leur pardonne… parce qu’ils sont enivrés d’une liqueur satanique… Je pardonnerai… Quant à vous, pardonnez en mon nom. Et aimez, aimez comme moi j’aime, comme je vous aime et vous aimerai, éternellement.

405.11 Adieu. Le soir descend. Prions ensemble, puis que chacun retourne chez lui avec les paroles du Seigneur au fond du cœur, et qu’elles se transforment en épis riches en grains pour vos faims futures, quand vous désirerez entendre encore l’Ami, le Maître, votre Sauveur. C’est seulement en tournant votre esprit vers les Cieux que vous pourrez trouver Celui qui vous a aimés plus que lui-même. Notre Père qui es aux Cieux… »

Et Jésus, les bras ouverts, telle une haute et blanche croix contre le mur foncé de la façade du nord, récite lentement le Notre Père. Puis il dit la bénédiction mosaïque. Il embrasse les enfants, les bénit encore, prend congé et part vers le nord en longeant Emmaüs sans y entrer. Les teintes violacées du crépuscule absorbent lentement la douce vision du Maître qui s’en va, qui s’en va de plus en plus vers son destin.

Dans la cour à demi obscure règne un silence de douleur paisible… une sorte d’attente. Puis les pleurs du petit Mikaël, ceux d’un agnelet qui se trouve seul, rompent l’enchantement. Alors beaucoup d’yeux se mouillent de larmes et beaucoup de lèvres répètent les paroles innocentes du petit garçon :

« Oh ! pourquoi es-tu parti ? Reviens ! Reviens !… Fais-le revenir, Seigneur ! »

Et quand Jésus a complètement disparu, la constatation désolée du fait accompli :

«Jésus n’est plus là !»

C’est en vain que la mère du petit Mikaël cherche à le consoler : il pleure comme s’il avait perdu plus que sa mère et, dans ses bras, il n’a d’yeux que pour l’endroit où Jésus a disparu. Il tend les bras en appelant :

« Jésus ! Jésus ! »…

405.12 … Jésus attend de s’être éloigné davantage, puis il dit :

« Nous irons à Joppé. Les disciples y ont beaucoup travaillé et on y attend la parole du Seigneur. »

Ce projet d’allonger encore le chemin ne suscite guère d’enthousiasme, mais Simon le Zélote fait observer que, de Joppé aux domaines de Nicodème et de Joseph, les routes sont belles et la marche rapide. Jean, lui, se réjouit de prendre la direction de la mer. Et les autres, entraînés par ces considérations, finissent par prendre plus volontiers la route qui mène.

Jésus dit : « Vous placerez ici la vision du 20 septembre 1944 : “ Jésus et les païens dans une ville du bord de mer ”, que vous intitulerez : “ A Joppé, Jésus s’adresse à Judas de Kérioth et à des païens ”, car cet épisode s’est produit là un jour de miracles et de prédication. »

 

[81] que tu as guéri, en 125.5.

[82] Je vous invite à vous rappeler ceci: Judas Maccabée, dans l’épisode de la bataille d’Emmaüs relatée en 1 M 4, 1-25