500 - Réflexions de Barthélemy et de Jean (dimanche 30 septembre 29)

Evangiles

Pas de correspondance

Date

Dimanche 30 septembre 29

Lieu :

Au pied du Mont Nébo

 

Vision de Maria Valtorta :

500.1 « Je regretterai toujours cette montagne et ce repos dans le Seigneur » dit Pierre, alors qu’ils s’apprêtent à descendre dans la vallée par une côte très sauvage.

Ils se trouvent dans une chaîne de hautes montagnes. A l’est, au-delà de la vallée, on voit d’autres monts, et au sud aussi. Et ils sont encore plus élevés au nord. Au nord-ouest, la vue englobe la verte vallée du Jourdain qui débouche dans la mer Morte ; à l’ouest, on découvre d’abord la mer de couleur sombre, puis, au-delà, le désert aride et pierreux, interrompu seulement par la splendide oasis d’Engaddi, enfin les monts de Judée. C’est un panorama imposant, étendu, de quelque côté où l’œil se tourne. Et on oublie, dans une pareille vision de vie végétale, que l’on suppose ou que l’on sait habitée, la mélancolie du lac Asphaltite, sans voiles, sans vie, toujours morne même sous le soleil, triste même dans la basse péninsule qui s’avance du côté oriental presque jusqu’au milieu du lac. Mais quels sentiers pour descendre dans la vallée ! Seuls les animaux sauvages peuvent s’y trouver à l’aise. Si on ne pouvait s’agripper aux troncs et aux buissons, on ne pourrait descendre du sommet, ce qui fait bougonner Judas.

« Et pourtant, je voudrais encore y retourner, réplique Pierre.

– Tu as des goûts singuliers. Ici, c’est pire encore que les deux premiers endroits.

– Mais pas pire que celui où notre Maître s’est préparé à la prédication, objecte Jean.

– Oh ! pour toi, tout est toujours beau…

– Oui, tout ce qui entoure mon Maître est beau et bon, et je l’aime.

– Fais attention : dans ce “ tout ”, j’y suis moi aussi… et souvent il y a des pharisiens, des sadducéens, des scribes, des hérodiens… Tu les aimes eux aussi ?

– Lui, il les aime.

– Et toi, ha ! ha ! tu fais comme lui, hein ? Mais lui, c’est lui, et toi, c’est toi. Je ne sais si tu pourras toujours les aimer, toi qui pâlis quand tu entends parler de trahison et de mort, ou quand tu vois ceux qui le souhaitent.

– C’est signe que je ne suis encore que très imparfait, si je me trouble par crainte pour lui et par indignation envers les coupables.

– Ah ! tu te troubles aussi par indignation ? Je ne l’aurais pas cru… Alors si toi, par hasard, tu voyais un jour quelqu’un nuire réellement au Maître, que ferais-tu ?

– Moi ? Tu me poses cette question ? La Loi dit : “ Œil pour œil, dent pour dent. ” Mes mains deviendraient des tenailles autour de sa gorge.

– Oh ! Oh ! Le Maître dit pourtant qu’il faut pardonner ! C’est tout le bien que t’a fait la méditation ?

– Laisse-moi, tu me troubles ! Pourquoi me tenter et me troubler ? Qu’as-tu dans le cœur ? Je voudrais pouvoir y lire…

500.2 – Celui qui scrute les eaux de la mer Salée n’en voit pas le fond et leur mystère. Ces eaux sont une plaque funéraire sur la pourriture qu’elles recouvrent » déclame derrière eux Barthélemy, qui était resté à l’arrière du groupe.

Les autres, tant bien que mal, sont en tête et n’ont rien entendu. Mais Barthélemy, si. Il s’interpose donc dans la conversation des deux hommes et son regard est réprobateur.

« Ah ! le sage Barthélemy ! Mais tu ne veux sûrement pas dire que je suis comme la mer Salée !

– Ce n’est pas à toi que je parlais, mais à Jean. Viens avec moi, fils de Zébédée, moi je ne te troublerai pas. »

Et il prend Jean par le bras comme pour s’appuyer, lui, l’ancien, sur son agile et jeune compagnon.

Judas reste en arrière et fait derrière eux un méchant geste de colère. On dirait qu’il se jure à lui-même quelque chose, ou qu’il menace…

« Que voulait dire Judas ? Et toi, que voulais-tu dire ? demande Jean au bon vieux Nathanaël.

– N’y pense plus, mon ami. 500.3 Pensons, au contraire, à tout ce que nous a expliqué le Maître ces jours-ci. Comme on a compris Israël !

– C’est vrai. Moi, je ne comprends pas que le monde ne le comprenne pas !

– Nous non plus, Jean, nous n’y arrivons pas complètement. Nous ne voulons pas le comprendre. Tu vois quelle difficulté nous avons à accepter son idée messianique ?

– Oui. Nous le croyons aveuglément dans tous les domaines, excepté celui-là. Toi qui es instruit, peux-tu m’en dire la raison ? Nous qui trouvons que, devant le Christ, les rabbis sont obtus, pourquoi, nous aussi, n’arrivons-nous pas à l’idée parfaite d’une royauté spirituelle du Messie ?

– Je me le suis demandé bien des fois. Car je voudrais arriver à ce que tu appelles l’idée parfaite. Et je crois pouvoir me tranquilliser en me disant ceci : ce qui s’oppose à cette acceptation, en nous qui avons la volonté de le suivre, non seulement matériellement et doctrinalement, mais aussi spirituellement, ce sont tous les siècles qui sont derrière nous… et qui sont en nous, à l’intérieur de nous. Tu vois ? Regarde à l’orient, au midi et à l’occident. Chaque pierre porte un souvenir et un nom. Chaque fontaine, chaque sentier, chaque village ou citadelle, chaque ville, chaque fleuve, chaque montagne, que nous rappellent-ils ? Que nous crient-ils ? La promesse d’un Sauveur, les miséricordes de Dieu pour son peuple. Comme la goutte d’huile d’une outre percée, le petit groupe du début, le noyau du futur peuple d’Israël s’est répandu avec Abraham à travers le monde jusqu’à la lointaine Egypte ; puis, de plus en plus nombreux, il est revenu avec Moïse aux terres de son père Abraham, riche de promesses de plus en plus vastes et plus assurées, et de marques de la paternité de Dieu, devenant un vrai Peuple, car pourvu d’une Loi, la plus sainte des lois. Mais que s’est-il produit ensuite ? Ce qui est arrivé à cette cime qui, il y a un moment, brillait dans le soleil. Regarde-la maintenant. La voici enveloppée de nuages qui en modifient l’aspect. Si nous ne savions pas que c’est elle, et si nous devions la reconnaître pour nous diriger sur un chemin sûr, le pourrions-nous, changée comme elle l’est par d’épaisses couches de nuages qui ressemblent à des mamelons et des dômes ? C’est ce qui s’est passé en nous. Le Messie est ce que Dieu a dit à nos pères, aux patriarches et aux prophètes : immuable. Mais ce que nous y avons mis de nous, pour… l’expliquer, selon notre pauvre sagesse humaine, voilà ce qui nous a créé un Messie, une figure morale du Messie tellement fausse que nous ne reconnaissons plus le vrai Messie. Et nous, avec les siècles et les générations qui sont derrière nous, nous croyons au Messie que nous avons imaginé, au Vengeur, au Roi humain, très humain. Et nous n’arrivons pas, en dépit de ce que nous disons et croyons, à concevoir Celui qui est Messie et Roi tel qu’il est réellement, dans la Pensée et la Volonté de Dieu. C’est cela, mon ami !

500.4 – Mais alors nous n’arriverons jamais, nous, au moins nous, à voir, à croire, à vouloir le vrai Messie ?

– Si, nous y arriverons ! Si nous ne devions pas y parvenir, il ne nous aurait pas choisis. Et si l’humanité ne devait jamais arriver à bénéficier du Messie, le Très-Haut ne l’aurait pas envoyé.

– Mais le Maître rachètera la Faute, même sans le concours de l’humanité ! Par son seul mérite.

– Mon ami, ce serait une grande rédemption que celle du péché originel. Mais elle ne serait pas complète. Nous avons aussi en nous d’autres fautes individuelles, et celles-là, pour être lavées, ont besoin du Rédempteur et de la foi de celui qui recourt à lui comme à son salut. Je pense que la Rédemption agira jusqu’à la fin des siècles. Le Christ ne sera pas inactif un seul instant, à partir du moment où il sera Rédempteur et communiquera à l’humanité la Vie qui est en lui. Il sera comme une source qui s’offre à celui qui a soif, continuellement, jour après jour, une lune après l’autre, une année après l’autre, un siècle après l’autre. L’humanité aura toujours besoin de la Vie. Il ne peut cesser de la donner à ceux qui espèrent et croient en lui avec sagesse et justice.

– Tu es instruit, Nathanaël. Moi, je suis un pauvre ignorant.

– Tu fais, par instinct spirituel, ce que j’accomplis péniblement par la réflexion intellectuelle : notre transformation de juifs en chrétiens… Mais tu parviendras plus vite au terme, car tu sais mieux aimer que penser. C’est l’amour qui te transporte et te transforme.

– Tu es bon, Nathanaël. Si nous étions tous comme toi ! »

Jean pousse un profond soupir.

« N’y pense pas, Jean ! Prions pour Judas, lui dit l’apôtre âgé qui a compris le soupir de Jean…

500.5 – Tiens ! Vous êtes ici, vous aussi ! Nous vous regardions venir. De quoi discutiez-vous ainsi ? demande Thomas en souriant.

– Nous parlions de l’ancien Israël. Où se trouve le Maître ?

– Il est allé de l’avant, avec les frères et Isaac, voir un berger malade. Il nous a dit de passer par ce chemin jusqu’à celui qui monte au sommet.

– Allons donc. »

Ils descendent maintenant par un sentier moins casse-cou jusqu’à un vrai chemin muletier qui va au mont Nébo. Quelques maisons sont éparses dans la forêt. Plus bas, presque dans la vallée, un village proprement dit étale ses maisons blanches sur la pente, qui devient très douce. Du petit chemin où ils sont, ils voient les gens qui entrent dans le village.

« C’est là que nous attendons l’homme de Pétra ? demande Pierre.

– Oui, c’est le village. Espérons qu’il est arrivé, auquel cas nous reprendrons demain la route du Jourdain. Je ne sais pas. Je ne me sens pas du tout tranquille ici, dit Matthieu.

– Le Maître avait dit d’aller beaucoup plus en avant, rappelle Judas.

– Oui. Mais j’espère qu’on va le convaincre du contraire.

– Mais de quoi as-tu peur ? D’Hérode ? De ses sbires ?

– Des sbires, il n’y en a pas seulement près d’Hérode. Ah ! voilà le Maître ! Les bergers sont nombreux et heureux. Eux sont conquis. Ce sont des nomades. Ils vont aller répandre la bonne nouvelle que le Messie est arrivé sur terre » dit encore Matthieu.

Jésus les rejoint avec toute une escorte de bergers et de troupeaux.

« Allons. Nous avons à peine le temps d’arriver au village. Eux, ils vont nous héberger, ils sont connus. »

Jésus est content d’être parmi des simples qui savent croire au Seigneur.